Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La vérité sur les fausses couches

Il y a huit ans, nous avons fêté notre deuxième anniversaire de mariage dans les Outer Banks, en Caroline du Nord. Ce que vous voyez là, c'est moi qui fais bonne figure, les amis. C'est le sourire que j'arborais pour me dire que tout allait bien alors que je souffrais terriblement.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Il y a huit ans, nous avons fêté notre deuxième anniversaire de mariage dans les Outer Banks, en Caroline du Nord. Ce que vous voyez là, c'est moi qui fais bonne figure, les amis. C'est le sourire que j'arborais pour me dire que tout allait bien alors que je souffrais terriblement. Trois semaines auparavant, j'avais fait une deuxième fausse couche et je savais qu'après les vacances je devrais passer toute une série de tests pendant des mois. J'étais fatiguée, triste et effrayée. Et je ne voulais pas que ça se sache. Mais cet homme savait, et il m'a accompagnée pendant cette épreuve en me témoignant son amour. Il m'a emmenée au restaurant tous les soirs, m'a acheté une nouvelle robe (celle que l'on voit sur la photo), m'a laissée me prélasser au soleil et me baigner dans l'océan toute la journée, parler quand je le souhaitais... ou rester près de moi en silence. J'ai vraiment de la chance d'avoir épousé un homme qui me connaît, m'aime et se soucie de moi.

2015-12-09-1449678621-1409436-us.jpg

L'autre jour, j'ai publié la photo et la légende ci-dessus sur Instagram et j'ai reçu une poignée de très belles réponses qui m'ont poussée à relire ce que j'avais écrit. Une phrase m'a frappée, et j'aurais aimé l'avoir tournée différemment, ou l'avoir mieux expliquée.

Ce que vous voyez là, c'est moi qui fais bonne figure, les amis. C'est le sourire que j'arborais pour me dire que tout allait bien alors que je souffrais terriblement.

Plus j'y pense, moins je suis sûre d'avoir utilisé les bons mots. Et si, au lieu de sourire sur un balcon pour une photo, j'avais regardé l'objectif avec tristesse? Que se serait-il passé si je n'avais pas eu envie de faire semblant à ce moment-là, et que j'avais juste proposé de ne pas prendre de photo? Si quelqu'un avait immortalisé mes instants les plus vulnérables sur pellicule? Quand je repliais les genoux sous mon menton, le visage baigné de larmes, tandis que j'essayais d'étouffer les sanglots dans le creux de mon coude? Aurait-on pu parler de lâcheté? Bien sûr que non.

Il faut du courage pour ressentir et faire sortir son chagrin. Pour enfiler une nouvelle robe, aller dîner au restaurant et sourire pour la photo quand on a si mal à l'intérieur. Quand on est dans les tranchées, on fait preuve d'un courage de tous les instants. Parfois, dans les jours les plus sombres, il est difficile de se montrer telle que l'on est vraiment. Quand j'ai perdu nos deux premiers bébés, à seulement dix mois d'intervalle, je me suis repliée sur moi-même. Je me débattais pour gérer ces pertes et j'avais peur de partager ma douleur avec qui que ce soit. J'ai passé beaucoup de mon temps à faire bonne figure. Mais cela ne reflétait pas toujours ce que je ressentais.

Voici ma vérité sur les fausses couches

La première fois, j'étais sous le choc. Les heures passées à l'hôpital me semblent floues. Mes souvenirs sont vagues et j'ai l'impression que tout est passé en un éclair, même si nous sommes restés quasiment une journée sur place.

Je pleurais sans arrêt. Même quand je pensais avoir fini, je m'apercevais que les larmes continuaient de couler sur mes joues. Les pleurs sont devenus une seconde nature ce jour-là et les jours, semaines, mois et années qui ont suivi. Je m'endormais souvent en pleurant.

C'était douloureux - affectivement, mentalement et physiquement. J'ai été surprise de voir à quel point la douleur était physique.

Je m'en suis longtemps voulu. J'ai tout remis en question : mon alimentation, mon quota de sommeil, mes heures de travail, et les deux jours où j'avais oublié de prendre mes vitamines prénatales. Je n'arrivais pas à me défaire de l'impression que j'étais responsable de cette fausse couche. J'ai porté cette culpabilité pendant longtemps même si les docteurs, les infirmières et ma mère me disaient que je n'avais rien fait de mal.

Je me suis sentie pressée dans ma douleur. Mon entourage m'encourageait tacitement à aller de l'avant et à "passer à autre chose". J'ai remarqué qu'après quelques semaines, la plupart des gens semblaient penser qu'il fallait que la vie reprenne son cours. Mais je n'en étais pas encore là. De fait, je me suis sentie seule et j'ai gardé mon chagrin pour moi. Et, pour être honnête, ma vie n'a jamais "repris son cours". Elle a changé, et moi aussi.

Après notre première fausse couche, j'ai commencé à regarder les tests de grossesse positifs différemment. J'ai soudain pris conscience que le fait d'être enceinte ne garantissait pas d'accoucher d'un bébé à ramener chez soi et à élever. Parfois, cela se termine par une fausse couche, un enfant mort-né ou la perte d'un nourrisson. Mon optimisme en a fait les frais. Je suis devenue réaliste, mais pas désespérée, ce qui n'est pas une mauvaise chose.

J'ai eu beaucoup de mal à voir des gens pendant quelque temps. Environ quatre mois après notre première fausse couche, nous sommes allés dans l'un de mes restaurants préférés. La serveuse était si gentille et pleine d'entrain que j'ai eu du mal à le supporter. Tout en moi voulait lui dire que mon monde s'était écroulé. Comment la Terre pouvait-elle continuer de tourner pour les autres?

J'ai perdu plus qu'une "idée", un "rêve" ou un "espoir". J'ai perdu une personne. Deux personnes. Un bébé en chair et en os était en train de grandir à l'intérieur de moi, avec un cœur qui battait et qui s'est arrêté un jour. Je ne sais pas pourquoi. Et c'est arrivé une seconde fois. Je ne sais toujours pas pourquoi. Il est difficile d'expliquer ça aux autres d'une façon qui puisse être comprise facilement. Puisque personne n'était aussi proche de mes bébés. J'étais la seule à les avoir jamais "touchés". Je les ai portés, mon cœur était lié aux leurs et ma vie assurait la leur... jusqu'à ce que ça ne soit plus le cas. Mon monde s'écroulait. Mon monde s'est écroulé.

J'ai perdu deux enfants et je ne sais pas s'ils auraient eu des yeux bleus comme les miens ou verts comme ceux de mon mari. J'ignore s'ils auraient eu les cheveux blonds ou bruns, ou les deux. S'ils auraient aimé la musique, le sport, la science ou l'écriture. Je souffre pour le temps que nous avons perdu et l'existence, faite de pleurs et de rires, que nous n'aurons jamais.

Et cette douleur n'enlève absolument rien à l'immense joie, la gratitude et l'amour que je ressens pour les deux enfants que j'ai dans les bras.

2015-12-09-1449678896-6926899-JohnLaurenCasperEdited0034.JPG

VOIR AUSSI :

Margot, née à 29 semaines

Les touchantes photos «avant-après» de bébés prématurés

Cet article initialement publié sur le Huffington Post États-Unis a été traduit de l'anglais.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.