Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Cancer: ce que la mort de mon petit frère m'a appris de la vie

Il y a trois ans, j'ai perdu Nathan, mon petit frère, d'un cancer. Ni vous ni moi ne pouvons changer quelque chose à cette triste réalité, perdre la personne que vous aimez le plus sur Terre est indéniablement douloureux. Mais mon plus grand malheur m'a fait prendre conscience des plus grandes joies de la vie.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Il y a trois ans, en décembre 2011, j'ai perdu Nathan, mon petit frère, d'un cancer. Ni vous ni moi ne pouvons changer quelque chose à cette triste réalité, perdre la personne que vous aimez le plus sur Terre est indéniablement douloureux. Si je devais énumérer toutes les manifestations de cette peine dans ma vie, je pourrais écrire un roman de 1000 pages.

Outre le fait que je préfère aller chez un psy, il est, selon moi, important d'écrire ce que la mort a de bon dans la vie, après (et pendant) les larmes, la peine et le manque. Alors, comme ces rédacteurs tels que Oren Miller et Charlotte Kitley - que je remercie infiniment, où que vous soyez désormais je vous suis tellement reconnaissante d'avoir mis des mots sur cette maladie et tout ce qui en découle, des mots que mon frère, qui n'avait que 14 ans quand il est mort ne pourra jamais mettre - je vais écrire sur ce que le cancer m'a appris de la vie, mais cette fois du côté des vivants.

Je n'ai pas eu la chance de me lasser de mon frère, mais j'ai eu celle de rencontrer mes parents.

Ma mère et moi avons appris ensemble à nous mettre du vernis rose sur les pieds, à aller au hammam, à s'acheter de belles choses, à prendre le temps de partir en vacances, à regarder des séries pour braver l'hiver, à aller à Marseille pour prendre un rayon de soleil. Nous avons adopté un chat dans une association, puis deux quand mes parents se sont séparés. Nous avons accepté nos différences et mis en avant nos similitudes, elle m'a écouté me plaindre et ne s'est jamais effondrée devant moi, simplement par amour. Je sais pourtant combien c'est dur pour elle de vivre sans Nathan, mais elle n'a jamais baissé les bras. J'ai trouvé chez elle un refuge, et en elle une grande place pour moi, que je ne soupçonnais pas du temps où nous étions quatre à la maison. J'ai appris d'elle qu'on pouvait continuer à être parent, même après la mort d'un enfant. Nous nous sommes rencontrées quand mon frère est tombé malade. Depuis nous travaillons dans la même entreprise, nous partageons des amis (et des habits) et je ne peux imaginer ce que serait ma vie sans voir sa petite tête tous les matins sur le quai du métro.

Mon père a perdu sa sœur, son père et son fils en 10 ans. Il m'a montré qu'il fallait se lever tous les matins, s'instruire, travailler et être généreux avec les siens. Il m'a donné avec précision les définitions de tous les mots que je ne connaissais pas, répondu à toutes mes questions, bref il a su tout m'expliquer (peut-être trop). Il m'a confié que de grandes peines mènent à de grands bonheurs et cela m'a donné foi en la vie. Il n'a jamais cessé de me faire découvrir des artistes musicaux géniaux. On a écouté Véronique Sanson et Joe Strummer à fond chez lui, dès 8h du matin. Il a tenu à fêter mon anniversaire et à tout organiser depuis 3 ans, m'a offert les plus beaux cadeaux et m'a montré qu'il restait de la place pour moi dans ce triste mois de décembre. Il m'a fait aimer le cinéma et même si c'est désormais à la télévision que je travaille je lui dois beaucoup de mon intérêt pour l'audiovisuel. J'adore aller prendre des cafés chez lui le matin, et j'aime à penser qu'il aura tellement de choses à raconter à mes enfants que je peux encore rester un petit peu futile du haut de mes 22 ans. Il m'en apprend tellement que je ne peux m'empêcher de penser que c'est dommage qu'il n'ait plus que moi comme enfant, j'aurais aimé partager tout ce savoir avec mon frère. J'ai de la chance d'avoir un tel père, un père présent, un père qui parle et un père qui prend à cœur sa mission de transmission.

Mon amoureux, Julien, m'a permis de comprendre que la mort d'un amour laisse indéniablement de la place à un autre, et m'a aidé à reprendre goût à la vie. Il m'a offert des bagues chaque année, m'a fait découvrir la musique orientale, m'a appris à faire shabbat, à perpétuer Noel en nous apportant du champagne et de la nourriture, à mes parents et moi ce soir-là. Il m'a fait danser dès qu'il l'a pu, a quitté les soirées en même temps que moi (à 23h max) pendant deux ans, a accepté de ne regarder que des films d'auteur traitant de drames familiaux, m'a donné la force d'aller fleurir la tombe de Nathan, m'a remercié de lui avoir fait prendre conscience de la relation qu'il pouvait avoir avec sa petite sœur Victoria, m'a consolé tous les dimanches matin, a pleuré à chaque fois que j'ai pleuré, m'a donné envie de fonder une famille, d'avoir quatre enfants et de me marier. Il a fait rire mes parents et mes amis, m'a défendu malgré ses 50kg face à un clochard qui voulait nous tuer. J'ai rencontré Julien deux mois après l'annonce de la maladie de mon frère, et dans une autre situation je n'aurais jamais eu le courage d'aller le chercher comme je l'ai fait.

J'ai perdu mon frère, mais rencontré des sœurs, mes amies, dont Tiffany, qui est venue pendant tous ces atroces mois de maladie et de deuil nous apporter à manger chez nous, des cadeaux, des dessins. Salomé qui m'a prêté les plus beaux habits qu'on peut trouver sur cette terre, et fait couler des bains chauds à chaque fois que j'avais l'impression de boire la tasse. Fanny qui m'a remis les points sur les I quand je me comportais mal et qui a osé me dire que ce n'est pas parce qu'on perd son frère qu'on peut mal se comporter avec tout le monde.

Honorine qui a perdu sa maman et Sarah qui a perdu sa petite sœur, avec qui on s'est serré les coudes coûte que coûte en discutant des heures et imaginant qu'ils devaient former une bien belle famille là-haut.

Nina et Samantha que j'ai rencontrées après la tempête et qui ont su se faire une place dans ma nouvelle vie, qui en ont dessiné les contours et ont été de précieuses oreilles à des moments où j'ai eu la diarrhée verbale.

Ces filles-là me donnent envie de me lever le matin pour les retrouver tous les soirs après le travail, elles me font rire, me laissent pleurer, et n'ont pas peur de me dire qu'elles ont besoin de moi autant que moi d'elles.

Mon plus grand malheur m'a fait prendre conscience des plus grandes joies de la vie. Je sais qui je suis et ce dont j'ai le plus envie : une famille. Je veux quatre enfants, surtout pas moins, un mari aimant, un bel appartement, des animaux, un travail qui n'empiètera pas sur tout le reste. Je veux passer du temps avec mes parents, mes grands-parents, partir en vacances, rire avec eux, vivre entourée. Je veux pouvoir les couvrir d'amour et de cadeaux, je veux profiter de chaque instant. Nathan, je veux vivre.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Un cancer guéri par une dose massive de virus modifiés de la rougeole

Les dernières avancées sur le cancer

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.