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Trois vœux pour le printemps érable

Ça y est. Nous y sommes. La mèche a été allumée l'automne dernier par les indignés, puis les étudiants ont embrasé le Québec. Les artistes, les écologistes, les syndicats, même les églises attisent le feu depuis des semaines. Le printemps érable est en marche. Depuis trop longtemps, on nous a enfermés dans une bouteille trop petite pour nos rêves. Maintenant que le génie en est sorti, faisons trois vœux.
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ESA/NASA

Ça y est. Nous y sommes. La mèche a été allumée l'automne dernier par les indignés, puis les étudiants ont embrasé le Québec. Les artistes, les écologistes, les syndicats, même les églises attisent le feu depuis des semaines. Le printemps érable est en marche. Depuis trop longtemps, on nous a enfermés dans une bouteille trop petite pour nos rêves. Maintenant que le génie en est sorti, faisons trois vœux.

Une économie plus juste

Nous vivons sous une dictature de la croissance qui relaie toutes nos aspirations au second plan. L'économie n'est plus le moteur de notre enrichissement collectif. Elle est devenue une fin en soi. Nous ne sommes plus que des facteurs de production dans une économie que plus personne ne dirige. Deux décennies de libéralisme à tout crin ont mené à la plus grave crise économique depuis les années 30. Nous remboursons tous aujourd'hui la facture d'un party financier au dur lendemain de veille.

Bien que l'économie canadienne ait plus que doublé en valeur depuis vingt ans, les fruits de la croissance n'ont pas été répartis équitablement. Encore aujourd'hui, plus de 640 000 enfants vivent dans la pauvreté au pays et 38 % des bénéficiaires de banques alimentaires sont des enfants. Les ménages canadiens sont aujourd'hui endettés à plus de 150 % de leur revenu annuel. Pendant que les inégalités se creusent, nous travaillons plus que jamais pour rembourser des dettes de consommation ou simplement pour subsister. Notre économie roule à crédit, justement parce que la richesse n'est plus redistribuée.

Voici un premier vœu: Il faut inverser l'équation: désormais ce ne sera plus «tous pour la croissance», mais « la croissance pour tous ».

Une planète en santé pour nos enfants

Notre quête insensée de la croissance est en train d'appauvrir irréversiblement les générations futures. Il est impossible de soutenir une croissance infinie dans un système fermé comme la biosphère. Il faudrait déjà plus d'une planète pour soutenir notre croissance actuelle. En d'autres termes, notre croissance économique se fait au prix de la déperdition des ressources qui devraient appartenir aux prochaines générations.

Tous les signaux d'alarme sonnent en même temps : les systèmes naturels qui soutiennent la vie sur Terre montrent de signes de déclin accéléré ou sont sur le point de s'effondrer. La sixième grande extinction de l'Histoire de la vie sur Terre est bien amorcée. Notre climat est sur la trajectoire d'un réchauffement supérieur à 4 degrés au cours de ce siècle, entraînant des conséquences catastrophiques sur tous les continents.

Que fait le Canada devant un tel défi historique? Il se retire du protocole de Kyoto. Il sabote les négociations internationales. Il subventionne à raison de 1,4 milliard de dollars annuellement l'industrie des sables bitumineux, une industrie qui engrange des dizaines de milliards de dollars en profits annuellement. Au Québec, on s'apprête à ouvrir le dernier territoire vierge de la province à l'extraction de ressources et on continue de promouvoir l'amiante, le nucléaire, le gaz et le pétrole.

Faisons un second vœu : désormais, tout développement devra se faire pour le bien commun et dans le respect des droits des générations futures.

Une démocratie revitalisée

Notre démocratie est malade. Les lobbys économiques, notamment ceux du pétrole, ont fait main basse sur le Congrès américain, sur le gouvernement du Canada et dans une moindre mesure sur notre Assemblée nationale. Depuis longtemps les citoyens ont l'impression de ne plus décider de leur avenir collectif, ce qui contribue à alimenter le cynisme et la désaffection démocratique. Plus la démocratie s'effrite, plus les citoyens perdent confiance en leurs institutions. Et plus la porte s'ouvre ensuite toute grande pour les lobbys. Nous sommes pris dans un cercle vicieux.

Au Canada, un gouvernement soutenu moins d'un Canadien sur quatre (39,6 % des voix, 61,4 % de taux de participation) a obtenu un mandat majoritaire qu'il utilise pour transformer radicalement la culture politique et le système démocratique du pays. La diversité des points de vue, le pluralisme et la tolérance, jadis des joyaux de la culture politique canadienne, sont aujourd'hui assiégés.

Faisons un dernier vœu : que les citoyens reprennent ce qui leur appartient, leur démocratie.

En marche pour le bien commun

Le 22 avril à 14 h, nous serons des milliers dans la rue pour demander un monde plus juste, une démocratie plus ouverte, une planète en santé pour nos enfants. Dans un livre qui paraîtra le 10 avril, Une voix pour la Terre , j'écris: «Il ne suffit plus de changer les ampoules. Il nous faut changer les valeurs, notre conception de l'économie et nos lois. Il nous faut reconstruire une démocratie qui a été saisie par les groupes d'intérêts et les lobbys. Il nous construire l'avenir sur le citoyen.»

Le printemps érable est en marche. Et, pour paraphraser René Lévesque, peut-être que ce printemps annonce «quelque chose comme» une nouvelle révolution tranquille, le retour d'un temps où les Québécois se donnent le droit de rêver.

C'est un rendez-vous. Le 22 avril 2012

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