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Remonter le fleuve jusqu'à sa bouche ouverte

Un retour aux sources comme le fait le saumon de l'Atlantique. Un tatouage profond de mon identité en ce jour de la fête nationale
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Le 24 juin, dès l'aurore nous remonterons le fleuve jusqu'à sa bouche ouverte, pour paraphraser Hubert Aquin. Et moi, je redeviendrai une Nord-Côtière, comme si une transfusion d'eau salée affluait en moi. Un retour aux sources comme le fait le saumon de l'Atlantique. Un tatouage profond de mon identité en ce jour de la fête nationale

Nous quitterons les monstres d'acier du centre-ville pour les remplacer par de gigantesques rocs à la chevelure hirsute de conifères. Nous échangerons les lumières du pont Jacques-Cartier contre des milliers d'étoiles et de luxuriantes aurores boréales. Nous délaisserons les bouchons de circulation pour des ballets de bélugas.

Mon chéri qui a parcouru la moitié de la planète avec son passeport plein d'étampes n'a jamais dépassé Tadoussac sur la 138 Est, belle ironie. Il part plein de préjugés, imaginant que la Côte-Nord sera recouverte de neige, que des mouches grosses comme des corneilles nous pourchasseront sans cesse et que pour passer une semaine en camping sur la plage nous aurons besoin de nos vestes d'hiver.

J'ai espoir qu'il changera d'opinion, parce que personne ne peut rester indifférent devant de si grandioses paysages. Il découvrira aussi une partie de mon âme, parce qu'une partie de soi est intimement liée à « d'où l'on vient » et que pour connaître véritablement quelqu'un, il faut tenir compte de ce morceau de puzzle.

Comment ne pas être rêveuse lorsque d'immenses bateaux servent de tableaux encadrés par les fenêtres du salon ?

J'ai grandi avec une vue sur le Golf St-Laurent, je lui dois mon imaginaire débordant. Comment ne pas être rêveuse lorsque d'immenses bateaux servent de tableaux encadrés par les fenêtres du salon ? Vous ne pouvez qu'imaginer les pays de l'autre côté de l'océan d'où ils proviennent. Des ports où des amoureuses transies attendent des amants partis durant de longs mois en mer.

Vivre dans un lieu où les épopées ne sont que littéraires, un seul canal de télévision, pas encore d'Internet pour s'accrocher au reste du monde. La solitude de l'aînée alors que la jeune sœur tarde à venir, des jeux que l'on invente pour tuer le temps, l'ennuie comme passe-temps.

Des plages à perte de vue, désertés, la même eau saline que dans le Maine sans ses touristes plantés comme des radis dans un jardin. De longues marches jusqu'au bout du banc à respirer un air qui a bon goût, qui ouvre l'appétit et qui donne envie d'aimer.

Je retourne dans mes terres, un lopin grand comme le Plateau Mont-Royal, avec des lièvres à profusion et un inventaire de sapins de Noël à l'année. Il est hanté par mes grands-parents débordants d'amour. Nos maisons chaudes cordées les uns auprès des autres à l'ombre de la petite chapelle du village. Dans mon souvenir, il reste des odeurs de pain de ménage, de tarte aux bleuets et de pâtés à la viande. Un dernier regard avant que la minière Arnaud y perce ses cratères.

La grande ville au bout de la route, plus d'un millier de kilomètres, après avoir rempli mes poumons et mes yeux de nostalgie.

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