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Les porte-paroles de la CLASSE, de la FECQ et de la FEUQ ont présenté samedi soir les grandes lignes de l'offre gouvernementale pour dénouer la crise des frais de scolarité. Souscrire à cette offre enverrait le message suivant : les étudiants endossent la logique néolibérale en éducation. Accepter la logique comptable et gestionnaire du gouvernement équivaudrait donc à trahir les principes qui sous-tendent depuis le début le mouvement étudiant et lui donnent toute sa force.
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Samedi soir, après plus de 20 heures de négociation avec des représentant-e-s du gouvernement, les porte-paroles des trois grandes associations étudiantes - la CLASSE, la FECQ et la FEUQ - ont présenté les grandes lignes de l'offre gouvernementale pour dénouer la crise des frais de scolarité. On y propose de maintenir intacte la hausse déjà prévue tout en essayant d'effectuer une réduction équivalente des frais institutionnels obligatoires (FIO). Cette réduction doit elle-même être financée par des économies effectuées dans la gestion malsaine des universités, dont les budgets seront scrutés par un Conseil provisoire composé de différents acteurs du milieu universitaire (étudiant-e-s, syndicats, ministère de l'Éducation, milieu des affaires, etc.).

L'accession soudaine à une seconde table de négociation et l'offre gouvernementale qui s'en est suivie représentent des signes non équivoques que les étudiant-e-s ont réussi à créer un véritable rapport de force avec le gouvernement, par la grève générale illimitée et les perturbations. Cependant, plus nous étudions en détails cette offre, plus elle nous semble inacceptable et indigne de l'ampleur historique du mouvement étudiant, qui perdure depuis maintenant plus de 12 semaines.

Premièrement, les étudiant-e-s universitaires québécois paient en moyenne 625 $ de FIO par année. Puisque la hausse des frais de scolarité s'élèvera à 1625 $ dans cinq ans, c'est donc une augmentation moyenne de 1000 $ qu'il nous faudra malgré tout consentir à terme. Mais comme le montant exact varie en fonction de l'université considérée, la facture de chaque étudiant-e dépendra de la situation financière de son université et du bon vouloir de son administration. Rien dans cette offre ne semble garantir le gel des frais de scolarité; sauf pour la session d'automne 2012. De plus, vraisemblablement, tout dépendra des décisions du Conseil provisoire et de sa capacité à effectuer des réductions dans les budgets des universités. Or, rien n'est moins sûr...

Deuxièmement, les étudiant-e-s ainsi que les représentant-e-s syndicaux seront minoritaires au sein du Conseil provisoire chargé d'évaluer l'utilisation optimale des ressources financières des universités. En effet, des 18 membres du Conseil, six seront des recteurs, deux membres proviendront du milieu des affaires, un membre représentera la Fédération des cégeps et un autre sera nommé par le ministère de l'Éducation. En bref, cela veut dire qu'une majorité de membres proviendra d'organismes étant pour la hausse. Dans ces conditions, le contrôle du processus d'évaluation des dépenses et de prise de décision ne saurait avantager les étudiant-e-s au Conseil. Pire, le gouvernement aura le beau jeu pour bloquer les recommandations proposées par les étudiant-e-s et imposer ses propres mesures; toutefois, sous le sceau d'une nouvelle légitimité. Ajoutons que ce Conseil provisoire, tel que présenté actuellement, n'a pas de réels pouvoirs décisionnels et ne peut que recommander à la ministre telle ou telle mesure. Celle-ci acceptera ou rejettera ultérieurement ces recommandations, selon son bon vouloir.

Troisièmement, avec cette offre, le gouvernement refuse de changer une seule ligne de son budget. Il maintient dans son intégralité la hausse des frais de scolarité et fait subir aux universités le manque à gagner qui résultera de la baisse des FIO. S'il est vrai qu'il y a des efforts à faire au niveau de la gestion des finances universitaires, le langage managérial utilisé par le gouvernement (optimisation des ressources, efficience économique, rationalisation, etc.) fait craindre l'imposition d'une politique d'austérité au système universitaire qui pourrait fort bien nuire à l'ensemble de la population étudiante ainsi qu'aux divers employé-e-s des universités. Le Conseil provisoire, contrôlé par le gouvernement et ses alliés, pourrait s'avérer être un cheval de Troie placé au sein des remparts de nos institutions.

Quatrièmement, il a souvent été dit que la grève étudiante dépassait largement le cadre des frais de scolarité et épousait les contours d'un conflit idéologique, entre d'un côté les tenants d'un néo-libéralisme cherchant à transformer l'éducation en une marchandise et un investissement personnel, et de l'autre les tenants d'une éducation accessible et libre des pressions exercées par le marché. Or, avec cette offre, on assiste à un approfondissement et à un renforcement de l'idéologie néo-libérale au sein des universités par le biais de la rationalisation des dépenses. Si la hausse risque d'être moins élevée que prévue, cette offre est néanmoins dans la droite ligne de l'idéologie que nous combattons. Souscrire à cette offre enverrait donc le message suivant : les étudiant-e-s endossent la logique néo-libérale en éducation. Accepter la logique comptable et gestionnaire du gouvernement, avec une position de faiblesse au sein du Conseil provisoire, équivaudrait à trahir les principes qui sous-tendent le mouvement étudiant et lui donnent toute sa force.

Cinquièmement, cette offre est une manœuvre politique employée par le gouvernement libéral. Elle vise à diviser le mouvement étudiant et à mettre un terme à la grève, pour ensuite assurer sa réélection. Après être resté sourd aux revendications étudiantes, le gouvernement propose une offre à première vue acceptable pour un bon nombre d'étudiant-e-s modéré-e-s et en grève, mais s'avérant en réalité un leurre, dont nous ne devons pas être dupes. Clairement, le gouvernement cherche à briser la résistance étudiante, en y insufflant le doute et l'hésitation à l'aide de réformes et de structures obscures. Mais plus encore, cette offre est à analyser dans un contexte pré-électoral, alors qu'une majorité d'électeurs reproche au gouvernement sa gestion de crise. Si en réalité, avec cette offre, le gouvernement ne satisfait presque aucune des exigences du mouvement étudiant, il ménage néanmoins son image, cela tout en capitalisant - électoralement parlant - sur la contestation étudiante.

Nous appelons donc les étudiant-e-s à rejeter massivement cette offre gouvernementale aux allures d'une véritable arnaque néo-libérale. La grève doit se poursuivre!

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