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Time-out Monsieur l'arbitre!

Avons-nous réellement besoin des arbitres pour jouer selon les règles? Pour résoudre des problèmes sportifs et trouver des solutions qui fonctionnent pour tous?
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Cet été, je me suis dit qu'il pourrait être intéressant d'essayer quelque chose de nouveau: jouer d'un sport dans une ligue senior. Cependant, j'ai hésité longuement. En fait, depuis que j'ai arrêté le sport organisé il y a déjà quelques années, je me suis exclusivement adonné à des activités physiques individuelles; des activités où sont absents entraineurs, coéquipiers, adversaires, pratiques, matchs, horaires et arbitres.

Déjà, quand on joue dans un sport organisé, on doit payer. Le coût pour la saison: 150 $ par personne, soit 1 500 $ par équipe. Un grand total de 9 000 $ pour l'ensemble des équipes. Okay, ça doit être le coût de la location du terrain et le paiement pour l'organisation de l'horaire et des matchs. Mais tout de même, ça fait cher payé pour juste ça!

À ma surprise, lors du premier match de la saison, je constate qu'il sera arbitré non pas par un arbitre, mais trois! Et à partir de là, ça commence fortement à me déranger.

Vraiment? Trois arbitres? Mais pourquoi?

Étant un ancien joueur de ce sport, je suis assez familier avec son fonctionnement et ses règles; ainsi que l'ensemble des joueurs de mon équipe et j'ose espérer, des équipes adverses aussi. Les arbitres seraient-ils nécessaires parce que les joueurs ne connaissent pas les règlements? Non, je ne crois pas.

Alors, les joueurs connaissent les règles, mais puisqu'ils ne peuvent pas les respecter d'eux-mêmes, les arbitres seraient là pour sauver la mise, pour nous épargner du chaos?

Dites-moi, avez-vous besoin d'un arbitre lorsque vous jouez aux jeux de société? Ça serait assez farfelu, en effet. Le sport, comme le jeu de société, est non seulement régi par des règles, il est constitué par celles-ci. À l'inverse des règles qui régulent des activités humaines préexistantes (par exemple, le code de la sécurité routière qui précise que la conduite automobile doit se faire à droite), les règles d'un jeu constituent l'activité en question, elles le font naître. Ainsi, nul sport sans les règlements dudit sport.

À l'inverse des lois d'une société, si on pratique un sport, on le fait de manière complètement volontaire. Dans ce cas, on doit évidemment connaitre les règlements et surtout, on doit désirer les respecter, sinon, on a toujours le choix de proposer des modifications aux règles ou de ne pas jouer, tout simplement. Si, de manière intentionnelle, on ne respecte pas une règle, on est alors en train de tricher . À ce moment précis, on ne joue plus au sport, on fait autre chose qui ressemble au sport. Mais pourquoi tricher alors, si à ce moment on dévie des règles du jeu auquel on a choisi de participer volontairement?

Il peut exister plusieurs raisons particulières qui produisent la tricherie, mais elles semblent se regrouper sous une grande cause: un désir de vaincre exacerbé. En effet, si on tient davantage à gagner qu'à assurer l'équité de l'acte compétitif, il y aura tricherie. Si on tient davantage à gagner qu'à faire preuve de loyauté quant à l'accord tacite, mais non moins réel, de jouer au sport selon les règles préétablies, il y aura tricherie. Toute la culture sportive glorifie sans cesse le désir, l'ardeur, la volonté de vaincre (à tout prix?). Toutefois, elle ne précise peut-être pas suffisamment qu'une victoire par la triche, c'est une victoire sans honneur; et qu'une victoire sans honneur, ce n'est pas une victoire, c'est plutôt une défaite en regard à soi-même.

Tricher est une défaite, puisque par manque de tempérance (et surement de courage aussi), on accorde plus d'importance à la victoire qu'au respect de nos principes moraux. L'appât du gain semble alors trop fort pour y résister.

C'est plutôt dommage, car toute la beauté du sport est de réussir ce tour de force: celui de concilier des valeurs contradictoires. Car il ne peut être plus contradictoire que de désirer vaincre ardemment, tout en respectant l'équité de la compétition et en restant fidèle aux règles. Si on réussit à le faire, on adopte alors une conduite véritablement honorable, celle d'un vrai sportif.

En parlant de vrai sportif, examinons le cas de l'Ultimate frisbee. Ce sport se joue sans le moindre arbitre; ici c'est l'autoarbitrage qui domine, c'est-à-dire que les joueurs doivent déclarer leurs fautes ou les fautes de leur adversaire . De plus, si jamais une faute est contestée, on reprend tout simplement le jeu à zéro. Mais quelle sagesse! (et quel sarcasme). Les joueurs d'Ultimate-frisbee possèdent-ils des vertus morales que les joueurs des autres sports ne possèdent pas? Et que faisons-nous du joueur d'Ultimate qui, après son match, se rend à sa partie de basket-ball? Perd-il alors toute capacité de s'autoréguler, perd-il tout honneur propre? Ce sport relativement nouveau a la cote ces temps-ci et pour moi, il innove sur un aspect bien plus important que certains autres néo-sports.

En y pensant bien, il est probable que le premier arbitre ait vu le jour en raison des multiples actes de tricherie de certains sportifs. Toutefois, l'arbitre corrige le problème du non-respect des règles dans le sport comme une béquille corrige l'homme qui boite; en apportant un soutien à un problème, mais sans vraiment le régler. Encore plus, l'arbitre peut être vu comme une nuisance. Si celui-ci s'approprie toutes les décisions morales lors d'une compétition, les participants n'ont plus alors à réfléchir à cet aspect du jeu. Ils n'ont plus à s'imposer eux-mêmes une conduite sportive honorable, puisqu'ils y seront contraints par un tiers zébré; ce qui entraine toute disparition de l'aspect «honorable» de la conduite, elle devient alors «mécanique».

La solution durable au problème de la tricherie n'est pas l'arbitre, elle réside plutôt à l'intérieur de chaque sportif. Si le sportif priorise l'honneur à la victoire, il n'aura nul besoin d'une béquille pour réguler ses comportements sportifs, puisqu'il ressentira l'obligation morale d'agir conformément aux règles du sport.

Aujourd'hui, les arbitres sont omniprésents. Peu importe le niveau de jeu, ils se portent garants de la bonne conduite du match sportif. Certains peuvent aller jusqu'à croire que l'arbitrage ajoute du sérieux à l'affrontement sportif; il en réduit plutôt la valeur morale. Avons-nous réellement besoin des arbitres pour jouer selon les règles? Pour résoudre des problèmes sportifs et trouver des solutions qui fonctionnent pour tous?

Si nous ne sommes pas capables de jouer à un jeu selon les règles consenties volontairement, il réside ici un grand problème. Si notre désir de vaincre à un simple jeu est réellement supérieur à notre honneur, nous ne valons pas grand-chose. Néanmoins, je crois sincèrement que nous en sommes capables; nous n'avons juste pas pris le temps d'y réfléchir jusqu'à présent. Les arbitres se sont simplement imposé d'eux-mêmes, tel un phénomène naturel, une fatalité. Au final, outre être une dépense superflue, les arbitres sont inutiles voir nuisibles pour l'agir moral des sportifs.

Allez! Ouste! Expulsons tous ces arbitres et ayons le courage de jouer avec honneur!

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