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Lettre aux réfugiés Syriens

À toi cher réfugié Syrien n'ayant jamais connu l'hiver québécois, il te faut comprendre que la neige est une partie intégrante - et je dirais même fondamentale - de la culture d'ici.
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Je me souviendrai toujours de «ma première neige».

Pour l'immigrant arrivé au Québec vers l'âge de 7 ans que j'étais, difficile de ne pas s'en rappeler; les semaines précédentes, les camarades d'école n'arrêtaient pas d'en parler, le professeur nous faisait faire des exercices à thématique d'hiver, les «grands messieurs» à la radio ne parlaient que de l'arrivée imminente de cette fameuse neige; à la télévision, les films avec des bonhommes de neige...Partout je n'entendais parler que de cette fameuse neige.

À toi cher réfugié Syrien n'ayant jamais connu l'hiver québécois, il te faut comprendre que la neige est une partie intégrante - et je dirais même fondamentale - de la culture d'ici.

Ça fait carrément partie des gens. Oui oui, ça va bien au-delà de la conséquence chimique d'un mercure plus bas ou du simple résultat d'une saison plus froide.

Revenons à nos moutons ; ma mère vient me réveiller le jour de la première neige, quelque part au mois de novembre 1997. Plutôt très calme de nature, je me rends compte qu'elle est un brin excitée, ce qui me pousse à l'être aussi. Je me lève et cours vers la fenêtre de ma chambre. Je regarde incrédule dans la rue (du bout de mes orteils). Tout est d'un blanc immaculé, pas un seul signe de passage d'une voiture ou encore de traces de pas dans la rue. Les toits, les voitures, les trottoirs ; tout est complètement blanc... C'est magique.

Je m'empresse de m'habiller pour aller jouer dehors. Évidemment ma mère m'emmitoufle comme si j'allais passer une semaine à kuujjuaq, mais je ne m'en plains pas. Je n'ai qu'une seule chose en tête : aller jouer dans cette fameuse neige. Pour un petit garçon venant directement d'Afrique, ce n'est pas une mince affaire d'apprivoiser cette nouvelle matière blanche. Pourtant, comme seul un enfant peut le faire, quelques minutes plus tard, je lance des boules de neige et construit des bonhommes comme si j'avait fait ça toute ma vie.

Voilà, c'était ma première neige.

Aujourd'hui, une vingtaine d'années (et plusieurs hivers passés en compagnie de la neige) plus tard, je me rends compte que même après plus de quatre cent ans et plus de cinq générations, quand tombent les premiers flocons au Québec, c'est comme si c'était la toute première fois pour tout le monde.Il n'y a qu'à entendre les conversations des gens pour s'en rendre compte.

En effet certains sont frustrés, d'autres entrent dans une dépression saisonnière et n'en ressortent qu'au printemps. Quelques-uns sont au contraire complètement aux anges et décorent leur sapin dès les premiers flocons, d'autres encore répètent à qui veut bien l'entendre chaque année que c'est leur dernier hiver dans le verglas et qu'ils vont «déménager dans un condo en Floride».

Les grands amateurs de descente dorment avec leurs planches et leurs skis aux pieds histoire d'être prêt à dévaler les pentes. Finalement si l'on en croit les journaux et les nouvelles télévisées, beaucoup d'autres perdent tous leurs moyens au volant et ne se rappellent même plus comment ils arrivaient à conduire tous les jours l'hiver précédent.

Bref, disons que chacun a sa propre façon de réagir à l'arrivée des premiers flocons. Mais désormais une chose me semble certaine : l'arrivée de la première neige au Québec est toujours complètement insolite.

C'est comme si chaque année, au-delà de toutes les préparations extérieures à l'hiver, c'est dans nos cœurs que tout est à refaire...

Sur ce je vous laisse, je dois aller décorer mon sapin de Noël...

PS : Bienvenue au Québec !

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