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Une tasse de thé avec Mandela

C'était un vendredi, au début de 1992. J'étais au Cap, que je prévoyais quitter par avion le lendemain, lorsque j'ai reçu un appel de l'un des plus proches conseillers de Nelson Mandela. Pouvais-je me libérer pour prendre le thé avec Madiba dimanche? J'ai annulé mon vol et, deux jours plus tard, je prenais place dans le salon de sa modeste demeure, à Soweto.
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C'était un vendredi, au début de 1992. J'étais au Cap, que je prévoyais quitter par avion le lendemain, lorsque j'ai reçu un appel de l'un des plus proches conseillers de Nelson Mandela. Pouvais-je me libérer pour prendre le thé avec Madiba dimanche? J'ai annulé mon vol et, deux jours plus tard, je prenais place dans le salon de sa modeste demeure, à Soweto.

Le thé, une habitude bien connue de Nelson Mandela, a constitué une nouvelle étape d'une longue collaboration avec le Canada. Cette collaboration a visé à mettre en place les politiques nécessaires pour consolider la démocratie en Afrique du Sud, sous la direction de Mandela.

C'était une époque marquante en Afrique du Sud. Il s'était passé tellement de choses au cours des quelques années précédentes: le Congrès national africain n'était plus interdit et des dizaines de prisonniers politiques, dont Mandela, avaient été libérés; l'état d'urgence, déclaré quatre années auparavant, avait été levé dans la plus grande partie du pays; le gouvernement avait commencé à démanteler le cadre législatif de l'apartheid; enfin, on avait amorcé des négociations officielles pour esquisser une feuille de route en vue de l'adoption d'une nouvelle constitution non raciale.

Il y avait aussi énormément de méfiance et de dissension dans le pays, non seulement entre les Blancs et les Noirs, mais aussi entre l'ANC et le Parti de la liberté Inkatha. Il y avait des rumeurs de coup d'État, et l'on craignait que le précieux espace politique ouvert par la libération de Mandela ne se dégrade et qu'il en résulte une guerre civile.

Mandela était résolu à forger un gouvernement de réconciliation; il reconnaissait toutefois que les membres de son groupe de combattants de la liberté avaient besoin de formation et de soutien pour se préparer à occuper des postes de ministres et de fonctionnaires. Or, le Canada jouait déjà un rôle important à cet égard.

Dans la foulée de la ferme opposition à l'apartheid qu'avait manifestée Brian Mulroney, premier ministre au cours des années 1980, son secrétaire d'État aux Affaires extérieures, Joe Clark, avait demandé au Centre de recherches pour le développement international (CRDI) ce qu'il pouvait faire pour aider l'ANC à se préparer à gouverner. Ce fut le début d'une collaboration exceptionnelle entre le CRDI, l'Agence canadienne de développement international et ce qui était à l'époque le ministère des Affaires extérieures, afin d'exécuter un programme de transition de plusieurs millions de dollars au cours de la plus grande partie de la décennie suivante.

Au départ, le CRDI a organisé des projets de recherche et des rencontres pour aider les plus brillants des Sud-Africains en exil à entretenir des liens. Ces efforts ont favorisé la mise en place d'initiatives de recherche et d'élaboration de politiques, portant, entre autres, sur l'économie, la migration vers les villes, les droits des femmes et la santé.

Le rythme du changement s'est accéléré, et le gouvernement du Canada a voulu en faire davantage.

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Son mariage avec Winnie en 1957

Nelson Mandela: une vie en photos et en vidéos

Aller de l'avant ensemble

Lorsque j'ai visité l'Afrique du Sud en 1992 à titre de président du CRDI, c'était pour y assister à l'ouverture officielle du Bureau régional de l'Afrique australe du Centre, nouveau pivot du soutien du CRDI à une transition pacifique en Afrique du Sud que dirigeait Marc Van Ameringen.

Mandela nous a invités, Marc et moi, à prendre le thé pour remercier le Canada, et aussi pour discuter de ce que nous pouvions faire de plus. Durant les deux heures et demie qui ont suivi, il a parlé de l'aile de l'ANC qui souhaitait venger des décennies de répression. Ses membres voulaient notamment procéder à une redistribution massive de la richesse, y compris en nationalisant des industries sud-africaines afin qu'elles n'appartiennent plus à des Blancs. « Si nous empruntons cette voie, nous sommes voués à l'échec, nous a-t-il dit. Ce sera la guerre civile et le carnage. Il n'y a qu'une façon d'aller de l'avant, et c'est tous ensemble. »

À la demande de Mandela, le CRDI a pris des mesures pour que certains des principaux conseillers et responsables des politiques au sein de l'ANC échangent avec des personnes qui avaient tenté de mettre en oeuvre des politiques radicales, afin de pouvoir déterminer eux-mêmes quels étaient les véritables choix qui s'offraient. Le CRDI a parrainé des voyages d'études dans des endroits comme le Chili et l'Argentine et a réuni des experts et des dirigeants dans le cadre de colloques sur les politiques macroéconomiques et sur les moyens à prendre pour préserver l'assise industrielle et commerciale de l'Afrique du Sud.

Mandela souhaitait aussi créer des emplois et faire en sorte que la fonction publique et les sociétés d'État soient au service de tous les Sud-Africains. L'État avait été organisé en fonction d'un but primordial, soit maintenir l'apartheid, et Mandela craignait que sa vision d'une nation arc-en-ciel ne soit en péril si le gouvernement ne trouvait pas un mode de fonctionnement tout à fait nouveau. Grâce à un financement important de l'ACDI, le CRDI a conseillé l'ANC sur l'élaboration d'une démarche de transition globale.

Au fil du temps, les membres de l'équipe du CRDI sont devenus des partenaires de confiance de l'ANC. Ils ont organisé des ateliers et des colloques et ont appuyé la création de think tanks pour aider une nouvelle génération de dirigeants à apprendre à gérer ce que l'avenir leur réservait. Si bien qu'au sein du premier cabinet de Mandela, nombreux étaient ceux qui avaient participé auparavant à des projets de recherche du CRDI.

En quittant le domicile de Mandela ce jour-là, je sentais que je venais de rencontrer un homme qui allait changer le cours de l'histoire. Cela me touchait profondément que le Canada et le CRDI soient vraiment en mesure de l'aider à concrétiser ses plans pour l'Afrique du Sud.

À l'occasion du 25e anniversaire du CRDI, en 1995, Mandela a écrit une lettre afin de remercier le Canada et le CRDI du « rôle décisif » qu'ils avaient joué. Cela témoigne bien de l'énorme capital de confiance qu'avait permis de constituer, entre le Canada et l'Afrique du Sud, le leadership visionnaire de Nelson Mandela.

La version originale anglaise de ce billet a été publiée dans Embassy le 3 juillet 2013.

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