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Réchauffement: au-delà de nos actions, repensons notre modèle économique

Un découplage du moteur économique des impacts environnementaux doit passer non seulement par une optimisation de notre consommation, mais aussi par une baisse de la consommation: en un mot, par la décroissance.
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Et si l'on sortait du cycle de la consommation à croissance infinie et que l'on redirigeait nos efforts vers notre capacité de créer de l'émerveillement en exprimant l'expérience humaine, vers le partage du savoir et la création artistique?
Witthaya Prasongsin via Getty Images
Et si l'on sortait du cycle de la consommation à croissance infinie et que l'on redirigeait nos efforts vers notre capacité de créer de l'émerveillement en exprimant l'expérience humaine, vers le partage du savoir et la création artistique?

Et si remplacer la consommation des biens par la consommation des idées et des expériences nous amenait vers une décroissance des produits et une croissance du savoir et de création artistique? Au lendemain du Pacte pour la transition lancé par Dominic Champagne, endossé par des centaines d'artistes et personnalités publiques québécoises et qui dépassait les 125 000 signataires (au moment de la publication, vendredi), je vous propose une remise en question de notre modèle économique.

Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.Rapport Brundtland, Commission mondiale sur l'environnement et le développement de l'Organisation des Nations Unies, 1987

Depuis sa première définition dans le rapport Brundtland, nous avons eu amplement le temps d'explorer la notion du développement durable et de constater que derrière cette définition laconique et même joliment optimiste se cache peut-être une autre, plus représentative de la réalité démontrée par l'expérience humaine des 30 dernières années.

Le développement durable vise en fait à préserver notre modèle économique (et incidemment notre train de vie occidental), tout en limitant (ou en tentant de limiter) les dommages à la planète. Or, la clé pour la viabilité à long terme du paradigme du développement durable sera que le Saint-Graal de la croissance économique auquel nous nous abreuvons soit découplé de son impact néfaste sur l'environnement.

Malgré nos meilleurs efforts pour amoindrir ces impacts, la croissance économique continue à se faire aux dépens de la planète.

Car la croissance économique repose sur une croissance de l'extraction des ressources, une croissance de la production, de la consommation et ultimement des déchets matériaux (pensons aux vastes îlots de plastiques qui encombrent nos océans) et atmosphériques (dont la quantité effrénée de CO2 d'origine anthropogénique qui provoque les changements climatiques). Malgré nos meilleurs efforts pour amoindrir ces impacts, la croissance économique continue à se faire aux dépens de la planète.

Économie prospère sans gâchis écologique: est-ce possible?

Soyons clairs: ce découplage n'aura pas lieu. En tout cas, pas demain. Et surtout, pas assez rapidement pour éviter de dépasser le seuil de +2℃ de réchauffement planétaire, objectif que vise l'accord de Paris et dont le dernier rapport du GIEC nous décrit les conséquences graves pour la planète, mais graves surtout pour l'humanité si l'on échouait.

Tenaces comme nous sommes dans la défense de nos acquis, jusqu'ici nous nous sommes accrochés au modèle du développement durable qui propose des améliorations au système en place.

Voici quelques-unes de ces propositions principales:

L'économie circulaire propose de nous sortir du modèle de l'économie linéaire (extraction-transformation-consommation-rejet), afin de boucler le cycle, pour que les déchets de l'un fournissent les matériaux premiers de l'autre. Ainsi, un déchet potentiel est récupéré, et un nouveau produit à valeur écologique ajoutée. L'économie circulaire, quoique louable pour les améliorations dans l'efficacité de la chaîne de production et la réduction du gaspillage, demeure tout de même un modèle qui vise la croissance dans la consommation des produits générés.

L'économie collaborative et du partage propose une nette réduction dans la production de nouveaux biens par une optimisation de l'utilisation des produits, soit par le partage, le réemploi ou la redistribution. Ce modèle dépend d'innovations technologiques qui permettent de mettre en contact les utilisateurs. Ici, on réduit la nécessité de produire de nouvelles marchandises... mais pas complètement.

La simplicité volontaire incite le consommateur à adopter un mode de vie plus sobre, à contre-courant de la société de consommation qui nous pousse à consommer toujours plus. Justement, un mouvement qui est à contre-courant doit constamment lutter contre les puissantes machines publicitaires et sera donc condamné à demeurer marginal.

Force est d'admettre que le problème fondamental est notre rythme de consommation qui alimente l'économie de croissance. Un vrai découplage du moteur économique des impacts environnementaux doit passer non seulement par une optimisation de notre consommation, mais aussi par une baisse de la consommation: en un mot, par la décroissance.

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Le bien-être d'une nation ne peut guère être déduit d'une mesure du revenu national.Simon Kuznets, Le revenu national, 1929-1932

Depuis quand la consommation de biens constitue notre seule mesure de richesse? Depuis l'adoption par le Congrès américain de la mesure du PIB dans les années 30, mais surtout après son adoption généralisée à l'international à la suite de la conférence des pays alliés (le précurseur des Nations Unies) de 1944.

Cette rencontre avait pour objectif de réguler le système monétaire international à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Malgré le soin pris par son concepteur, l'économiste américain Simon Kuznets, à nous mettre en garde contre une utilisation simpliste et réducteur de la mesure du PIB, elle est devenue un raccourci économique pour résumer le bien-être national.

Sommes-nous à présent si engouffrés dans le bouillon économique que nous ne pouvons plus imaginer le monde autrement? Acheter, faire gonfler notre PIB national, consommer et encore trouver de nouvelles manières de consommer est devenu notre modus operandi qu'on ne remet plus en question. À présent, la dégradation planétaire et les changements climatiques que cela provoque nous forcent à tout réexaminer.

Dans notre état de dépendance accrue à la consommation et notre prosternation devant les innovations technologiques, nous sommes insensibles à ce que nous avons de plus précieux, de plus unique: notre humanité.

L'être humain a atteint des sommets incroyables dans le développement de sa capacité à résoudre des problèmes sociaux, de construire notre monde moderne et de produire des oeuvres d'art extraordinaires. Dans notre état de dépendance accrue à la consommation et notre prosternation devant les innovations technologiques nous sommes insensibles à ce que nous avons de plus précieux, de plus unique: notre humanité.

On nous prévient déjà que l'économie du futur sera une économie du savoir: l'automatisation et la robotique transforment inéluctablement nos modes de production et donc le marché de l'emploi. Cette réduction de la nécessité de l'effort humain dans la production des biens de consommation représente une opportunité unique de réorientation. En échange d'une baisse d'heures travaillées, plus de temps libre. En échange d'emplois manuels redondants, l'émergence d'emplois non conventionnels, artisanaux et du «gig economy».

Et si l'on sortait du cycle de la consommation à croissance infinie et que l'on redirigeait nos efforts vers notre capacité de créer de l'émerveillement en exprimant l'expérience humaine, vers le partage du savoir et la création artistique?

Mettons nos lunettes: soit on continue à produire, à consommer, à rejeter et à dégrader notre planète hôte, soit on sort du modèle. Les pactes de transition ne sont qu'une première étape, ensuite il faudra préparer l'avenir qui nous attend. Cet avenir, s'il est peuplé par des humains, devra composer avec un modèle économique moins vorace, et plus équitable. En ce sens, la décroissance ne devra pas signifier un appauvrissement, mais plutôt une nouvelle renaissance, un éveil humaniste du 21e siècle.

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