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Troisième lien à Québec: le débat devrait porter sur l’accessibilité au transport en commun

Les gens en faveur du troisième lien n’ont que peu d’ouverture, n’envisagent pas d’autres solutions et n’ont pas l’air de vouloir entendre quoi que ce soit qui s’y oppose.
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Le débat du troisième lien devrait être déplacé vers un débat d’accessibilité au transport en commun.
Patrick Donovan via Getty Images
Le débat du troisième lien devrait être déplacé vers un débat d’accessibilité au transport en commun.

Depuis les dernières élections provinciales, on entend de plus en plus parler du projet d'envergure que serait le troisième lien dans la ville de Québec: un projet d'un budget de plusieurs milliards de dollars afin d'accommoder une bande d'automobilistes nombrilistes. Ces gens traversent les ponts reliant les deux rives chaque matin pour aller travailler. Ils ont, parfois, fait le choix délibéré de s'installer de l'autre côté et réclament, comme si le ciel leur était dû, un troisième pont pour rendre les traversées moins pénibles pendant les durs matins de semaine.

Alors, comment expliquer à un groupe de citoyen n'ayant jamais connu l'efficacité du transport en commun et la pertinence du transport collectif dans un contexte économique, environnemental et social plutôt délicat?

Quelques arguments à déconstruire et à expliquer

Je suis moi-même un ancien résident de la grande région de Québec. Il y a de ça quelques années, j'avais ma propre voiture et je l'utilisais tous les jours pour me rendre au cégep. Je devais rouler plus de 80 kilomètres par jour pour m'y rendre: impensable en transport en commun dans la région. J'ai été bloqué dans de longs bouchons de circulation, sous la neige, la pluie, les intempéries de la route, mais jamais je ne m'imaginais me débarrasser de ma voiture!

Puis, j'ai emménagé dans la grande ville de Montréal et j'ai découvert le transport collectif efficace, fiable et économique. Mes dépenses en transport ont drastiquement chuté, mon temps de déplacement également. À Montréal, je m'installe dans le métro, bien au chaud le matin avec mes écouteurs et je me laisse transporter jusqu'à ma destination, sans avoir à m'arrêter à une lumière rouge et sans avoir vu le trafic qui est pourtant juste au-dessus de ma tête.

Depuis cette découverte, j'ai toujours pris position en faveur de l'élaboration d'un système de transport en commun fiable et étendu pour Québec. Ce que j'explique souvent c'est qu'à Montréal, l'option numéro un pour se déplacer, c'est le transport en commun: moins couteux, plus rapide et beaucoup moins de casse-têtes. À Québec, c'est l'inverse: la voiture est indispensable; les lignes de bus sont interminables, peu fiables et l'expérience, plus ou moins agréable.

Aujourd'hui encore, dans la région de Québec, trop de foyers possèdent autant de voitures que de résidents, trop de gens préfèrent leurs véhicules au transport en commun.

La solution à la congestion de Québec? Faire du transport en commun l'option privilégiée par les citoyens pour se déplacer. Quand celui-ci permettra aux citoyens de se rendre plus rapidement au travail et sans casse-tête, quand ceux-ci connaitront le plaisir et les avantages d'une telle infrastructure, le débat du troisième lien sera complètement revu.

Qu'est-ce que le débat du troisième lien?

Avant de me lancer dans l'écriture de ce texte, j'ai lu toutes sortes de commentaires et vu toutes sortes de personnages en discuter. J'en ai conclu que le débat n'existe pas vraiment, du moins chez les fervents défenseurs du troisième lien. On a peine à entendre les silencieux opposants au projet, ceux qui sont sortis le weekend dernier dans la rue pour tenter de mettre un frein à ce projet. Chapeau d'ailleurs!

Tout ce qu'on voit dans ce débat, c'est des avis d'experts, des gens possédant des expériences impressionnantes, une crédibilité de renom, se faire montrer du doigt par des utilisateurs quotidiens du véhicule. Les gens en faveur du troisième lien n'ont que peu d'ouverture, n'envisagent pas d'autres solutions et n'ont pas l'air de vouloir entendre quoi que ce soit qui s'oppose, même rationnellement, à leur idée préconçue sur la nécessité dudit troisième lien.

Mais disons-le: si Laval et Longueuil avaient réagi de la même façon, lorsqu'il fut temps d'allonger les lignes de métro, vous imaginez où on en serait?

Le débat du troisième lien devrait être déplacé vers celui concernant l'accessibilité au transport en commun.

Ces défenseurs de l'utilisation automobile veulent le troisième lien pour EUX: pas question de partager son transport le matin avec d'autres travailleurs dans une voiture de métro ou dans un tramway, comme l'ont présenté plusieurs responsables de tels projets.

Le débat du troisième lien devrait être déplacé vers un débat d'accessibilité au transport en commun et à son déploiement. Quand ce dernier existera de manière à servir les besoins réels de la région, quand il sera adapté à la réalité de celle-ci, les positions pourront être tempérées.

