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La Belle vie: ou tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la création de richesse (sans jamais oser le demander)

J'étais récemment à l'école d'été de l'INM et j'ai eu la chance d'échanger avec une nouvelle cohorte de jeunes sur ce qu'on appelle « la création de la richesse ». Les questions étaient les mêmes: À quoi sert la richesse ? Créons-nous vraiment de la richesse? La question mérite d'être posée. Notre économie produit actuellement de la richesse en dilapidant les ressources qui devraient permettre aux générations à venir d'avoir un niveau de vie comparable au nôtre.
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François Legault nous a récemment fait part de ses échanges avec les jeunes participants à l'école d'été de l'Institut du Nouveau Monde (INM) à l'été 2011 : « J'essayais de leur expliquer comment créer de la richesse au Québec. La plupart des questions, c'était: " Pourquoi ? Pourquoi créer de la richesse ? ». Pour M. Legault, ce questionnement est le signal que les jeunes souhaitent vivre « la belle vie », ce qui risque d'appauvrir le Québec. J'étais récemment à l'école d'été de l'INM et j'ai eu la chance d'échanger avec une nouvelle cohorte de jeunes sur ce qu'on appelle « la création de la richesse ». Les questions étaient les mêmes: À quoi sert la richesse ? Créons-nous vraiment de la richesse ?

La question mérite d'être posée.

Nous mesurons généralement la création de richesse par la croissance du produit intérieur brut (PIB). Dans un discours célèbre prononcé quelques semaines avant son assassinat en 1968, Robert Kennedy affirme, à propos du PIB, qu'il : « comptabilise la pollution de l'air et la publicité sur la cigarette et les ambulances qui doivent secourir les victimes de carnages autoroutiers. Il compte les serrures sur nos portes et les prisons pour ceux qui les défoncent. Il compte la destruction de nos cèdres rouges et la perte de merveilles naturelles au profit d'un étalement chaotique de nos villes. Il compte le napalm et le coût d'une tête de missile nucléaire, et les blindés que la police utilise pour contrer les émeutes dans nos rues... Mais notre produit national brut ne mesure pas la santé de nos enfants, la qualité de leur éducation et leur joie de vivre. Il n'inclut pas la beauté de notre poésie ou la force de nos mariages, l'intelligence de nos débats publics ou l'intégrité de nos élus. Il ne mesure pas notre courage ou notre sagesse, notre compassion ou notre dévouement envers notre pays. En somme, il mesure tout sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue». Robert Kennedy aussi était pour la belle vie.

Il y a plus. Comment créons-nous de la richesse ?

Notre économie produit actuellement de la richesse en dilapidant les ressources qui devraient permettre aux générations à venir d'avoir un niveau de vie comparable au nôtre. Selon le Global Footprint Network, nous avons utilisé en 2011 135% des ressources que la biosphère peut nous fournir à chaque année. Notre économie puise donc des ressources - eau, sols, climat, biodiversité - qui ne seront plus disponibles aux prochaines générations. Ceci a fait dire à Paul Hawken dans un discours célèbre : « Nous pillons l'avenir, le vendons au présent, et appelons cela le PIB ». Hawken ajoute : « Vous pouvez imprimer de l'argent pour renflouer une banque, mais vous ne pouvez pas imprimer la vie pour renflouer une planète ». La crise économique de 2008 est une vaguelette en comparaison à l'ère d'austérité écologique qui se présente devant nous. À l'école d'été de l'INM, Thomas Mulcair affirmait avec justesse qu'il était de la première génération de Canadiens qui lègueront moins de richesse à leurs enfants que celle dont ils ont disposé.

Et à quoi sert la création de richesse ?

L'idée persiste que la croissance économique enrichit l'ensemble de la population. Et pourtant le nombre d'enfants pauvres au Canada n'a diminué que de 20% en vingt ans alors que l'économie du Canada a plus que doublé. Le nombre de millionnaires, lui, a cru de 20% en cinq ans seulement, entre 2005 et 2010. Le pays compte maintenant 640 000 enfants pauvres et 282 300 millionnaires. Ce dernier chiffre augmentera de 38% d'ici 2020 pour atteindre près de 400 000. Notre économie est quatre fois plus rapide à créer des millionnaires qu'à sortir des enfants de la pauvreté. Et l'emploi n'est pas la solution : 650 000 travailleurs canadiens vivent sous le seuil de la pauvreté. Plusieurs doivent avoir recours aux banques alimentaires dont la clientèle a doublé en vingt ans.

La belle vie en quelque sorte

En discutant avec les jeunes, je ne pouvais m'empêcher de penser aux dirigeants d'un des grands lobbys d'affaires québécois avec qui j'ai lunché il y a un an. L'un demande: « à quoi sert un iPad ? » L'autre de répondre : « C'est comme les BMW, on n'en a pas besoin, mais on en a tous une. » Non, la plupart des Canadiens, qui sont endettés à 150% de leur revenu disponible en moyenne, et à qui on demande de travailler plus et de se serrer la ceinture, n'ont pas tous une BMW. Pour eux ce n'est pas la belle vie. Ils sont 78% plus endettés qu'en 1990 même s'ils travaillent plus. Voulons-nous créer de la richesse ou créer des riches ? D'après le Conseil du Patronat, le Québec est « pauvre en riches ». Au moins le CPQ a le mérite d'être clair.

Les jeunes de l'école d'été de l'INM ont le mérite d'avoir remis à l'avant-plan des questions fondamentales qui ont complètement été évacuées de nos débats : qu'est-ce que la richesse, à quoi sert-elle et comment doit-on la créer ? Notre économie dilapide l'avenir pour enrichir une minorité aujourd'hui. Certains ont érigé la création de la richesse en dogme parce que ce sont eux qui en profitent pour faire la belle vie. Qui fera la belle vie dans le futur ? Ce ne seront ni les jeunes d'aujourd'hui ni les générations à venir qui devront se contenter de ce que nous leur laisserons. C'est pourquoi ils ont raison de remettre en question le dogme de la création de la richesse. Parce que ceux qui critiquent la « belle vie » sont ceux qui la mènent.

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