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Pourquoi les végétariens sont-ils si méchants?

Les végétariens sont perçus comme des moralisateurs, des sermonneurs extrémistes, ou bien, pour le dire plus simplement, des chiants de service. Parfois même, le simple fait d'être végétarien conduit à susciter l'ire chez l'interlocuteur viandeux.
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On ne peut plus vraiment le nier. Végétariens, végétaliens ou véganes sont des qualificatifs dont les médias se font de plus en plus l'écho. Les raisons? Les nombreuses révélations sur la nocivité de certains produits d'origine animale qui implique, a minima, leur caractère optionnel pour la santé humaine. Mais aussi, ajouté à cela, le travail des associations qui permet de révéler au grand public les conditions souvent cauchemardesques des animaux destinés à la consommation humaine.

C'est dans ce contexte que se pose cette question désormais incontournable : s'il n'est pas nécessaire d'engloutir le jambon du dimanche midi pour être beau et fort, pourquoi le faisons-nous? Cette question est celle qui oppose rituellement les carnivores invétérés aux partisans de l'abolition de la consommation de viande.

De manière générale, les débats sur cette question se déroulent de manière quasiment identique et font appel aux mêmes arguments, quelles que soient les positions de chacun. Un des arguments récurrents, provenant des adeptes de la viande, est celui du choix, qui consiste peu ou prou à dire ça : "je comprends le choix des végétariens, mais je leur demande de ne pas me dire ce que je dois mettre dans mon assiette".

Les végétaliens, ces emmerdeurs

Les végétariens sont, dans ces circonstances, perçus comme des moralisateurs, des sermonneurs extrémistes, ou bien, pour le dire plus simplement, des chiants de service. Parfois même, le simple fait d'être végétarien conduit à susciter l'ire chez l'interlocuteur viandeux.

Extrait de la BD Insolente Veggie

Après tout, il y a peut-être un fond de vérité dans cette allégation. En effet, on est libre de manger ce qu'on veut. Personnellement, j'adore les quesadillas au fromage végétal (oui, ça existe!), avec des poivrons et de la sauce all'arrabbiata dedans. Je n'aimerais pas que quelqu'un me dise qu'on devrait abolir les quesadillas sous prétexte que les quesadillas ont le droit de vivre.

Cependant, et comme l'aura noté le lecteur attentif, c'est du fromage végétal que je mets dans mes quesadillas et non du fromage issu du lait d'un mammifère. Parce que je suis végane. Je considère que consommer du lait et ses dérivés n'est pas quelque chose d'anodin. Consommer des aliments comme la viande ou le lait a des implications qui dépassent le simple choix personnel.

La viande concerne (aussi) les animaux

Pour clarifier ma position, prenons un exemple. Admettons que je déteste les chiens et que je me lève un matin avec l'idée d'empoisonner le Shar-Peï pantouflard de mon voisin de palier, simplement parce que ça me procure une satisfaction personnelle. Mon comportement est injuste car 1) je cause un préjudice à mon voisin propriétaire du chien et que 2) je fais du mal inutilement à un animal qui, eu égard à la législation, est un être vivant doué de sensibilité, à la différence d'une feuille de laitue ou autres végétaux sympathiques. De manière générale, on a d'ailleurs plus de considération pour le chien sauvagement traité que pour le propriétaire dépossédé. Pourquoi les animaux qui finissent transformés en croquettes ne pourraient pas bénéficier de la même considération?

Revenons-en à mon fromage végétal. L'opinion publique s'accorde sur le fait que nous ne devrions pas faire de mal inutilement aux animaux. Cependant, il se produit le contraire quand nous mettons notre argent dans une pièce de viande ou dans une pinte de lait.

Concernant les vaches, le lait qu'elles produisent sert à nourrir leur petit. Dans un système économique comme le nôtre, la production de lait nécessite la plupart du temps une insémination artificielle afin que la vache puisse donner naissance à un veau. Toutefois, le lait collecté n'est pas destiné au veau qui est séparé de sa mère dans les 24h maximum après sa naissance pour être engraissé, puis abattu quelques mois plus tard.

Dans cette perspective, consommer du lait, de la viande ou des œufs, dont la production nécessite l'élimination des poussins mâles par broyage ou bien par gazage, n'est pas quelque chose qui tombe sous le sens. Les animaux que nous utilisons et condamnons à mort pour nos usages sont aussi sensibles que le chien malmené. Leur exploitation ne relève pas du choix ou des préférences personnelles, mais bien de la persécution.

L'excuse du rouage

Le consommateur a souvent tendance à penser : "de toute manière, je ne fais qu'acheter, je ne suis pas responsable". Même excuse du côté de l'éleveur qui renvoie la balle au consommateur en affirmant qu'il ne fait que répondre à une demande.

Pourtant, le choix de ceux qui confectionnent et organisent ce système dément pour des raisons économiques est le même que celui qui va au supermarché se fournir en corps d'animaux pour le régal personnel. Notre implication est entière à partir du moment où l'on décide de fermer les yeux sur le sort des animaux. La philosophe Hourya Bentouhami résume très bien cette idée dans son récent essaiLe dépôt des armes, non-violence et désobéissance civile (PUF):

"L'excuse du rouage est souvent convoquée dans les justifications de certains hommes et femmes cherchant à se mettre hors de cause de toute participation réelle à l'injustice ou à la perpétuation d'un crime en raison de leur positionnement apparemment secondaire dans une chaîne de production de l'injustice ou du crime qui ne laissait pas voir aux acteurs les conséquences de leurs actes. Or, le rouage, loin d'être une pièce anodine ou secondaire d'une machine, en constitue le maillon essentiel dans la mesure où toute défection de cette partie nuirait au bon fonctionnement du système."

Changer de paradigme

Tout ce système entre en contradiction avec le principe selon lequel nous ne devrions pas faire de mal inutilement aux animaux. C'est un paradoxe que l'homme moderne se doit de dépasser, indépendamment des préférences personnelles. Ce n'est pas tant une question d'avoir la possibilité ou non de manger des animaux dans une institution qui encourage cette option, mais de mesurer notre responsabilité dans ce système, et d'agir en conséquence.

Si les végétariens ou végétaliens sont parfois qualifiés péjorativement de moralisateurs, c'est parce qu'ils touchent une corde sensible : le paradoxe entre nos convictions généralement pacifiques et l'indifférence quant au sort de ceux que nous mettons dans nos assiettes.

Aujourd'hui, l'urgence est de réintroduire les animaux dans le débat. Il est nécessaire de cesser de les voir comme ce à quoi nous les destinons abusivement, c'est-à-dire comme des aliments, mais comme des êtres sensibles qui ont une valeur propre, indépendamment de ce que nous appelons des choix personnels.

Extrait du blog Insolente Veggie

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