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Le Printemps des Premières Nations d'Afrique du Nord

Les Kabyles, les Mozabites, les Chaouis, les Chleuhs, les Touaregs, les Rifains... sont les Premières Nations d'Afrique du Nord. Ils ne peuvent pas porter éternellement des chaînes. Tôt ou tard, ils les briseront.
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Détachez vos foulards, dénouez vos cravates! Enroulez-les autour de vos hanches! Dansez! Ce n'est pas un carnaval, mais la fête de la liberté. Criez! Après les cris, pleurez! Après les larmes, désobéissez! Le Printemps berbère revient.

Voici la saison des paradoxes. Les rires côtoient les sanglots. La jeunesse, les vieux. La liesse, les tristes souvenirs. La poésie, la politique. Les tambours, le recueillement. Le soleil est timide, mais il peut être brûlant. Les oiseaux sautillent, leurs chants sont joyeux ou graves. Les arbres sont en fleurs, leurs parfums déroutent.

Le Printemps berbère est unique. En connaissez-vous l'histoire? Je vous en déroule le fil. C'est la saison où tout se confond. C'est le Printemps de Prague avec des odeurs de Méditerranée, ou le Printemps de Pékin avec le jaune du genêt. En avril 1980, suite à l'interdiction d'une conférence d'un illustre écrivain, les Kabyles sont descendus dans les rues. La police algérienne les a réprimés dans le sang, la boue et la poussière. On a violé des étudiantes et emprisonné les récalcitrants. À l'époque, il était interdit de murmurer le kabyle à Alger. Écrire ou se dire berbère était considéré comme un crime. La plupart de ceux qui ont bravé le silence se sont retrouvés en prison ou ont complètement disparu.

Le Printemps berbère a libéré les esprits, délié les langues: il a guéri les Nord-Africains de leurs blessures identitaires. Ils sont redevenus eux-mêmes après avoir été dépossédés. On a fait d'eux des Romains, des Gaulois, des Turcs, des Arabes, tout sauf des Amazighs, des femmes et des hommes libres, libres comme l'eau dans l'eau, légers comme l'air dans le vent. Ils ont retrouvé le chemin des origines, la voix des ancêtres et, du coup, l'horizon, l'avenir, l'univers. Ils ont réalisé qu'ils étaient grands, même si les gardiens de l'histoire officielle les avaient exclus de la marche du temps.

Pourtant la Reine Kahina fut féministe bien avant Jeanne D'Arc, Apulée de Madaure écrit le premier roman, L'âne d'or ou Les métamorphoses, avant même Don Quichotte, Saint Augustin sauva l'Église de sa décadence et la laïcité fut pensée par le Pape Saint Gélase... Les Berbères ont participé sans fracas à l'édification de la maison «Monde». Un peu comme les arbres qui poussent et ne font pas de bruit.

Pacifiques et libertaires, les Amazighs ont longtemps vécu en marge. Ils n'aimaient pas donner des ordres ni en recevoir. Ils n'ont jamais colonisé personne. Sacralisant la liberté, ils n'ont pas construit de prisons. Quand quelqu'un commettait un crime, ils l'excommuniaient. Ils aimaient le verbe et réglaient les conflits entre eux par des joutes oratoires.

17 février 2016, Place de la République à Paris

La France et les pions qu'elle a placés après son départ ont fait des Berbères des Arabes, plus arabistes que les Saoudiens. Ben Bella et Boumediene se sont acoquinés avec l'Égypte de Nasser. Ils ont choisi l'URSS contre l'Amérique, mélangeant le communisme et les lois d'Allah. Écartés du pouvoir, les Kabyles se sont soulevés en 1963 contre les usurpateurs de l'Indépendance. Ceux-ci ont abattu plus de 500 opposants. Quatre décennies plus tard, il y a eu l'autre Printemps, le noir, le gris, le rouge, celui de 2001. Un gendarme a tué un lycéen dans une brigade. Des soulèvements ont éclaté partout en Kabylie. Le régime a massacré des centaines d'innocents, a fait des milliers de blessés et des handicapés à vie.

Le printemps est censé donner la vie, mais chez nous, hélas, il engendre aussi la mort. Tout se mélange: le sang des révoltés avec la poudre des tueurs. L'espoir et la rage noués dans un élan populaire. Tout se bouscule: la fraternité, puis les manigances, puis les divisions, puis les échecs. Le régime triche et gagne, le peuple s'égare, englué dans ses erreurs et ses bêtises. Les idées d'hier périssent et celles d'aujourd'hui deviennent insaisissables. Les révolutions comme les hommes vieillissent. Les idéaux s'usent. Le retard et la torpeur ne pardonnent pas. Chaque jour compte. Les nuits ne portent pas assez conseil. Il faut voir loin, prévenir et agir. Il faut combattre au lieu de crier. Le slogan ne suffit pas pour exister. Le temps abandonne ceux qui rament. Il faut se lever tôt pour gagner sa place dans le wagon de l'histoire.

Les Amazighs s'éveillent. Ils reviennent de loin. Les Kabyles, les Mozabites, les Chaouis, les Chleuhs, les Touaregs, les Rifains... sont les Premières Nations d'Afrique du Nord. Ils ne peuvent pas porter éternellement des chaînes. Tôt ou tard, ils les briseront.

Le Printemps berbère revient. Dansez! Après la danse, criez! Après les cris, souriez! Après les rires, bâtissez l'avenir!

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