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C'est ici que le glissement vers un état policier commence: lorsque l'État espionne des citoyens qui n'ont pas commis d'actes criminels et qui ne constituent pas une menace réelle à la sécurité nationale, mais qu'il espionne les citoyens simplement parce que leurs opinions diffèrent des intérêts des dirigeants et d'une seule industrie, aussi puissante soit-elle.
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Les documents rendus publics par Wikileaks et Edward Snowden au cours de la dernière année ont révélé l'étendue des systèmes de renseignement mis en place dans les pays développés depuis le 11 septembre 2001. Dans son dernier livre, The Future, Al Gore affirme que tous les éléments d'un État-Policier sont présentement en place aux États-Unis et qu'un coup d'État corporatif est en cours aux États-Unis. Ce sont des accusations à ne pas prendre à la légère, venant d'un homme qui, à titre de vice-président des États-Unis, a fait partie des plus hauts comités de sécurité de la NSA pendant près d'une décennie.

Ce qui inquiète dans la structure de surveillance mise en place, c'est qu'il existe très peu de transparence et de contrôle démocratique de ses activités. Par le passé, de tels systèmes en sont invariablement venus à se détourner de leur but premier qui était de protéger les citoyens de menaces externes, pour en venir à protéger l'appareil d'État contre ses propres citoyens. En d'autres termes, ces monstres de surveillance se transforment peu à peu en police politique. On n'a qu'à penser au FBI de J. Edgar Hoover qui a été mis sur pied pour lutter contre la contrebande d'alcool et qui s'est transformé en machine de répression à grande échelle.

C'est ce qui est en train de se produire au Canada.

Le quotidien britannique The Guardian a récemment dénoncé cette situation en affirmant que l'industrie pétrolière et gazière a littéralement coopté l'appareil de surveillance canadien pour contrer les mouvements pacifiques qui s'opposent au développement de cette industrie. C'est que le Vancouver Observer a révélé en novembre 2013, sur la base de documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, que le gouvernement Harper a espionné des groupes écologistes de la côte ouest au profit de l'industrie pétrolière dans le dossier Northern Gateway. Selon les documents obtenus, l'Office national de l'énergie, l'organisme en charge de l'évaluation environnementale des projets d'oléoducs, a travaillé de concert avec le SCRS, la GRC, Enbridge et Transcanada pour recueillir et partager des informations sur les groupes écologistes opposés au projet Northern Gateway.

Les choses vont encore plus loin: au début du mois de janvier 2014, on apprenait que Chuck Strahl, l'ancien ministre conservateur qui a été mis à la tête du comité de surveillance des activités de renseignement et de sécurité, était en même temps lobbyiste pour Enbridge, ce qui l'a forcé à démissionner. Mais la CBC nous apprenait en janvier qu'un seul des cinq membres du comité n'avait pas de lien avec l'industrie pétrolière. Une telle concentration de représentants de l'industrie pétrolière au sein même du comité qui doit assurer la surveillance des activités de renseignement canadien a de quoi inquiéter. Elle jette aussi un doute sur le rôle de nos services de renseignement dans les dossiers d'oléoducs.

C'est ici que le glissement vers un état policier commence: lorsque l'État espionne des citoyens qui n'ont pas commis d'actes criminels et qui ne constituent pas une menace réelle à la sécurité nationale, mais qu'il espionne les citoyens simplement parce que leurs opinions diffèrent des intérêts des dirigeants et d'une seule industrie, aussi puissante soit-elle. Selon le Guardian, l'idée derrière cette nouvelle tendance est de classifier toute dissension interne comme une menace terroriste potentielle, en partie pour discréditer un mouvement qui fait de plus en plus mal aux intérêts de l'industrie pétrolière, et qui constitue probablement l'opposition la plus forte au gouvernement actuel. Cette théorie est corroborée par les nombreuses déclarations de ministres fédéraux qualifiant les écologistes de radicaux et de menaces terroristes potentielles.

Dans ce contexte, il est raisonnable de se demander si les services de renseignement canadiens espionnent également les groupes écologistes québécois au profit d'Enbridge et de Transcanada, et si oui, depuis quand et pour combien de temps encore? Aussi, l'Office national de l'Énergie conserve-t-il la légitimité requise pour agir comme organisme neutre lorsqu'il espionne un groupe au profit d'un autre en amont de ses travaux?

Prise plus largement, cette situation pose une question plus large: qu'est-ce qui constitue une menace pour le Canada et à quel moment l'appareil de surveillance supplante-t-il la démocratie? On peut affirmer qu'en entretenant la plus parfaite confusion des genres entre la sécurité nationale et les intérêts de l'industrie pétrolière et en lançant les services de renseignement aux trousses des écologistes, le gouvernement Harper a franchi une étape de plus dans la création d'un État policier.

Pendant ce temps, ce même gouvernement néglige la surveillance du trafic ferroviaire et du transport de pétrole à travers nos villes, qui a fait 47 victimes il y a moins d'un an et qui constitue toujours une menace réelle à la sécurité des Canadiens. On aimerait que ce gouvernement mette autant d'attention à nous protéger qu'à attaquer nos droits civiques.

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Avril 2018

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