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L'envers de la médaille, ou quand les carrés verts font de l'obstruction

Qu'on soit pour ou contre la grève, nous pensons que c'est aux membres de l'Association des étudiants en traduction de l'Université de Montréal de décider s'ils veulent ou non entrer en grève, et non à son exécutif.
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Ce texte est cosigné par Naïri Khandjian et Julie Locas, étudiantes au baccalauréat en traduction à l'Université de Montréal.

Depuis quelques semaines, les analogies entre la lutte actuelle contre l'austérité et le printemps 2012 pleuvent dans les médias. Certains chroniqueurs vantent les mérites du vote par référendum (qui n'avait supposément pas lieu en 2012) et y voient l'antidote à l'oppression et à l'intimidation dont sont victimes les étudiants qui s'opposent à la grève. Ils se plaisent à dénoncer les pratiques « antidémocratiques » des carrés rouges (assemblées interminables, votes à main levée, etc.), mais ne parlent jamais de l'envers de la médaille. Peut-on aborder un instant une forme encore plus insidieuse d'obstruction? Quand les carrés verts qui siègent au conseil exécutif d'une association étudiante décident, au nom de ses membres, de ne pas tenir d'assemblée générale, comment peut-on prétendre à une démocratie étudiante?

Le 13 mars dernier, surprises de ne voir aucune publication en lien avec la grève sur la page Facebook de notre association étudiante et de n'avoir reçu aucun courriel à ce sujet, nous avons demandé à l'Association des étudiants en traduction de l'Université de Montréal (AÉTUM) si elle comptait organiser une assemblée générale extraordinaire prochainement. Nous avons d'abord reçu un premier courriel au ton plutôt méprisant, dans lequel l'association soulignait que « contrairement à l'Université du Québec à Montréal, l'Université de Montréal permet une plus grande liberté concernant les décisions de grève » et nous informait de sa décision de ne pas tenir d'assemblée. Nous ne comprenons pas pourquoi l'association ne nous a pas informées d'une décision aussi importante plus tôt. Par ailleurs, elle a préféré répondre de manière privée plutôt que publique aux personnes qui posaient la question sur sa page Facebook (pour éviter une soi-disant « chicane »), laissant les étudiants et étudiantes dans la confusion. L'AÉTUM se dit neutre, mais à notre avis, on est loin d'être neutre quand on évite de répondre ouvertement aux questions, quand on retarde le processus en gardant le silence et quand on refuse le débat. Nous ne sommes pas libres de choisir si nous ne sommes pas informées, et l'AÉTUM a le devoir de tenir ses membres au courant de ses décisions.

Après une semaine d'attente, nous avons enfin reçu un second courriel nous informant de la marche à suivre pour demander une assemblée extraordinaire. Nous devons donc remettre à l'association une requête officielle comportant les signatures de 66 étudiants membres, après quoi elle organisera une première assemblée générale extraordinaire où les étudiants devront proposer un vote de grève, qui aura ensuite lieu lors d'une seconde assemblée. L'association a ainsi retardé la récolte de signatures d'une semaine.

Selon nous, les étudiants de toutes allégeances doivent reconnaître qu'il s'agit là d'une tentative manifeste d'étouffer le mouvement étudiant progrève. En effet, le délai est beaucoup trop long : il y a d'abord le temps de rassembler les 66 signatures exigées, ensuite le temps de convoquer la première assemblée générale extraordinaire, puis la seconde où se tiendra enfin le vote. Pire encore : après réception de notre requête officielle, l'association dispose d'un « délai de deux semaines » pour convoquer la première assemblée. Donc, même en supposant que nous obtenions les signatures nécessaires, l'assemblée se tiendra vraisemblablement après la grande manifestation du 2 avril. Cette attitude vise sans aucun doute à dissuader toute forme de mobilisation et à décourager les étudiants qui ont à cœur l'avenir de notre société.

L'AÉTUM justifie ses actions en alléguant sa neutralité et la « plus grande liberté concernant les décisions de grève » que l'Université de Montréal donne à ses étudiants. Mais empêcher une quelconque forme de débat, voire de réflexion, sur la question, est-ce vraiment neutre? Selon nous, les pratiques de l'AÉTUM sont plutôt antidémocratiques. Ce n'est pas d'offrir une « plus grande liberté » aux étudiants que de les empêcher de tenir un vote - qu'il soit secret, électronique, référendaire ou autre - ni même de décider collectivement s'ils souhaitent ou non en tenir un. En retardant la tenue d'une assemblée extraordinaire, l'association étudiante brime la liberté d'expression de tous les étudiants, peu importe leur opinion sur la grève. C'est pourquoi nous tenons à dénoncer sa prétendue neutralité. Il nous apparaît évident que l'association tente délibérément de mettre fin au débat avant même qu'il n'ait commencé. L'AÉTUM clame même que son « intérêt premier est de servir les étudiants membres », mais comment peut-elle prétendre servir les étudiants sans même une consultation?

Comme par hasard, la moitié du conseil exécutif de l'AÉTUM obtient son diplôme à la fin du mois d'avril. Dans ces circonstances, on ne peut s'empêcher de penser que ces étudiants souhaitent tout simplement terminer leur baccalauréat au plus vite et redoutent une fin de session mouvementée comme en 2012. Est-ce une raison valable de bafouer les droits et la liberté de décision des membres qu'ils sont censés représenter? Qu'on soit pour ou contre la grève, nous pensons que c'est aux membres de l'AÉTUM de décider s'ils veulent ou non entrer en grève, et non à son exécutif.

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