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Viol: la honte doit changer de camp

Nous mettons beaucoup d'efforts collectivement pour apprendre aux victimes à ne pas se faire agresser. Lorsqu'elles ne se conforment pas à nos directives, nous sommes rapides à croire qu'elles l'ont sans doute «cherché».
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L'automne dernier, dans la foulée de l'affaire Jian Ghomeshi, un véritable raz-de-marée a envahi les réseaux sociaux. Des centaines et des centaines de survivantes et survivants d'agressions à caractère sexuel ont dénoncé leurs expériences sous le sigle #AgressionNonDénoncée. Aujourd'hui, de nombreux mois plus tard, nous ne pouvons que nous demander ce qu'il reste d'un tel mouvement. Était-ce un feu de paille? Où était-ce plutôt le début d'un véritable vent de changement social?

C'est une question que nous nous sommes posée lorsque nous nous sommes rencontrées pour la première fois, toutes les quatre, à un camp. Assises au lieu de dormir dans notre dortoir, nous discutions de la société et du fléau que sont les agressions sexuelles.

Nous nous sommes rapidement rendu compte que nous connaissions toutes au moins une personne qui a été victime du large spectre que constitue l'agression à caractère sexuel. De fil en aiguille, nous en sommes venues à discuter des bars, de l'alcool et de comment la notion de consentement est souvent floue pour le commun des mortels.

Puis, nous nous sommes dit à la blague que nous devrions écrire un slogan sur les bouteilles d'alcool pour casser cette association automatique, de la même manière que des messages d'avertissement sont écrits sur les paquets de cigarettes pour tenter de préserver la santé de la population. Nous nous sommes regardées, l'air amusé. Puis nous avons décidé de nous lancer et de concrétiser cette idée, aussi farfelue pouvait-elle sembler. Un geste concret, que nous nous sommes dit.

Nous avons écrit le libellé d'une pétition. Nous avons fait les démarches nécessaires pour qu'elle se retrouve sur le site web de l'Assemblée nationale. Ironie du sort, la bière Bud Light s'est retrouvée au centre d'une controverse aux États-Unis en raison d'un slogan faisant la promotion de la culture du viol et ce, quelques jours après que nous ayons lancé notre pétition. Or, pour le moment, notre initiative s'est faite discrète malgré les entrevues accordées dans les médias.

Nous tenons cependant à ce que notre geste relance un débat sur les raisons sociologiques des agressions à caractère sexuel. Nous voulons surtout trouver des solutions. Nous tenons à renverser ce réflexe archaïque que possèdent plusieurs de porter le blâme d'une agression sur sa victime, plutôt que sur son agresseur. C'est bien de cela qu'il est question lorsque nous disons «Alcool n'égale pas consentement». Seulement 10% des agressions sexuelles sont rapportées aux autorités et lorsque c'est le cas, un très faible pourcentage des agresseurs sont condamnés. Bon nombre d'entre eux vivent en toute impunité. Il faut réfléchir sérieusement à cette question. La honte doit changer de camp.

Une agression sexuelle n'est pas le résultat d'une maladie mentale ou d'une perte de contrôle quelconque. De tels discours déresponsabilisent les agresseurs. C'est une prise de pouvoir. Le gouvernement du Québec en fait une excellente définition. Le plus troublant est que les victimes se font agresser par des gens qu'elles connaissent, qu'elles aiment ou estiment dans la plupart des cas. D'où l'importance de conscientiser tout ce beau monde. Trop de victimes vivent dans la honte et dans le silence en se culpabilisant d'une situation dont elles ne sont pas responsables. Trop de victimes n'arrivent pas à identifier ce qu'elles ont vécu comme étant une agression à caractère sexuel. Bon nombre d'entre elles mettent des années avant de pouvoir en parler lorsqu'elles en prennent conscience. Il faut que cela cesse.

Nous mettons beaucoup d'efforts collectivement pour apprendre aux victimes à ne pas se faire agresser. Lorsqu'elles ne se conforment pas à nos directives, nous sommes rapides à croire qu'elles l'ont sans doute «cherché». Or, en tant que société, ne pourrions-nous pas apprendre aux agresseurs à ne pas agresser?

Il est impératif d'agir et de penser autrement lorsqu'il est question d'agressions sexuelles si nous voulons éliminer son étendue et ses ravages. C'est que nous tentons de faire avec le lancement de notre pétition.

Nous avons jusqu'au 24 juillet pour collecter le maximum de signatures.

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Serez-vous avec nous?

Ce texte est co-signé par Kharoll-Ann Souffrant, intervenante et étudiante en travail social à l'Université McGill; Mélanie Lemay, administratrice du CALACS Estrie; Rebeca Irazabal, étudiante au cégep de Lionel-Groulx et Ariane Renaud, étudiante au cégep Marie-Victorin.

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Avril 2018

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