Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Autisme et suicide: quand l'incompréhension mène à des idées noires

La détresse psychologique chez les adultes autistes existe, qu’on se le dise.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Vouloir se faire mal à ce point veut dire qu’on souffre tant intérieurement, qu’on pense calmer la souffrance… en se faisant souffrir.
aurumarcus
Vouloir se faire mal à ce point veut dire qu’on souffre tant intérieurement, qu’on pense calmer la souffrance… en se faisant souffrir.

«Il semble normal, mais en même temps, on voit bien que quelque chose cloche chez lui...» est la phrase que je me fais dire le plus souvent au sujet de Dominik, 27 ans... mon fils.

J'ai été interpellée récemment par un texte de Nadia Lévesque. Un texte qui déchire si vous voulez tout savoir et il m'a ramenée des années en arrière. La détresse psychologique chez les adultes autistes existe, qu'on se le dise.

Ils ne sont pas à l'abri de tout parce qu'ils sont autistes. Ils peuvent souffrir de migraines, de diabète et, oui, ils peuvent être si souffrants psychologiquement, que la seule option qu'ils entrevoient peut être le suicide.

Dominik avait 24 ans lorsqu'il a commencé à démontrer des signes suicidaires et tout le monde, moi y compris, l'avons traité comme nous le pouvions. Il n'avait pas reçu de diagnostic d'autiste Asperger encore et honnêtement, côté médecine, c'était alors du n'importe quoi!

Pendant un peu moins de deux ans, je ne dormais pas, presque pas ou alors sur une oreille seulement, me servant de l'autre comme d'un radar qui détectait tous les mouvements nocturnes dans la maison.

C'est que mon fils était dépressif et suicidaire en plus des séances d'automutilation qu'il se faisait. Je ne savais plus quoi faire et j'ignorais qu'il était autiste aussi.

C'est déjà compliqué, mais quand on ignore tout le portrait, ça l'est encore plus.

Le texte de Nadia Lévesque m'a ramené à une certaine nuit où il s'était tailladé le cou et le bras. Il était venu me rejoindre dans le salon en me disant: «J'feele pas!» Occupée sur mon téléphone intelligent, je lui ai demandé machinalement ce qu'il avait. C'est quand j'ai levé les yeux vers lui que mon cœur n'a fait qu'un bond!

Je ne savais plus quoi faire! C'était la cinquième fois qu'il vivait des épisodes du genre et l'entaille à son cou ne présageait rien de bon!

Il avait consommé aussi. Il avait avalé des médicaments qu'on retrouve sur les tablettes de la pharmacie. Rien de dangereux, mais suffisamment fort pour le droguer. Je savais que je ne pouvais tenter un dialogue avec lui...

Découragée parce que c'était sa cinquième fois, soulagée parce qu'il avait choisi la vie en venant me voir, moi.

L'ambulance est revenue chez nous ce soir-là pour le mener à l'hôpital, une fois de plus. J'étais découragée et soulagée. Découragée parce que c'était sa cinquième fois, soulagée parce qu'il avait choisi la vie en venant me voir, moi.

C'est lors de ce séjour à l'hôpital qu'il rencontra celle qui allait devenir sa psychiatre attitrée, depuis ce soir fatidique où le couteau à steak rencontra sa chair en plusieurs endroits. Vouloir se faire mal à ce point veut dire qu'on souffre tant intérieurement, qu'on pense calmer la souffrance... en se faisant souffrir. C'est là que ma compréhension s'arrête.

Pour le reste, j'avais au moins provoqué l'effet d'un écho en lui lorsque je lui avais dit de venir me voir si ça arrivait encore, s'il se sentait si mal qu'il voudrait en finir. «Peu importe le jour ou la nuit, je serai là pour toi.»

Je lui ai expliqué que c'était à lui-même qu'il devait des excuses et non à moi.

Après quelques jours passés en soins hospitaliers, il est revenu chez moi, repentant. Je lui ai expliqué que c'était à lui-même qu'il devait des excuses et non à moi. J'ai essuyé ses larmes et on a eu une discussion qui semble avoir percuté son mode de pensée puisque jamais plus il n'a recommencé à se faire du mal ou à tenter d'en finir.

Et moi, je n'ai jamais souffert autant, car dans toute cette histoire c'était mon fils que j'ai failli perdre à jamais.

Plus tard, quand le diagnostic d'Asperger est tombé, tout s'est éclairci pour lui et du coup, pour moi aussi. Beaucoup de questions ont trouvé des réponses dans nos mondes respectifs. Et, parce qu'il se sent maintenant beaucoup mieux compris, il s'ouvre comme jamais auparavant.

Quand je lui ai parlé de ce texte, il m'a dit: «Il ne faut pas être surpris de constater que beaucoup d'autistes Asperger songent au suicide. On a du mal à nous adapter dans ce monde et le simple fait de se trouver un emploi est pénible. On essuie refus après refus ou encore on perd nos jobs. On se retrouve devant rien et on se décourage.»

J'ajoute que l'autiste qu'il est va bien maintenant. Nous avons de grandes discussions sur des sujets épineux, souvent. Et à lui, j'ai envie de dire:

«Je te trouve beau, mon fils. Je te trouve fort et je t'admire énormément. Tu es et tu seras toute ta vie devant de grands défis... surmontables. Tu t'y prendras probablement différemment des autres, mais tu y arriveras. Je te souhaite la paix d'esprit. Je te souhaite aussi de te rappeler toujours que la plus grosse montagne de ta vie est déjà escaladée: tu es vivant. Le suicide, s'il n'a jamais été l'option que je souhaitais pour toi, n'en est plus une pour toi non plus. Je te regarde avancer dans ta vie, à ton rythme et heureux. Je suis et je serai toujours fière de toi mon grand!»

Qu'il s'agisse de personnes autistes ou non, les idées noires et suicidaires s'attaquent à elles souvent parce qu'elles se sentent incomprises. Si je prends l'exemple de Dominik, personne ne pouvait comprendre ce qui se tramait en son monde intérieur parce qu'avant de trouver les spécialistes qualifiés, personne ne le comprenait vraiment.

Je souhaite aujourd'hui qu'on parle de plus en plus d'autisme partout, et surtout dans le monde médical. Tellement de gens passent sous le radar de la science! Mon fils a été diagnostiqué le 4 janvier 2018, à l'âge de 26 ans, c'est tout dire.

Je prendrai la parole au sujet de l'autisme et du suicide aussi souvent que je le jugerai nécessaire. C'est en éduquant tout le monde qu'on arrivera à bâtir un monde qui pensera à tout le monde.

Êtes-vous dans une situation de crise? Vous avez besoin d'aide? Si vous êtes au Canada, trouvez des références web et des lignes téléphoniques ouvertes 24h par jour, dans votre province en cliquant sur ce lien.

À VOIR AUSSI:

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.