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Je vous vois grandir dans un monde où on a assassiné le rêve, où l'idée de pouvoir créer nous-mêmes le monde dans lequel nous voulons vivre a fait place au mercantilisme, à la corruption et au cynisme. J'aimerais vous raconter l'histoire d'un autre monde, celui dans lequel j'ai grandi et où tout était encore possible. Du moins dans nos cœurs, ici, au Québec, dans ce pays mort-né où demain nous appartenait encore.
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Je vous vois grandir dans un monde où on a assassiné le rêve, où l'idée de pouvoir créer nous-mêmes le monde dans lequel nous voulons vivre a fait place au mercantilisme, à la corruption et au cynisme. Vous voir grandir dans ce monde de grisaille me brise le cœur. J'aimerais vous raconter l'histoire d'un autre monde, celui dans lequel j'ai grandi et où tout était encore possible. Du moins dans nos cœurs, ici, au Québec, dans ce pays mort-né où demain nous appartenait encore.

Dans ce Québec où j'ai grandi, les grandes personnes se sentaient capables de grandes choses, nous étions sur le point de créer ici quelque chose d'inédit, quelque chose qui nous ressemblait. Quelque chose comme un projet de société. On chantait : « Si c't'un rêve réveille-moi donc, ça va être notre tour ça s'ra pas long. » Ou alors : « Je vous entends passer comme glace en débâcle, je vous entends demain, parler de liberté ». C'était en 1970, en 1976, en 1977 et des poussières. Des fissures étaient apparues dans un mur bâti depuis toujours, et ils étaient si nombreux à repousser ce mur à grands coups d'espoir, de rêve, de fraternité.

Tout était à construire, tout était à remettre en question. C'était un grand chaos organisé comme nous en avons la recette, un bouillonnement, un foisonnement d'idées avec des gens prêts à travailler ensemble parce qu'ils avaient la certitude de pouvoir atteindre collectivement ce qui leur avait été nié individuellement pendant si longtemps : la dignité, le respect, le droit de regarder les autres sans baisser les yeux. Le droit de choisir.

Puis cet élan s'est perdu. On a dit que c'est parce que nous avions refusé de nous donner un pays. Je crois que c'est plus profond que cela. Nous nous sommes piégés à nous penser meilleurs seuls et isolés qu'ensemble et unis. Nous avons cessé notre marche, et nous avons reconstruit nous même un nouveau mur. Est-ce le confort et l'indifférence ? Est-ce le mercantilisme, le néolibéralisme ? Je ne crois pas que les étiquettes puissent nous apporter de vraies réponses. Nous sommes un peuple qui a volontairement revêtu une camisole de force.

Je ne peux me résoudre à vous voir grandir dans un pays où la corruption financière a été rejointe par la corruption de la pensée, et où les seuls projets collectifs auxquels nous pouvons espérer rêver sont de diminuer les listes d'attente dans les urgences, réduire le taux marginal d'imposition de 2%, parachever une autoroute, forer Anticosti ou faire un oléoduc le long du Saint-Laurent. Veut-on vraiment faire un pays pour cela ? Est-ce le même pays qu'on envisageait avec Expo-67, les Olympiques, l'idée d'une société juste ? Un pays qui osait, qui préférait se tromper plutôt que de se taire ?

Dans l'Encan, Félix Leclerc disait : « Approchez messieurs dames... Une belle p'tite rivière à saumon à vendre pas cher. Pleine de beaux p'tits saumons qui viennent frayer ici depuis des siècles À vendre avec des îles, du bois, des chutes, sur une centaine de milles sans compter les croches. Laissons pas aller ça nous autres. »

I'll take it!

Les choses ont-elles vraiment changé ?

« Approchez messieurs dames. Une belle p'tite nappe d'huile fait main, tricotée par les siècles, puis cent milliards de beaux p'tits barils d'huile. Pour faire du gaz, d'la chimie, du plastique, du pétrole. Même que l'gouvernement va vous paver un ch'min pour vous y rendre. »

I'll take it!

Cette fois-ci c'est plus qu'une route : notre gouvernement finance lui-même ce que les pétrolières ont jugé trop risqué, trop peu profitable. Et devinez qui empoche ?

Nous sommes un pays qui vieillit et qui ne regarde plus vers l'avenir. Chez moi, quand j'étais petit, le logo du Parti Québécois était un symbole d'émancipation, de liberté. Je sais qu'il ne représente rien pour vous. Vous ai-je déjà raconté que votre grand-père a fait partie des premiers militants du Mouvement Souveraineté Association avec René Lévesque ? Non, ce n'est pas que le nom d'un boulevard. C'était l'inspiration de tout un peuple, l'incarnation de la démocratie, de l'intégrité, de la liberté, de la justice.

Que reste-t-il de tout cela ? Bien peu de choses.

Nous avons recommencé à nous contenter « d'un bon boss et d'une job steady », comme disait Yvon Deschamps. Pire encore, nous avons laissé pénétrer cette idée insidieuse que nous sommes médiocres, petits, que nous sommes meilleurs individuellement qu'ensemble. Que d'autres peuvent choisir mieux que nous ce qui est bon pour nous. Nous sommes redevenus des moutons. Mais les bergers ne sont plus « les Anglais ». Ce sont nos élites politiques et économiques qui nous infligent leur pensée unique.

Nous sommes devenus nos propres bergers.

Même avec un pays nous ne serions pas libres.

Félix Leclerc nous avait pourtant avertis dans Le Tour de l'ile : « Imaginons, L'Île d'Orléans un dépotoir Un cimetière. Parcs à vidanges, boîte à déchets U. S. parkings. » Nous avons tellement peur des autres, avec nos chartes et nos lubies, que nous avons oublié d'avoir peur de nous-mêmes. Notre boîte à vidange, nous sommes en train de la léguer aux prochaines générations. Et il n'y a aucun projet de charte vous protégeant de cette braderie collective.

Quand j'étais petit, il était encore permis de rêver, et de choisir, dans ce pays. Quand je regarde autour de moi, je ne vois plus que mercantilisme, cynisme, corruption et politicailleries. Mais je m'engage envers vous à ne plus baisser la garde, à recréer pour vous cet espace que ma génération n'aura pas eu pour faire des vrais choix.

Pour que vous puissiez dire, vous aussi, un jour : « Je me souviens d'un temps où tout était à faire, où nous étions en marche ».

Laissons le dernier mot à Félix :

Ça signifie

L'heure est venue

Si t'as compris

Plus jamais une campagne électorale comme celle-ci. Vous méritez mieux.

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