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C'est la faute aux éoliennes

Il souffle depuis quelques semaines un vent anti-éolien au Québec. Un vent d'ouest. On pourrait même dire un Suroît. Les éoliennes ont le dos large par les temps qui courent, et Hydro-Québec en a rajouté la semaine dernière en justifiant ses demandes de hausses tarifaires par les coûts des nouveaux contrats d'énergie éolienne. Ce fut la goutte d'eau qui a mis le feu aux poudres.
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Il souffle depuis quelques semaines un vent anti-éolien au Québec. Un vent d'ouest. On pourrait même dire un Suroît. Les éoliennes ont le dos large par les temps qui courent, et Hydro-Québec en a rajouté la semaine dernière en justifiant ses demandes de hausses tarifaires en alléguant que la moitié, ou 2,7%, était due aux coûts des nouveaux contrats d'énergie éolienne. Ce fut la goutte d'eau qui mettait le feu aux poudres, comme le disait Jean Perron. Ceux qui cueillent le vent récoltent aujourd'hui la tempête...

Le mouvement anti-éolien sévit avec force en Amérique du Nord depuis cinq ans, particulièrement dans les endroits où cette énergie entre en concurrence avec le charbon. On a ainsi vu naître des mouvements anti-éoliens en Ontario et ailleurs, mouvements alimentés par des think-tanks de droite dont les liens de financement remontent dans plusieurs cas à l'industrie du charbon. Je ne parle pas ici de citoyens qui s'opposent légitimement à l'implantation d'éoliennes chez eux, mais de groupes qui mènent une campagne anti-éolienne à l'échelle Nord-Américaine. Le plus intéressant est que plusieurs de ces groupes, comme l'Institut économique de Montréal, soutiennent activement l'expansion pétrolière et appartiennent également à la constellation des climato-sceptiques. La coïncidence est pour le moins troublante.

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Revenons au Québec. Ce qui frappe le plus dans les arguments utilisés contre l'énergie éolienne est la généralisation du deux poids deux mesures lorsqu'on la compare au pétrole, au nucléaire ou même à l'hydro-électricité. Prenons quelques exemples.

L'énergie éolienne coûte trop cher

Hydro-Québec allègue qu'elle dépensera 500 millions $ cette année pour acheter de l'énergie éolienne dont elle n'a pas besoin au coût moyen de 10 c le kWh. Soit. Mais elle omet de dire qu'elle peut obtenir une prime à l'énergie propre de 6 c le kWh sur le marché américain. Elle omet également de mentionner qu'elle paie 150 millions $ par année depuis 2008 à la société Transcanada Énergie - oui, la même compagnie qui projette de construire un pipeline au Québec - pour maintenir sa centrale au gaz fermée à Bécancour. Au total, ce sera un milliard de dollars que notre société d'État paiera à la grande pétrolière entre 2008 et 2014 pour... rien.

Hydro ne dit rien non plus du projet La Romaine, dont elle établit aujourd'hui le coût de revient à 6,4 cents le kWh alors qu'elle l'estimait à 10 cents le kWh au lancement du chantier que certains experts en évaluent le coût à 8,6 cents du kWh. Mais dans le calcul du coût de la grande hydraulique, Hydro-Québec amortit les investissements sur 100 ans, alors qu'elle demande aux producteurs éoliens d'amortir les leurs sur 20 ans. Deux poids deux mesures. Peu importe le coût de revient, ce projet est déficitaire lui aussi puisque cette électricité est excédentaire et vendue à perte aux États-Unis. Silence radio d'Hydro-Québec à ce sujet.

Autre exemple. Il y a un an à peine, Hydro-Québec défendait encore la réfection de la centrale nucléaire Gentilly-2 dont elle savait que le coût de revient était de 9,7 c le kWh. Elle avait prétendu depuis 2008 que ce coût était deux fois moindre pour justifier le projet. Elle a également dépensé près d'un milliard de dollars en pure perte sur ce chantier de réfection finalement abandonné. Mais on continue de pointer les éoliennes du doigt.

L'énergie éolienne est trop subventionnée

Un deuxième argument mis de l'avant par les anti-éoliens est que cette industrie est trop subventionnée, à travers le prix de revient du kWh. Cet argument est probablement le plus faible de tous lorsqu'on sait que l'industrie pétrolière, qui engrange plusieurs milliards de dollars de profits à chaque année, continue de recevoir 1,3 milliard $ en subventions et avantages fiscaux à chaque année au Canada. Le projet avorté de captage et séquestration de carbone a englouti à lui seul un demi-milliard de fonds publics. Pourquoi subventionner ce qui est ultra-profitable ? On attend encore l'analyse de l'Institut Fraser sur ce sujet. Et on ne parle même pas du nucléaire, déficitaire depuis cinquante ans et dans lequel le gouvernement fédéral a gaspillé des dizaines de milliards.

Le soutien étatique à l'industrie éolienne est un investissement dans une filière d'avenir, qui contribue au développement des régions du Québec et qui rapporte plus d'un milliard $ en retombées fiscales au Québec selon une étude réalisée par SECOR. Il contribue à la naissance d'une industrie de pointe qui génère 5000 emplois au Québec.

Le développement régional ne devrait pas être appuyé par les tarifs d'Hydro-Québec

Mais certains continuent de dire que le développement régional ne devrait pas être soutenu par les tarifs d'Hydro-Québec. Pourtant, c'est au nom du développement régional que le projet de La Romaine a été lancé. C'est aussi au nom du développement régional que certains ont déchiré leur chemise lors de l'annonce de la fermeture de Gentilly-2. Pourquoi donc ce qui est justifié pour le nucléaire et l'hydro-électricité ne le serait plus pour l'éolien? Le maire de Rivière-du-Loup me disait en mai dernier que la production éolienne dans sa région rapporterait un demi-million de dollars par année pendant vingt ans à sa municipalité. Combien les gens de Rivière-du-Loup retireront-ils du pipeline de Transcanada dont on louange tant les retombées économiques?

Hydro-Québec a été un formidable levier de développement économique depuis un demi-siècle. C'est en capitalisant sur ses imposants surplus d'énergie propre que le Québec a su se positionner mondialement dans plusieurs industries comme celle de l'aluminium. Faudrait-il cesser d'utiliser nos avantages comparatifs aujourd'hui ? Les surplus d'électricité propre sont une formidable occasion pour le Québec de relancer son économie.

Sortir du deux poids, deux mesures

L'industrie éolienne est parmi les secteurs de l'énergie qui ont la plus forte croissance dans le monde et le Québec a fait des efforts pour se tailler une place dans ce marché d'avenir. Elle ne génère pas de déchets dangereux, ne provoque pas de déversements et n'émet pas de gaz à effet de serre. Elle crée de bons emplois dans de nombreuses régions du Québec.

Alors que le Québec vient de vivre la plus grave catastrophe énergétique de son histoire, provoquée par l'incurie d'une industrie milliardaire, pendant qu'il creuse à chaque année son déficit commercial de 14 milliards $ pour importer du pétrole, et alors qu'il subit déjà les coûts de l'adaptation aux changements climatiques, attaquer l'éolien est se tromper de cible. Une fois tous les coûts et bénéfices calculés, l'énergie éolienne se démarque largement des autres énergies. Ceux qui prétendent le contraire portent un regard biaisé sur l'éolien alors qu'ils sont complaisants envers les énergies fossiles. Ils doivent cesser l'aveuglement volontaire et retourner faire leurs devoirs.

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