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L'aide humanitaire, une mission de plus en plus à risque

On constate depuis une vingtaine d'années une augmentation importante des attaques ciblant des convois humanitaires. C'est ainsi qu'en 2014, l'organismea recensé pas moins de 190 attaques sur des groupes humanitaires, 150 cas de plus que durant l'année 2002.
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On constate depuis une vingtaine d'années une augmentation importante des attaques ciblant des convois humanitaires. C'est ainsi qu'en 2014, l'organisme Humanitarian Outcomes a recensé pas moins de 190 attaques sur des groupes humanitaires, 150 cas de plus que durant l'année 2002. Le Aidworker security database note pour sa part que le nombre de victimes a plus que quadruplé en 7 ans, passant de 107 à 460.

Plus récemment, ce sont les hôpitaux qui ont été pris pour cibles par des bombardements particulièrement meurtriers, tuant patients et membres du personnel médical. En avril dernier, 14 personnes dont deux médecins sont décédées suite au bombardement de l'hôpital Al Queada dans la ville d'Alep, deuxième ville syrienne en importance après Damas, chef-lieu du gouvernement de Bashar el-Assad. Soutenu par la Croix-Rouge et Médecins sans frontières, l'hôpital d'Alep a été attaqué par le gouvernement syrien dans une tentative de déstabilisation des forces rebelles occupant la portion est de la ville. À l'insécurité se mêle la peur parmi le personnel appelé à partir en mission d'aide.

Depuis quelques années, le thème de la sécurité est devenu un enjeu de première importance parmi les groupes d'aide en mission à l'étranger. Dernièrement, l'ONU s'est dite fortement préoccupée par les attaques répétées sur les convois humanitaires en République centrafricaine, relayant les craintes exprimées par plusieurs groupes d'assistance locale.

Outre la Centre-Afrique, d'autres régions du continent ont été durement frappées par des attaques ciblant des convois d'aide depuis les derniers mois. À titre d'exemple, deux employés de la Croix-Rouge ont été enlevés en mai dernier dans le cadre d'une mission d'aide en République démocratique du Congo dans la province du Nord-Kivu. Le mois précédent cet enlèvement, une autre mission humanitaire a été prise en otage par le groupe islamique Ansar Dine dans le nord du Mali. On relate plus globalement 24 attaques sur des employés de l'ONU ainsi que plusieurs prises d'otage impliquant des travailleurs humanitaires depuis le début de l'année en cours.

Ces épisodes en apparence isolés témoignent d'une réalité géopolitique complexe où les affrontements entre armées conventionnelles ont laissé place à des conflits plus dispersés. C'est ce dont témoigne l'émergence des conflits à basse intensité qui sont en augmentation constante depuis la fin de la guerre froide et l'importante démobilisation qui s'en est suivie. Une telle réalité implique des enjeux logistiques bien différents pour les groupes d'assistances aux victimes d'un conflit et les acteurs appelés à intervenir en zones de guerre. La dimension locale des affrontements suggère en effet une connaissance pointue des mœurs régionales, des expériences vécues localement et des différentes cultures présentes sur un territoire.

Parallèlement, une collaboration étroite avec les gouvernements étrangers est parfois nécessaire, voire indispensable, pour assurer le bon déroulement d'une mission d'aide ou d'assistance. Ceci dit, cela peut mener à des situations conflictuelles qui ne sont pas sans présenter un réel danger pour les convois appelés à partir en mission. Les nombreux cas d'enlèvements des dernières années, notamment en Afghanistan où la présence étrangère est particulièrement marquée, renforcent un tel constat.

«Aujourd'hui, les organisations humanitaires ne sont plus systématiquement perçues comme des agents neutres, reconnues pour leur impartialité.»

Aujourd'hui, les organisations humanitaires ne sont plus systématiquement perçues comme des agents neutres, reconnues pour leur impartialité. Certaines d'entre elles sont parfois sérieusement mises en cause, soupçonnées d'être de mèche avec les gouvernements étrangers. D'autres fois, elles sont tenues responsables de pratiques douteuses, minant ainsi leur crédibilité à une échelle tant régionale que globale.

En mai dernier, l'organe de surveillance américaine sur la corruption a mis au jour un système de sous-traitance et de fraude dans l'acheminement de l'aide humanitaire turque destinée à la population syrienne. Trois ONG ont été ainsi pointées du doigt, menant à une suspension directe des fonds leur étant alloués, et à un resserrement des mesures d'encadrement de l'acheminent de l'aide de la Turquie à la Syrie.

Aujourd'hui, l'espace de neutralité des acteurs impliqués dans un conflit se rétrécit, toute intervention pouvant éventuellement devenir une menace susceptible d'envenimer une situation déjà fort explosive. Ainsi, lorsqu'un pays connaît une guerre prolongée jumelée à une présence étrangère ressentie comme une agression, il peut être difficile pour certaines organisations de faire patte blanche. Une ONG soupçonnée de collaborer avec l'ennemi ou d'être un supporteur déguisé de celui-ci se verra refuser l'accès à certaines régions particulièrement sensibles. En plus de priver les civils d'une aide absolument nécessaire, cela crée davantage de confusion parmi les populations assiégées. Les missions humanitaires et les objectifs politiques poursuivis par les gouvernements étrangers font parfois l'objet d'une confusion, d'où le risque bien réel de l'amalgame.

Il est alors d'autant plus important d'être sensibles aux réalités locales ainsi qu'à l'historique des relations d'une région avec les groupes d'aide humanitaire y ayant travaillé dans le passé. Au défi de l'image véhiculée s'ajoute celui de l'organisation logistique qui ne peut complètement éliminer les risques d'une attaque inattendue. L'enjeu de la sécurité est une pente glissante dont il est difficile de prévoir les obstacles imprévus et de prévenir tous les risques encourus.

Au Québec, l'organisme à but non lucratif Azøth a récemment été créé dans l'objectif d'assurer la protection des convois humanitaires. À la différence des agences de sécurité privée, Azøth est un organisme à but non lucratif dont l'objectif n'est pas le profit, mais bien le respect des droits des populations dans une optique d'aide humanitaire.

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Mai 2017

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