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La domination américaine est quasi-totale sur l'un des moteurs de l'économie mondiale, qui structure de plus fondamentalement l'information et la connaissance accessibles, à travers lede ses produits. Sans évoquer les questions de sécurité mises actuellement sur le devant de la scène.
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Cette tribune est un compte rendu d'un colloque organisé en France par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) sur l'étude présentée en exclusivité et intitulée: Internet: Prospective 2030

Parmi les enseignements de la récente étude réalisée pour le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) sur la dynamique d'internet, ressort la très forte prédominance américaine sur l'industrie Internet. Définir l'industrie internet est en soi délicat, car cette industrie qui se situe au-dessus des opérateurs de réseaux (parfois qualifiée pour cela de "Over The Top" - OTT), mais qui est aussi l'expression numérique de nombreuses autres activités (par exemple en matière de e-commerce), se développe selon un mouvement intensif (par croissance organique), mais également extensif, prenant peu à peu le contrôle de l'industrie numérique dans son ensemble, comme le manifeste par exemple le rachat d'équipementiers (Motorola par Google) ou d'opérateurs de réseaux (Sprint-Nextel par Softbank).

Une fois identifié le noyau de ces firmes, dont le développement paraît étroitement lié à celui d'Internet, il est tentant de chercher à les qualifier. L'indicateur le plus naturel pour cela paraît être la valorisation boursière de ces firmes, d'une part parce que c'est l'indicateur le plus emblématique de ces entreprises qui présentent parfois des chiffres d'affaires faibles, d'autre part parce que c'est l'expression pour le monde de la finance de leur potentiel économique, la capitalisation boursière d'une firme étant l'expression de l'espérance de ses gains futurs.

L'industrie Internet s'est développée avec une valorisation très forte, ayant même conduit un temps à une bulle significative sous la promesse d'une nouvelle économie que l'on sait aujourd'hui illusoire. Cette forte valorisation trouve néanmoins une partie de sa justification dans les positions quasi-monopolistiques connues par certains produits de ces firmes et qui trouvent leur origine, à la fois dans les très fortes économies d'échelle que le numérique peut connaître, mais surtout dans les effets externes (les effets de réseau) que le numérique engendre fréquemment. Que ce soit en matière de moteur de recherche, de site d'enchères, de boutique en ligne de produits immatériels ou matériels, de plateforme de mise en relation, il est des acteurs qui ont des positions difficilement contestables du fait de ces effets et qui se traduisent dans la valorisation qu'ils connaissent.

Sur les 64 firmes retenues comme représentatives de l'industrie Internet, disposant d'une valorisation boursière constatée ou estimée (pour les firmes non cotées) supérieure à 1,5 milliard de dollars, entre 80 et 85% sont américaines, un peu moins de 10% chinoises, autour de 5% japonaises, quelques pour cent coréennes ou russes, et environ 2% européennes. Ce panel d'entreprises représentait une valorisation boursière voisine fin décembre 2012 de 1700 milliards de dollars, et fin juin 2013, de l'ordre de 1830 milliards de dollars (+8% en six mois) malgré une baisse de valeur de 100 milliards de dollars d'Apple, figure vedette. Les 10 premières firmes représentent de 75 à 80% de cet échantillon significatif, et on y trouve sans surprise 7 firmes américaines (dont les quatre célèbres GAFA: Google, Apple, Facebook, Amazon), deux chinoises et une japonaise. Force est de constater que l'Europe a totalement perdu pied dans ce jeu mondial.

Ces firmes pour la plupart (Facebook en étant la seule exception notable) sont nées au siècle dernier: c'est l'Internet historique qui tient toujours le haut du pavé, car d'une part, leur effort d'innovation reste considérable, d'autre part, leur valorisation exceptionnelle leur permet, si elles viennent à perdre pied dans un domaine stratégique, de se comporter en prédateurs des firmes innovantes, et ainsi garder aisément leur hégémonie. On voit mal comment elles pourraient, sauf erreur stratégique majeure, perdre leur suprématie. Leur dominance est fréquemment planétaire et s'impose au rythme du développement des réseaux, tant est forte la puissance relationnelle d'internet. Les efforts de Recherche & Dévelopement du monde entier sont dans une large mesure captés plus ou moins rapidement par le club fermé des OTT.

La nouvelle industrie numérique, qui se forge sur l'industrie Internet, présente, donc une concentration industrielle majeure et bénéficie d'une valorisation boursière sans commune mesure avec sa place dans le PIB mondial, qui lui permet de maintenir sa suprématie. Mais cette concentration, presque auto-entretenue pourrait-on dire, se double d'une concentration géographique tout aussi impressionnante, américaine, et accessoirement sino-japonaise, qui emporte bien évidemment avec elle la compétence juridictionnelle de ces États, puisque l'usager d'internet est avant tout soumis aux lois des pays des opérateurs qu'il fréquente. La domination américaine est quasi-totale sur l'un des moteurs de l'économie mondiale, qui structure de plus fondamentalement l'information et la connaissance accessibles, à travers le design de ses produits. Sans évoquer les questions de sécurité mises actuellement sur le devant de la scène.

L'Europe ressort comme la très grande absente de ce jeu mondial, et on imagine mal comment elle peut refaire surface, si ce n'est qu'un de ses opérateurs, à l'image de ce qu'a fait Facebook, conquiert en un temps record une position majeure sur l'une des nouvelles plateformes qu'Internet ne manquera pas de susciter. Car c'est là la force de ce réseau, susciter en permanence de nouvelles plateformes d'interaction, associant de plus en plus nos objets du monde matériel avec la puissance relationnelle d'Internet, dans ce qu'il est convenu d'appeler l'internet des objets. Mais, qu'il s'agisse de véhicules, de lunettes, de montres, de robots... Les projets sont déjà bien engagés chez les "majors" de l'Internet.

L'économie se construit sur deux facteurs de production, l'énergie et l'information. Elle suppose par ailleurs une bonne mécanique transactionnelle. En perdant toute position significative sur Internet, l'Europe perd malheureusement une bonne partie de la maîtrise de son économie. Les futures plateformes émergentes liées à l'internet des objets et à la robotique pourraient constituer une voie prometteuse pour que l'Europe reprenne pied dans l'écosystème industriel internet. Leur développement à l'échelle européenne nécessitera toutefois un soutien politique fort.

La question industrielle européenne vis-à-vis de l'Internet ne doit pas occulter l'ensemble des autres problématiques, techniques, économiques, sociales qu'internet suscite sur notre devenir et que l'étude du Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective aborde, non pour définir ce que sera internet en 2030, mais pour inviter à la réflexion prospective.

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