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Quels sont les arguments en faveur d'une parité politique (imposée)?

Non seulement l'idée de parité imposée ne s'appuie pas sur des arguments solides, mais de plus, elle est amalgamée avec de la théorie féministe fort critiquable.
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Honnêtement, il pourrait y avoir 80% de femmes et 20% d'hommes, ou vice-versa, à l'Assemblée nationale que ça ne changerait pas ma vie d'un poil, tout comme je ne pense pas que ça changerait drastiquement la vie de mes concitoyen(nes).
CP/Jacques Boissinot
Honnêtement, il pourrait y avoir 80% de femmes et 20% d'hommes, ou vice-versa, à l'Assemblée nationale que ça ne changerait pas ma vie d'un poil, tout comme je ne pense pas que ça changerait drastiquement la vie de mes concitoyen(nes).

Cette chronique sera inévitablement trop courte pour le sujet. Je pourrais parler du documentaire 50/50 qui a été présenté sur les ondes de Radio-Canada il y a environ un mois, des idées de ses réalisatrices, d'égalité hommes-femmes, de différences et de similarités entre les sexes, de féminisme, de stéréotypes, de propagande et j'en passe. Mais j'aime mieux aller à la source: l'idée de parité elle-même et les quelques arguments avancés pour la défendre.

L'idée n'est évidemment pas propre au Québec, mais la situation des autres pays étant évidemment différente de la nôtre, par souci de précision, mieux vaut s'en tenir à notre contrée. L'essai/pamphlet sorti ces dernières années qui semble le mieux traiter du sujet est celui de l'une de mes collègues au HuffPost Québec, Pascale Navarro, Femmes et pouvoir: les changements nécessaires. Plaidoyer pour la parité. Je m'appuierai donc presque exclusivement sur cet ouvrage puisqu'à ma connaissance, tous les arguments pro-parité substantiels s'y retrouvent.

Je peux comprendre la charge symbolique de la chose, mais je m'explique mal pourquoi la parité en politique est à ce point un cheval de bataille pour certain(es).

Honnêtement, il pourrait y avoir 80% de femmes et 20% d'hommes, ou vice-versa, à l'Assemblée nationale que ça ne changerait pas ma vie d'un poil, tout comme je ne pense pas que ça changerait drastiquement la vie de mes concitoyen(nes). Je peux comprendre jusqu'à un certain point la charge symbolique de la chose, mais je m'explique mal pourquoi la parité en politique est à ce point un cheval de bataille pour certain(es). Encore moins pourquoi les réalisatrices de 50/50 souhaitent une parité généralisée à l'ensemble de la société. Elles sont de bonne foi, mais lorsqu'elles discutent d'égalité et de représentativité, je me demande de quoi elles parlent. L'égalité de pouvoir occuper le même emploi que celui du sexe opposé? «Être un représentant» de son sexe biologique au sein de différents emplois? Si on regarde les statistiques hommes/femmes au travail, on sait que ça existe déjà (ici et ici à la page 13).

Comprenez-moi bien, je ne suis pas un partisan de la parité imposée, je ne pense pas qu'elle changerait grandement ma vie ni celle de mes concitoyen(nes) si elle advenait. Comme n'importe quel changement social, il y aurait des avantages et des désavantages.

Cependant, je ne pense pas que les bons arguments soient dans le camp des pro-parité comme Caroline Morgan. J'ai des doutes en ce qui concerne la validité de sondages stipulant que les Québécois veulent une parité parfaite. Ou, du moins, je ne sais pas jusqu'à quel point les gens connaissent bien les idées liées à la parité. Les rares fois où les idées de Pascale Navarro ont été traitées, celles-ci ont bénéficié d'une couverture médiatique fort complaisante.

Origines de la parité

Pour mieux comprendre l'idée de parité, il convient d'examiner ses origines intellectuelles en parlant brièvement de ses racines. Pour Karl Marx, la classe ouvrière du 19siècle peut changer son destin grâce à sa «conscience de classe», c'est-à-dire la possibilité de comprendre par elle-même où elle se situe dans l'échelon social et, par la suite, se battre pour ses propres intérêts.

Dans la seconde moitié du 20siècle, les théoriciens/militants universitaires de gauche ont substitué la classe sociale par le sexe, le genre, l'orientation sexuelle, la couleur de peau, etc. (un exemple ici). Non pas que cette tentative d'analyse du réel n'ait absolument aucun mérite. Il reste toutefois que d'une part, c'est de la théorie; d'autre part, ce n'est pas la seule analyse qui existe pour nous aider à comprendre le monde; et finalement, lorsque confrontée à une critique sérieuse, cette exploration du réel perd plusieurs plumes (un exemple de critique solide provenant de la sphère des sciences naturelles).

Bref, tout ça pour dire que l'idée de parité est l'héritière intellectuelle de cette vision du monde, que ses défenseurs en soient conscients ou non («conscience de classe» ayant laissé depuis longtemps sa place à des termes tels que «diversité» et «représentativité»).

Pourquoi la parité?

