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Lettre à Jean-François Lisée: Montréal sur l'autoroute de l'anglicisation

Depuis le tournant du Millénaire, ce sont plus de 200 000 personnes qui ont fui Montréal, 20 000 par année. Cette fois-ci, ce sont majoritairement les familles francophones qui fuient la ville, et ils empruntent les autoroutes 10, 13, 15, 19, 20, 25, 30, 40, 440 et 640. Montréal se vide de ses familles francophones.
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Monsieur Lisée,

Vous vous souvenez certainement de l'époque où, après l'adoption de la loi 101, 100 000 anglophones avaient quitté Montréal, souvent pour prendre la route de Toronto. L'expression en vogue à l'époque était : 101 ou 401. Accepter la loi 101 ou prendre l'autoroute 401. 100 000 personnes avaient quitté Montréal en moins de cinq ans.

Quel est le lien avec l'anglicisation de Montréal, vous me demandez ?

Depuis le tournant du Millénaire, ce sont plus de 200 000 personnes qui ont fui Montréal, 20 000 par année. Cette fois-ci, ce sont majoritairement les familles francophones qui fuient la ville, et ils empruntent les autoroutes 10, 13, 15, 19, 20, 25, 30, 40, 440 et 640. Montréal se vide de ses familles francophones. En traversant les ponts pour s'établir en banlieue, les jeunes familles épargnent 100 000 $ sur leur première propriété. Leurs taxes municipales sont moins élevées, et le gouvernement du Québec fournit les autoroutes gratuites. L'offre est pratiquement irrésistible. Même les familles qui souhaiteraient demeurer à Montréal se voient contraintes de quitter. Résultat: l'exode vers les banlieues, phénomène qui afflige la plupart des villes Nord-Américaines.

Les coûts économiques, sociaux et environnementaux de l'étalement urbain sont bien connus, mais cette migration prend une signification particulière à Montréal où elle mène à une anglicisation tranquille de la seule métropole francophone du continent. Les données démo-linguistiques sont éloquentes à cet égard. En 2001, la proportion des Montréalais qui parlaient le français à la maison était de 62,4%. En 2006, c'était 59,8%. En 2011, 56,5%. À ce rythme les francophones seront minoritaires en 2031 ou même avant. Pourtant, les effets de l'étalement urbain sur l'anglicisation de Montréal sont ignorés autant par Montréal que par le gouvernement du Québec.

L'exode des familles francophones depuis une décennie a fait plus mal à la situation du français à Montréal que toute autre cause. Et bien que la loi 101 ait réussi à imposer le français comme langue d'éducation, langue de travail et langue commune des Québécois, elle est complètement inutile pour stopper l'hémorragie qui fera de Montréal une ville à majorité anglophone et allophone dans moins d'une génération. Et vous savez comme moi que si le français se marginalise à Montréal, les effets sur l'ensemble du Québec seront dévastateurs.

Voici une vérité que personne n'a le courage d'entendre: l'étalement urbain mène inévitablement à l'anglicisation de Montréal. Et le gouvernement du Québec est le premier coupable de cette situation avec son ministère des transports qui continue de paver les routes de l'exode, sa fiscalité municipale absurde et désuète qui incite les villes à s'étendre constamment, et l'absence de toute mesure fiscale efficace pour aider les familles qui le souhaitent à demeurer sur l'île et à y élever leurs enfants en français.

Monsieur Lisée, vous êtes ministre de la Métropole, et à ce titre vous occupez un poste stratégique à un moment crucial de notre histoire. Dans cinq ans, nous aurons encore perdu 100 000 personnes et notre loi 101 aura l'air d'un tigre de papier. Votre gouvernement doit agir maintenant pour renverser la fuite des familles francophones en mettant fin à l'étalement urbain et en soutenant les familles qui veulent vivre à Montréal.

Il faut de toute urgence cesser d'étendre le réseau routier dans le grand Montréal, réformer la fiscalité municipale, investir dans les transports collectifs, mettre en place des programmes facilitant la revitalisation des quartiers de Montréal pour les rendre plus attrayants pour les familles, innover en matière d'habitation et créer des mesures fiscales favorisant l'achat de logements ou de maisons sur l'ile de Montréal. Bref, nous avons besoin d'un plan global, un plan qui transcende les silos, les chasses gardées et la vision à court terme. Il faut un vrai plan, musclé, pas une énième annonce de mesures cosmétiques pour donner l'impression d'agir.

Monsieur Lisée, vous êtes celui qui peut mettre en branle ce vaste chantier de redéploiement urbain qui produira une ville plus vivante, plus accueillante pour nos familles, et encore francophone pour longtemps.

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