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Progrès social ou repli identitaire: le Québec à la croisée des chemins

Le repli identitaire est un constat d'échec. C'est la dernière carte d'un mouvement à bout de souffle qui a passé deux décennies à attendre en vain les conditions gagnantes.
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Mon ami Camil Bouchard a lancé un pavé dans la mare durant le weekend de Pâques en affirmant que le Québec est mûr pour une nouvelle Révolution tranquille. Il propose de mettre de côté, au moins pour un temps, l'idée d'indépendance, pour sortir de l'impasse politique dans laquelle le Québec s'enlise depuis 20 ans. Une impasse qui voit l'idée d'indépendance régresser et faire place au repli identitaire, tout cela pendant que le néolibéralisme et la corruption vident le Québec de sa substance. Il y a urgence d'agir, de reprendre l'initiative pour proposer une alternative qui pourra rassembler les progressistes du Québec.

Michel Chartrand disait en 1977 : «il existe une différence énorme entre le nationalisme et une véritable libération nationale. Raison pour laquelle j'ai toujours été contre ces "nationaleux" qui voulaient sauver la langue et laisser crever ceux qui la parlent.» Il y a dans cette phrase toute la tension entre les deux pôles du nationalisme et du mouvement souverainiste québécois : la survivance et l'émancipation.

De sa fondation jusqu'au tournant des années 2000, le mouvement souverainiste a été voué à l'émancipation économique, politique et sociale des Québécois. Que ce soit par la réforme du financement des partis politiques, l'adoption de la loi 101, la création des CPE et des régimes de congés parentaux parmi les plus avancés au monde, ce mouvement, incarné par le Parti québécois, a incarné la soif de progrès, de justice et de liberté de l'ensemble des Québécois. L'ensemble des forces progressistes du Québec s'était fédéré derrière le parti de René Lévesque et de Jacques Parizeau.

Mais depuis le dernier référendum, un nationalisme québécois en perte d'élan a délaissé l'émancipation pour prendre la voie du néolibéralisme économique et, plus récemment, du repli identitaire.

Selon la nouvelle doctrine, incarnée en 2014 par le projet avorté de Charte des valeurs, c'est sur le terrain de l'identité et de l'immigration que se trouve la planche de salut du mouvement souverainiste.

C'est le retour à la survivance, aux doctrines qui ont gardé les Québécois immobiles, soumis et craintifs pendant 200 ans.

Le repli identitaire est un constat d'échec. C'est la dernière carte d'un mouvement à bout de souffle qui a passé deux décennies à attendre en vain les conditions gagnantes et qui a manqué toutes les occasions d'articuler un projet de société pour le Québec qui marquerait notre différence et nos aspirations.

Nous avons passé les vingt dernières années à parler du pays rêvé et à laisser mourir le pays réel, celui dans lequel les gens vivent pour de vrai. Pour certains, dont Mathieu Bock-Côté sur son blogue, l'indépendance doit primer sur le progrès social. Il faut que tous les nationalistes du Québec, de gauche ou de droite, mettent leurs idéaux en veilleuse et se fédèrent sous la bannière du Parti québécois. Mais ceux-ci oublient que c'est l'absence de projet social qui engendre la désaffection des Québécois, en particulier des jeunes. Le pays rêvé est une coquille vide.

Le pays réel, lui, vaut la peine qu'on s'y investisse. Parce que la seule chance de survie du rêve souverainiste est de remettre le pays réel en marche, de mobiliser une nouvelle génération de jeunes prêts à changer le monde, de recréer les solidarités mises à mal par dix ans de corruption et d'austérité, de retisser les liens rompus au sein de nos régions et entre elles, de bâtir des ponts entre les baby-boomers qui ont porté la Révolution tranquille et les jeunes qui ont porté en 2012 les aspirations de millions de Québécois. Surtout, d'accueillir parmi nous les Néo-Québécois de toutes les communautés qui partagent nos idées progressistes, incluant nos frères et nos sœurs musulmans, et qui peuvent mettre l'épaule à la roue.

Faire passer la patrie avant les gens, c'est mourir à coup sûr. Mais rebâtir le Québec réel, c'est vivre debout et se donner le droit d'avancer. C'est s'ouvrir des possibles.

Les forces progressistes sont désormais divisées entre trois partis politiques : Option nationale, Québec solidaire, et une partie marginalisée du Parti québécois. Bien que Québec solidaire porte vaillamment, voire héroïquement, le flambeau de la gauche au Québec, force est de constater que la formation ne pourra aspirer au pouvoir avant longtemps. Quant au Parti québécois, écartelé entre ses velléités caquistes et identitaires et sa tradition progressiste en perte d'influence, il ne peut plus espérer fédérer les progressistes derrière sa bannière.

Camil Bouchard affirme qu'il faut se donner un véhicule politique doté «d'un programme social-démocrate moderne qui réengagerait le Québec dans la coopération, la concertation, dans la poursuite de l'équité, de la justice sociale, qui ramènerait la contribution de la société civile dans la gouvernance de l'État, qui miserait sur un capitalisme de délibération, pour et par les personnes.» Il est facile d'imaginer un tel programme recueillir l'appui d'une très vaste majorité de Québécois qui se reconnaissent peu dans le néolibéralisme et l'austérité, d'une part, et le nationalisme identitaire, de l'autre, et qui se sentent aujourd'hui orphelins politiques. J'en suis et c'est pourquoi je me joindrai le 19 avril au rassemblement de ces orphelins qui souhaitent revoir le Québec bouger.

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