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Bons baisers aux Franco-Ontariens de la part de Montréal

C'est tellement facile de gruger là où l'on risque de rencontrer peu de résistance que de faire des choix difficiles à déploiement général: c'est à cela qu'on reconnaît la marque d'un gouvernement faible.
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Nous devrions tous saluer le courage de la députée Amanda Simard, qui a quitté le caucus du gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford, parce qu'elle considère qu'il ne défend pas la communauté franco-ontarienne qu'elle représente.
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Nous devrions tous saluer le courage de la députée Amanda Simard, qui a quitté le caucus du gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford, parce qu'elle considère qu'il ne défend pas la communauté franco-ontarienne qu'elle représente.

Un appui solidaire à la communauté franco-ontarienne, de la part d'une anglo-québécoise d'origine ontarienne qui rêve encore, et rêvera toujours, d'un Canada bilingue.

Je suis une fille de Toronto. «Comment ça se fait que tu parles français?» est une question qu'on me pose souvent. L'autre, c'est: «Êtes-vous ... française?», en essayant d'identifier la régionalité de l'accent.

«Ontarienne, Madame, je suis Ontarienne.»

Nous avons déménagé à Windsor quand j'avais sept ans, et ensuite à Tecumseh, un village agricole à forte dominance francophone qui se situe à l'est de Windsor, sur les rives du Lac Saint-Clair. Mes parents cherchaient d'abord la tranquillité et n'avaient pas du tout réfléchi à la question linguistique.

Alors me voilà à 12 ans, un âge jugé trop avancé par les pédagogues pour pouvoir «réellement» apprendre une nouvelle langue, intégrant la classe de 8e année (l'équivalent du secondaire 2 au Québec) de l'école de la paroisse Saint-Antoine. Moi, la petite protestante qui ne se souvenait de ses cours de français que de quelques phrases de salutation et qui savait compter jusqu'à 20.

Pourquoi mes parents ont-ils fait ce choix?

D'abord parce que la communauté francophone était encore très présente dans les années 80-90 dans ce coin du sud de l'Ontario. Mes parents avaient le choix de nous envoyer à l'école catholique anglophone ou à l'école francophone, catholique elle aussi. Cette dernière était la plus proche de la maison et n'obligeait pas le port d'un uniforme, c'était un choix de facilité plus que d'idéologie linguistique.

Au sujet de ce que certains appellent le rêve d'un pays bilingue, sachez qu'il y avait et qu'il y aura toujours des Canadiens qui y croient; mes parents étaient de ceux-là.

Je me souviens que mes amis avaient hâte d'arriver en Grade 10 (secondaire 4) pour enfin avoir la possibilité d'être exemptés des cours de français, grâce à une permission parentale — à l'époque, les cours de français au secondaire étaient proposés, mais non obligatoires. Je ne comprenais pas leur empressement à délaisser cette langue. Pour moi, le français représentait une clé vers un autre monde, d'autres coutumes et histoires, d'autres façons de penser et d'être. Pour eux, les cours de français étaient un fardeau inutile, la lubie d'un gouvernement utopique.

«Mais à quoi ça sert?», disaient-ils. Bien, vu comme ça... à rien, j'imagine. Sauf que c'est intéressant de pouvoir parler à d'autres personnes, pas juste à ceux qui parlent ta langue.

Il est évident qu'une communauté linguistique minoritaire ne peut continuer à survivre sans un appui formel du gouvernement.

Cet appui doit être solide et résister aux changements d'allégeance politique. C'était le rôle, justement, du Commissariat aux services en français que de défendre la communauté linguistique francophone tout en gardant une neutralité face au gouvernement dont il relève.

On s'entend que l'argument invoqué par le gouvernement Ford pour défendre sa décision d'éliminer le Commissariat, prétextant vouloir «remettre de l'argent dans les poches de la population de l'Ontario», c'est du vent. Le Commissariat aux services en français ne coûtait qu'un maigre trois millions, une goutte d'eau dans le contexte d'un déficit de 15 milliards...

C'est tellement facile de gruger là où l'on risque de rencontrer peu de résistance que de faire des choix difficiles à déploiement général: c'est à cela qu'on reconnaît la marque d'un gouvernement faible.

C'est beaucoup plus une question de positionnement politique, et de sembler vouloir gouverner pour le portefeuille, mais tout en le faisant par idéologie. Il n'y a rien d'autre qui puisse expliquer les coupures non seulement du Commissariat aux services en français, mais également ceux à l'environnement et à l'enfance. C'est tellement facile de gruger là où l'on risque de rencontrer peu de résistance que de faire des choix difficiles à déploiement général: c'est à cela qu'on reconnaît la marque d'un gouvernement faible qui manque de vision.

Le français m'aura permis de poursuivre par la suite mes études en France, de venir éventuellement m'installer au Québec et d'élever mes enfants en français.

L'Ontarienne en moi est reconnaissante de l'éducation que j'ai reçue par un corps enseignant éclectique et dévoué. Le français m'aura permis de poursuivre par la suite mes études en France, de venir éventuellement m'installer au Québec et d'élever mes enfants en français. De la fille de 12 ans qui répétait phonétiquement des brins de phrase dont elle ne comprenait pas le sens, je suis aujourd'hui reconnue pour mes capacités en communications, dans les deux langues.

Nous devrions tous saluer le courage de la députée Amanda Simard, qui a quitté le caucus du gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford, parce qu'elle considère qu'il ne défend pas la communauté franco-ontarienne qu'elle représente. Je souhaite ardemment que cette communauté se serre encore les coudes, afin de défendre la protection de la langue française et de poursuivre le projet de création d'une nouvelle université de langue française, que la ministre Caroline Mulroney entende leurs voix et tienne tête à son gouvernement.

Je souhaite que d'autres générations d'Ontariens et d'Ontariennes puissent continuer à apprendre et à parler le français, comme je l'ai fait, pour le faire vivre encore longtemps.

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