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(Re)construire l’identité nationale

Quelle est donc cette identité nationale qui nous pousse à crier haut et fort, quand «notre» équipe marque un but?
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Maciej Toporowicz, NYC via Getty Images

La Coupe du monde, tout comme les Olympiques, ravive nos émotions nationalistes latentes aux quatre ans. Vingt-deux hommes s'affrontent sur le terrain, chacun d'eux endossant - avec son maillot aux couleurs du pays - la fierté de toute une nation.

Quelle est cette identité nationale qui nous pousse à crier haut et fort quand «notre» équipe marque un but? La définir peut en soi être un exercice délicat pour ne pas dire politiquement suicidaire: rappelons la tentative d'adopter une Charte des valeurs qui entre autres a fait couler le bateau du Parti québecois aux élections générales de 2014.

Telles des pelures formant l'oignon, notre identité se construit par couches, avec l'accumulation d'expériences de vie, en commençant par un noyau intime que certains passent leur vie à tenter de saisir. Le psychanalyste Carl Jung a défini des archétypes universels ainsi que le concept d'inconscient collectif, soit la collection d'expériences communes et partagées qui contribuent à définir notre identité par rapport à la collectivité.

Mais déjà pour puiser dans un inconscient collectif et pour avoir des archétypes universels, il faut présumer des expériences communes et partagées. Or, une société fluide, évoluant rapidement au rythme des nouvelles technologies et dont la composition change avec les flux importants d'immigration n'aura pas un récit stable et fixe, mais plutôt un récit fluide, qui reflète ces changements et cette diversité de lieux et d'expériences.

Nous vivons un moment d'éclatement des récits nationaux. En effet, les différents composants de l'identité sont sujets à des remises en question, des redéfinitions et parfois même la destruction totale du concept: la hiérarchie et la structure familiale, l'identité sexuelle, le credo religieux, l'adhésion à une politique ou idéologie, etc. Le récit même de l'histoire d'un pays est remis en question, pour son point de vue inévitablement biaisé par l'inconscient collectif de celui qui raconte.

Dans une tentative de trouver un élément stable, on cherche à se définir par ses origines plus ou moins lointaines (mon père était pêcheur, ma mère est d'origine polonaise), alors que les définitions que nous avons de nous-même sont changeantes et transitoires (je travaille comme serveuse en ce moment, je vis depuis deux ans en Amérique du Sud).

«Make America great.... Again»

C'est dans ce contexte que le discours identitaire refait surface avec un puissant attrait, puisqu'il fait miroiter une image de stabilité et de continuité là où réellement il n'y a que changement et adaptation. «Make America Great Again» étant un exemple des plus flagrants d'un slogan politique jouant sur le sentiment d'aliénation que ressent un segment de la population pour qui le passé, connu et immuable, est plus réconfortant que le futur incertain et difficile à saisir.

Toute la nuance entre les deux expressions identitaires est dans l'objectif: soit de nous diviser ou de nous réunir.

Par contre, c'est avec un enthousiasme sain et fort, en raison de la rareté des occasions que nous avons pour l'exprimer, que nous nous réunissons dans un bar sportif pour encourager une équipe nationale et vivre un moment d'unité avec nos amis et compatriotes amateurs de soccer. Toute la nuance entre les deux expressions identitaires est dans l'objectif: soit de nous diviser ou de nous réunir.

La coopération entre les nations est essentielle pour travailler à résoudre des enjeux planétaires tels que la lutte aux changements climatiques, la protection des espèces vulnérables et en voie d'extinction, la crise humanitaire provoquée par des affrontements idéologiques et la distribution inégale des ressources.

Cette coopération ne peut persister qu'avec la participation de nations qui font face, résolument et de façon réaliste, à un avenir qui sera très différent dans son récit. En effet, il faut changer le récit, et la notion même de ce qui constitue l'inconscient collectif, pour en arriver à un récit beaucoup plus large, beaucoup plus élastique et mobile.

Une nation protectionniste et rétrograde se place en contradiction avec le contexte réel d'enjeux supra-nationaux et humanitaires; les nations qui sauront s'élever et démontrer un leadership seront celles qui, tout en valorisant la santé sociale et économique de leurs citoyens, auront un récit d'ouverture et de coopération qui dépasse les frontières géo-politiques.

Bref, encourageons l'équipe qu'on veut et reconnaissons qu'elle est formée de braves sportifs, chacun avec son récit, qui réussissent à collaborer pour l'objectif partagé de gagner la partie, un but à la fois. Une belle métaphore à adopter pour nos nations.

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