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Du requin dans nos crèmes de beauté!

Un tas de produits toxiques est utilisé dans nos cosmétiques. Mais saviez-vous qu'on y trouve également un dérivé d'huile de foie de requins, dont certains sont menacés d'extinction?
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BLOOM

Un tas de produits toxiques est utilisé dans nos cosmétiques: parabènes dans les shampoings, sels d'aluminium dans les déodorants... Mais saviez-vous qu'on y trouve également un dérivé d'huile de foie de requins, dont certains sont menacés d'extinction?

En 2011, un laboratoire affilié au CNRS a analysé huit crèmes de beauté achetées en parapharmacie -toutes de grande marque. Sept d'entre elles contenaient du squalane animal, un lipide hydratant non gras extrait de l'huile de foie de requin profond.

À l'époque, personne ne connaissait l'ampleur mondiale de l'utilisation de squalane animal. C'est suite à ce constat que l'association BLOOM, qui oeuvre à la protection des océans, a décidé en 2012 de réaliser la première étude sur le marché mondial de l'huile de foie de requin. L'analyse a levé le voile sur les dessous de ce marché sinistre... et révélé que le secteur cosmétique était responsable de 90% de l'utilisation de squalane animal! L'étude a également estimé à plus de trois millions par an le nombre de requins profonds tués spécifiquement pour répondre à la demande internationale en squalane. Une tragédie environnementale inutile, puisqu'il existe des alternatives végétales (extrait d'olive ou de canne à sucre).

BLOOM a ensuite communiqué les résultats alarmants de son étude au secteur cosmétique et mis en garde les marques que de nouveaux tests seraient réalisés sur leurs produits deux ans plus tard -le temps pour les entreprises de nettoyer leurs lignes de production de toute utilisation de squalane de requin.

L'association vient ainsi de faire analyser 72 produits comportant la mention 'squalane' sur leur étiquette. Dans la plupart des cas, cette mention ne précise pas si le composé est d'origine végétale ou animale. Bonne nouvelle: en Europe et aux États-Unis, les marques ont évolué positivement et le squalane est majoritairement d'origine végétale! En Asie en revanche, c'est loin d'être le cas puisque plus d'une crème sur deux contient du squalane de requin.

Plus précisément, les crèmes européennes dans lesquelles du squalane animal a été détecté sont des marques IOMA, Méthode Swiss Beauty Care et Topicrem. Cette dernière a stoppé toute utilisation de squalane en 2013 (la crème testée en 2014 a été produite en 2012). En ce qui concerne Méthode Swiss Beauty Care, la marque affirme sur son site que "tous [ses] ingrédients proviennent de la richesse des ressources naturelles des Alpes Suisses". Le produit analysé contient pourtant du squalane de requin; vraisemblablement pas des Alpes suisses.

IOMA a quant à elle présenté des certificats garantissant l'origine végétale du squalane utilisé. Les résultats des analyses de BLOOM ont pourtant été réalisés par le même laboratoire que celui à l'origine des tests en 2011. Ils sont formels: le squalane de la crème concernée est composé à 30% de squalane de requin. Il se pourrait dès lors que le fournisseur d'IOMA leur vende du squalane végétal coupé à du squalane de requin, en le faisant passer pour du squalane végétal pur. L'Oréal avait déjà été victime d'une telle fraude en 2011.

À l'époque, le squalane végétal était 30% plus cher que le squalane de requin. Le fournisseur à l'origine de la tromperie pouvait ainsi réaliser une marge conséquente grâce à cette pratique. Aujourd'hui cependant, il semblerait que cette différence de prix soit devenue minime. La raison de telles fraudes ne serait donc plus financière. Il est probable que certains fournisseurs cherchent tout simplement à écouler leurs stocks restants de squalane de requin.

Hormis ces quelques exceptions, la plupart des marques en Europe et aux États-Unis ont ainsi basculé vers des alternatives végétales. En Asie en revanche, la situation est loin d'être aussi positive: plus de la moitié des crèmes testées contiennent du squalane de requin. Les marques concernées sont BRTC, Cyber colors, Dr. Ci:Labo, Just Beyond - Organature, Missha, Menard et Haba. Ces deux dernières sont japonaises et le squalane qu'elles contiennent correspond à du requin pur. C'est un problème particulièrement inquiétant lorsque l'on sait que le Japon est le leader du marché des cosmétiques en Asie et qu'il détient près de 13% des ventes au niveau mondial. BLOOM a donc décidé de faire traduire sa nouvelle étude en plusieurs langues asiatiques afin d'alerter dans cette région du monde sur l'urgence de la situation.

Au fond, quel est le problème? C'est que les requins sont des poissons très particuliers. Ils sont apparus il y a plus de 400 millions d'années, bien avant les dinosaures. Certaines espèces dites "profondes" vivent dans l'obscurité la plus totale et ont accès à une nourriture très limitée. Le rythme de vie de ces requins profonds est lent et ils se reproduisent tardivement. En somme, ils sont comme les écosystèmes dans lesquels ils vivent: extrêmement fragiles. L'utilisation d'huile de foie de requin est une pratique qui doit appartenir au passé.

Les soins pour la peau représentent à eux seuls plus du tiers des ventes mondiales des cosmétiques (autrement composés de produits capillaires, maquillage, parfums et produits de toilette). Le marché de ce secteur a dépassé en 2008 la barre des 110 milliards d'euros de chiffre d'affaires. C'est presque autant que le secteur alimentaire des pêches et de l'aquaculture, qui a atteint les 120 milliards d'euros en 2012 (valeur totale d'exportation). C'est dire l'importance de l'industrie cosmétique dans la gestion de ces ressources naturelles qu'elle exploite.

Devant l'urgence de la dégradation des populations de requins dans le monde, la réglementation internationale évolue trop lentement. L'Union européenne a bien interdit la capture de requins profonds en 2012 et l'Union internationale pour la conservation de la nature en a inscrit certains sur la liste rouge des espèces en danger. Mais cela ne suffit pas. BLOOM appelle donc les entreprises de cosmétiques à devancer la législation et à montrer la voie quant à leur responsabilité environnementale. Aujourd'hui, elles peuvent faire le choix d'être vertueuses et d'établir un contrat de confiance avec les consommateurs en prenant l'engagement public de ne plus utiliser de squalane de requin.

Elles doivent également tester le squalane végétal qu'elles achètent et adopter un étiquetage précisant l'origine de ce squalane.

BLOOM compte sur les marques occidentales pour amener leurs homologues asiatiques à adopter elles aussi des pratiques plus responsables et respectueuses de la biodiversité marine.

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