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Quinze-quarante : Montréal a besoin d'un autre centre commercial

David Suzuki pose régulièrement la question : « How much is enough ? ». J'ai pensé à lui lorsque j'ai pris connaissance de l'intention de Carbonleo de construire un mégacentre de divertissement au croisement des autoroutes 15 et 40.
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David Suzuki pose régulièrement la question : « How much is enough ? ». J'ai pensé à lui lorsque j'ai pris connaissance de l'intention de Carbonleo de construire un mégacentre de divertissement au croisement des autoroutes 15 et 40. Nous sommes très clairement arrivés au stade ultime de la civilisation, où la finalité de toute chose est d'offrir des occasions de consommer et de se divertir. En ces temps d'austérité, notre société ne peut plus payer le transport scolaire et les rénovations d'écoles mais elle peut dépenser 1,7 milliard $ dans des glissades d'eau et des magasins grande surface.

Le ménage canadien moyen est déjà endetté de 163% de son revenu annuel. Qui devrait s'en surprendre lorsqu'on voit se multiplier les quartiers 10-30, les Premium Outlets de Mirabel ou le Centropolis de Laval ? Pas d'argent ? Pas de problème, on paie avec des cartes de plastique à 19,5% d'intérêt. Trop endettés ? Allez visiter des syndics de faillite qui sont en pleine croissance.

Avec le 15-40, vous pourrez vivre une expérience de consommation et divertissement dont le but sera de vous soutirer un maximum d'argent. Vous en ressortirez heureux et endettés. C'est ce que certains appellent du développement économique, mais en réalité c'est un dîner de cons.

Vous venez manger, mais c'est vous qui êtes au menu.

Revenons à Montréal. Le nombre de voitures augmente deux fois plus vite que la population et la ville est congestionnée en permanence. On souhaite maintenant implanter un mégacentre à l'angle des deux autoroutes les plus congestionnées de la région. Pas de problème, on pourra refaire l'échangeur Décarie, ou pourquoi pas élargir la métropolitaine ? Un tunnel sous Décarie ?

Pourquoi pas ? Ce ne sera pas du gaspillage de fonds publics, c'est du développement économique. Construire un mégacentre à un kilomètre du Centre Rockland et du Marché Central, hauts lieux de centaines de commerces ? Déshabiller Paul pour habiller Jean ? Oui, pourvu que ce soit du Hilfiger ou du Calvin Klein.

Montréal investira sous peu 95 millions $ pour refaire son cœur commercial, la rue Sainte-Catherine. Elle vient à peine de compléter son quartier des spectacles au coût de 147 millions $.

Quelle excellente idée de laisser s'implanter un concurrent qui va vider les commerces du centre-ville, bâtir une seconde Place des Arts, une deuxième Place Ville-Marie, avec en prime une congestion accrue qui convaincra les banlieusards de ne plus venir au Centre-Ville de Montréal. Allons-nous bientôt déménager le Festival juste pour rire ou Osheaga là-bas pour les rendre plus accessibles ? À quand un Aréna pour des matchs du Canadien ? On peut rêver, c'est du développement.

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond à Montréal. Ce que notre ville a à offrir, ce sont des quartiers vivants, des commerces de proximité, des communautés fortes, du vrai. Comme 18 000 ménages quittent à chaque année pour s'établir en banlieue, on s'imagine que c'est en reproduisant bêtement la banlieue à Montréal que nous allons rendre notre ville plus attractive.

Alors, on copie la banlieue en créant de toutes pièces un centre de divertissement en carton-pâte, plutôt que de miser sur la vraie affaire : la ville. La vraie expérience urbaine. Et ce faisant, on affaiblit nos quartiers centraux, le Centre-ville, le Plateau, NDG, Outremont. On préfère le fake.

En cette ère d'austérité, le seul projet de développement économique proposé pour Montréal est un mégacentre de divertissement où des employés mal payés vont travailler à temps partiel pour vendre des vêtements griffés trop cher fabriqués dans des ateliers de misère au Bangladesh... à d'autres gens mal payés qui vont les acheter sur leurs cartes de crédit et s'endetter davantage. Beau plan de développement économique. La roue tourne. Et les hamsters la font tourner.

David Suzuki me disait « How much is enough ? ». Le mot de la fin revient à Buzz Lightyear : « To infinity, and beyond ».

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