Il me semble que la zone de parité a été atteinte à l'Assemblée nationale à l'occasion des élections du 1octobre (53 femmes sur 125 parlementaires au total ont été élues, 40%, soit le seuil de parité minimum).

Qu'est-ce que la parité minimum? Selon certaines études, 40% d'un groupe — hommes, femmes, n'importe quel groupe —représente une proportion suffisante pour exercer une influence sur le processus de prise de décision.

Je note au passage que les études nous proviennent uniquement de professeures féministes militantes (ici et ici). Ce qui ne discrédite évidemment pas leur recherche, mais il demeure que le milieu des sciences sociales actuel étant ce qu'il est, le mur séparant la ou les vérité(s) de l'idéologie peut parfois être très mince. Ou, pour le dire d'une autre façon, faire avancer ses idées peut parfois être plus important que de dire la vérité pour certain(es), et le processus de révision des études par les pairs n'est pas infaillible.

Quelques études de plus provenant de sources plus impartiales auraient été de mise pour un sujet si discuté sur la place publique. Surtout que non seulement l'étude du phénomène de la prise de décision collective est complexe et comporte plusieurs modèles théoriques et écoles de pensée, mais une des professeures avançait un chiffre de 30% et non de 40% en 2006, tandis qu'un autre groupe militant pour la parité au Québec exige un 45% imposé, pendant que la fondatrice du même groupe parle plutôt de 46% (p.52).

Étonnamment, pour un chapitre premier intitulé «Why gender parity?» (j'ai seulement pu trouver le livre en anglais, désolé), l'argument du 40% minimum est le seul argument substantiel pour défendre la parité, outre le fait qu'on nous rappelle que les femmes forment la moitié de la population donc qu'elles doivent être «représentées» à au moins 40% sur les bancs de l'Assemblée.

Mme Navarro reconnaît elle-même que toutes les femmes ne voteraient évidemment pas de la même façon, ce qui rend le tout encore plus bizarre lorsque l'argument de la représentativité sexuelle est brandi (la représentation est une question de consentement selon l'auteure, une réflexion qui ne veut strictement rien dire si on ne clarifie pas ses propos, l'ouvrage fourmillant de ce genre de réflexions obscures qui ne nous sont pas expliquées).

On parle d'égalité, mais on ne nous explique pas pourquoi le fait d'avoir 11% de femmes en moins que d'hommes sur les bancs de l'Assemblée est si «inégal» (le livre a été écrit en 2015, 29% de femmes siégeaient en août 2018). Certaines vont même jusqu'à dire que la parité est une question «d'équité, de dignité, de justice sociale et de démocratie», rien de moins. Et toujours sans nous expliquer pourquoi, exactement.

Légiférer en s'appuyant sur des préjugés

Je cite de mémoire ici, mais je me souviens avoir entendu Vincent Marissal dire à Bazzo.TV, en parlant de la Charte des valeurs, qu'on ne légifère pas pour apaiser les préjugés des gens. Effectivement, on ne devrait pas légiférer uniquement pour cela. Tout comme on ne devrait pas légiférer en s'appuyant en partie sur des préjugés à titre de preuve.

Néanmoins, dire que plusieurs hommes ne sont pas encore capables de s'imaginer qu'une femme puisse être une dirigeante politique, que les deux sexes jugent en général très sévèrement toute femme qui a de l'autorité et du pouvoir, ou qu'un homme a de la compassion et aime prendre soin des autres, n'est pas sans aucun fondement.

Mais pour la minorité de gens que vous avez entendus dire ça, combien d'homme et de femmes dans votre entourage vous ont prouvé le contraire de ces stéréotypes? Y'a-t-il vraiment tant d'hommes idiots que ça qui pensent qu'une femme ne peut pas être députée, ministre ou première ministre? Les 53 femmes à l'Assemblée, élues par les deux sexes, sont une preuve vivante que cette façon de voir les choses n'a pas tant de galon que ça au Québec. Quant à l'idée que l'ensemble des individus des deux sexes rejette ce qui touche au «féminin» (p. 74), c'est une généralisation tellement absurde qu'elle ne mérite même pas de contre-argument.

Plus que juste la parité imposée

Plusieurs bons points sont soulevés dans l'ouvrage de Mme Navarro lorsqu'il est question des agressions sexuelles, de la santé et du bien-être général des femmes. Bien que je ne sois pas un partisan de la parité imposée, le bouquin et les discussions abordant le sujet ont cela de bien qu'ils font parler, peuvent instruire et contribuer à faire changer les choses pour le mieux. Ils permettent aussi de trier les mauvaises idées des bonnes ou du moins, celles qui s'appuient sur des arguments plus solides et valables que d'autres.

Selon moi, non seulement l'idée de parité imposée ne s'appuie pas sur des arguments solides, mais de plus, elle est amalgamée avec de la théorie féministe fort critiquable. En premier chef, l'existence même d'un patriarcat au Québec. Sans l'existence de ce dernier, l'édifice idéologique s'effondre, le patriarcat étant la clé de voûte le soutenant.

Ce serait un bon concept à décortiquer dans une chronique un de ces quatre...

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