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Gentilly-2: Un nouveau stade olympique aux dépens des Québécois

Au terme de sa durée de vie, la centrale devra être démantelée au coût de plusieurs milliards. Coût total après son démantèlement, très certainement au-delà de 10 milliards. À ce prix, Gentilly-2 causera assurément une augmentation des tarifs d'électricité des Québécois et pèsera lourd au bilan financier d'Hydro Québec. Gentilly-2 est un nouveau stade olympique pour deux générations de Québécois.
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Le grave accident nucléaire de Fukushima qui se prolonge encore après 16 mois a projeté une onde de choc qui a plongé l'industrie nucléaire dans une profonde remise en question à travers le monde. L'Allemagne, l'Italie, la Suisse et le Japon ont annoncé l'abandon du nucléaire. Ailleurs, notamment aux États-Unis, les coûts croissants engendrés par les nouvelles normes de sécurité mises en place après Fukushima ont mené à l'abandon de plusieurs projets qui étaient sur les planches à dessin. À l'heure où le monde entier tourne le dos au nucléaire, le Québec s'apprête à replonger tête première dans une nouvelle aventure nucléaire en annonçant la réfection de la centrale Gentilly-2. La décision est cruciale, non seulement pour des enjeux de sécurité évidents, mais aussi parce qu'elle expose le Québec à un fiasco financier.

Un bref rappel historique s'impose. Gentilly-2 a été mise en service en 1983. Durant les années 70, le Québec a fait un choix entre le nucléaire et l'hydro-électricité. Si la filière nucléaire était choisie, on prévoyait la construction de plus d'une douzaine de centrales le long du Saint-Laurent. Heureusement, le Québec a fait le bon choix, mais a quand même construit une centrale qui est aujourd'hui arrivée au terme de sa durée de vie. Le coût prévu pour sa réfection était initialement de 1,9 milliard. On parle aujourd'hui de plus de trois milliards.

Le Nouveau-Brunswick possède également une centrale, la jumelle de Gentilly-2, à Point Lepreau, dont les travaux de réfection ont été amorcés en 2008. Le coût prévu était de 1,4 milliard. Or, les travaux de réfection, qui ont éprouvé des problèmes techniques importants, ont pris deux ans et demi de retard et leur coût s'est accru d'un milliard. Au terme de l'opération, le coût du kilowattheure d'électricité produit à Pointe Lepreau sera de plus de 12 cents. Ces coûts n'incluent pas le démantèlement futur de la centrale et l'entreposage permanent des déchets nucléaires.

En se lançant dans la réfection de Gentilly-2, le Québec plonge dans une aventure inutile qui coûtera cher aux Québécois et qui génèrera une énergie coûteuse, non concurrentielle sur le marché, qui sera sans doute exportée aux États-Unis à la moitié de son coût de production. De plus, au terme de sa durée de vie, la centrale devra être démantelée au coût de plusieurs milliards. Coût total après son démantèlement, très certainement au-delà de 10 milliards. À ce prix, Gentilly-2 causera assurément une augmentation des tarifs d'électricité des Québécois et pèsera lourd au bilan financier d'Hydro Québec. Gentilly-2 est un nouveau stade olympique pour deux générations de Québécois.

Gentilly-2 comporte également des risques pour la sécurité des Québécois. Bien qu'elle soit opérée de manière sécuritaire depuis une trentaine d'années, les risques d'accidents demeurent bien présents dans l'industrie nucléaire canadienne, comme en témoignent les nombreux incidents recensés dans les centrales ontariennes depuis une dizaine d'années. Or, Gentilly-2 est située à 160 kilomètres de Montréal et à 140 kilomètres de Québec, dans une zone densément peuplée.

De plus, elle est sise sur les rives du fleuve Saint-Laurent, source d'approvisionnement en eau potable pour près d'un Québécois sur deux. On apprenait l'année dernière que deux tiers des centrales nucléaires américaines laissent échapper du tritium radioactif dans les cours d'eau et les nappes phréatiques avoisinantes en raison de la corrosion des conduites d'eau de refroidissement. Des congressistes américains ont réclamé une enquête à ce sujet. Pendant ce temps, le Canada tolère des concentrations de tritium 10 fois plus élevées qu'aux États-Unis, et 700 fois plus élevées qu'en Europe dans nos sources d'eau potable. Le tritium a une forte capacité de se combiner à notre ADN pour engendrer divers problèmes de santé comme des mutations, des avortements spontanés, des anomalies congénitales, de l'hypothyroïdie, des cancers et bien d'autres anomalies. On tolère chez nous ce qui est intolérable chez nos voisins. Pourquoi donc prendre de tels risques financiers et sécuritaires au nom des Québécois?

L'industrie nucléaire canadienne est moribonde, et les conditions sont réunies pour que l'argent et la sécurité des Québécois soient mis à risque pour maintenir en vie cette industrie tout en profitant à une firme de génie-conseil, SNC-Lavalin, présentement soupçonnée dans plusieurs scandales, qui a fait en 2011 l'acquisition d'Énergie atomique du Canada et qui cherche à rentabiliser cet investissement aux frais des Québécois. Les chambres de commerce du Québec, habituellement réfractaires aux aventures financières aux dépens des contribuables, soutiennent cet éléphant blanc et il est plus que probable que le gouvernement soit prêt à s'engager dans l'aventure dans le climat préélectoral actuel. La table est mise pour un fiasco mis en scène par de puissants lobbys.

Soyons clairs : l'énergie nucléaire n'est ni propre, ni économique, et le Québec n'a aucune raison de poursuivre l'aventure nucléaire. Comme d'autres pays le font présentement, nous devons tirer les enseignements de l'accident nucléaire de Fukushima et de la longue liste de défaillances de l'industrie nucléaire à travers le monde. Québec doit dès maintenant prendre la décision de démanteler la centrale Gentilly-2 afin d'éviter de plonger le Québec dans une aventure financière aussi risquée qu'inutile, mais surtout faire en sorte de cesser d'exposer inutilement les Québécois à des risques inutiles. La seule façon de nous en assurer est de fermer Gentilly-2.

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