Aujourd'hui encore, dans la région de Québec, trop de foyers possèdent autant de voitures que de résidents, trop de gens préfèrent leurs véhicules au transport en commun.

Qu'en est-il du développement durable?

Je sais, les sceptiques diront que ce n'est pas valide comme argument, mais les études le prouvent, elles se succèdent, les experts l'affirment encore et encore. Le troisième lien n'est pas une solution durable: il favorisera l'étalement urbain et créera davantage de congestion, malgré ce que le maire de Lévis annonçait cette semaine.

Mon point est simple: on a déjà deux ponts entre Québec et Lévis. Ça veut dire qu'on a déjà eu besoin d'augmenter la capacité du trafic entre les deux rives. Certes, mais maintenant un troisième? Quand est-ce que ça s'arrête? Lorsque le Saint-Laurent sera pavé au grand complet?

La création d'un troisième lien, c'est la revue complète du réseau routier de la région de Québec: encore plus de voitures afflueront dans la région aux heures de pointe. Si la solution ne peut être qu'un troisième pont, il faudra alors revoir l'ensemble des points d'arrivée routiers, des deux bords. Sinon, on ne fait que déplacer le problème de quelques kilomètres. Jusqu'où ça ira? Quand est-ce qu'on ouvre les yeux, Québec?

Les gens de Québec sont bien fiers de leur nouveau stade, ils veulent leur équipe de hockey. Ils ont l'ambition d'une grande ville, mais n'ont pas la pensée qui vient avec: combien de villes ayant une équipe à la LNH ne possèdent pas de transport en commun efficace, d'alternatives à la voiture, ne serait-ce que pour se rendre au stade! L'équipe Labeaume a des projets d'envergures pour la région de Québec et le projet de transport en commun qu'elle a présenté ne devrait pas passer sous les remparts du nouveau gouvernement caquiste.

Climatosceptisme, un important phénomène social

Plusieurs n'y croient pas, convaincus que ce n'est qu'une invention des médias et des élites gouvernantes. Ils ne croient pas au réchauffement climatique puisqu'il fait -15C en novembre, alors que depuis nombre d'années on ne parle plus de réchauffement, mais bien de changements climatiques, et alors que des déserts envahissent les milieux urbains en Afrique déplaçant des populations complètes, pour n'illustrer que ça.

La solution au développement durable n'est pas et ne sera jamais l'individualité. Aujourd'hui, une fois de plus, l'Homme doit se rassembler, oublier son confort, son banc chauffant et sa radio le matin, s'entasser dans un train pour éviter de détruire ce que nous tous avons en commun: notre avenir dans un environnement en santé.

L'environnement, la durabilité, l'économie, c'est l'affaire de tous. Créer un troisième lien, c'est encourager l'achat d'automobiles pour chacun, c'est encourager l'étalement urbain, c'est augmenter les gaz à effet de serre: c'est négliger notre environnement et celui des gens autour de nous. C'est dépenser des fonds publics pouvant être investis dans quelque chose de beaucoup plus durable. Je suis pour le troisième lien de façon responsable: je suis pour un transport collectif efficace dans la grande région de Québec.

Pour conclure, je tiens à répondre à certaines opinions que j'ai souvent pu entendre lors de mes conversations sur le sujet:

«Ça va faire moins de pollution que si toutes les automobiles sont arrêtées pendant des heures!»

J'appuie ici un troisième lien sous la forme de transport collectif efficace. Dans une seule voiture du métro de Montréal, qui passe à une fréquence de moins de 4 minutes aux heures de pointe, près de 150 personnes peuvent prendre place. Cela fait une centaine de voitures en moins sur le réseau routier toutes les 4 minutes pendant l'heure de pointe: imaginez les gaz à effet de serre réduits! Je souris rien qu'à y penser.

«Ce n'est pas le transport en commun qui ira porter mon enfant à la garderie.»

Efficience: si on introduit un transport en commun, les commerces et autres s'installeront autour: imaginez pouvoir sortir du transport, laisser votre enfant à la garderie, puis vous rendre au travail, tout ça sur votre chemin. Sans non plus négliger le grand nombre d'employeurs offrant, de plus en plus, des services de garderie à même leurs immeubles.

«Le transport en commun, ça va me faire perdre ma job!»

La fiabilité du transport en commun est très étonnante. Certes, toute proportion gardée, il peut survenir des problèmes techniques ou des retards avec celui-ci comme il peut en arriver avec votre voiture par un matin de grand froid: l'indulgence des employeurs est alors recommandée.

«Moi, ce n'est pas par choix que je prends mon auto le matin.»

En effet, certaines personnes ne croient pas avoir le choix aujourd'hui: je les comprends, ayant moi-même utilisé ma voiture tous les matins pendant longtemps, croyant ne pas avoir le choix. Ce que j'encourage ici, c'est de créer ce choix.

«Moi, je ne veux rien savoir du transport en commun!»

Alors continuez à utiliser votre voiture, mais jamais plus ne réclamez un troisième lien ou ne vous plaignez du trafic que vous devez affronter alors qu'on vous présente ici une solution réaliste, durable, et éco énergétique.

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