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Il était une fois Paula Becker: sachons-le!

Je viens de la découvrir, en mai dernier, au hasard d'une visite au Musée d'art moderne de Paris. «Comment est-il possible que je n'aie jamais entendu parler de cette femme avant?», ne cessai-je de me répéter en découvrant son œuvre et, au fil de celle-ci, son histoire.
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« Paula Modersohn-Becker voulait peindre et c'est tout. Elle n'aimait pas tellement être mariée. Elle aimait le riz au lait, la compote de pomme, marcher dans la Lande, Gauguin, Cézanne, les bains de mer, être nue au soleil, lire plutôt que gagner sa vie, et Paris. Elle voulait peut-être un enfant... Elle a existé en vrai, de 1876 à 1907. » Voilà ce qui est écrit sur la quatrième de couverture de la biographie que Marie Darrieussecq vient de lui consacrer.

J'ai un peu honte de le dire. Je ne connaissais pas Paula Becker, officiellement nommée Paula Modersohn-Becker. Je n'avais jamais entendu parler d'elle. Je ne dois pas être la seule.

Cette peintre était l'amie de Rilke, Rilke que j'aime moins depuis que j'ai vu comment son amitié pour Paula fut avare d'aide et de reconnaissance lorsque la situation l'eut voulu. C'était fin19ème, début 20ème, direz-vous, et les femmes osant peindre, on chuchotait que ça allait leur passer. Mais quand même... c'était Rilke.

Je viens de la découvrir, en mai dernier, au hasard d'une visite au Musée d'art moderne de Paris. « Comment est-il possible que je n'aie jamais entendu parler de cette femme avant? », ne cessai-je de me répéter en découvrant son œuvre et, au fil de celle-ci, son histoire. Surtout, tout au long de ma promenade dans son univers, je pouvais presque palper sa présence : Paula l'inconnue, la méconnue, la morte trop jeune, était là, terriblement vivante au milieu de ses tableaux si uniques jamais vendus de son vivant. Elle me tenait la main pour traverser, retraverser, son histoire.

Fascinée, j'ai acheté ensuite le livre évoqué plus haut, le premier qui parle d'elle en français. Un livre que Darrieussecq a écrit par nécessité, envoutée elle aussi par Paula et résolument décidée à la faire connaître.

Chez Paula Modersohn-Becker, pas de revanche, pas de discours. Elle montre ce qu'elle voit. Point.

L'année précédent son décès, Paula Modersohn-Becker peint frénétiquement des centaines de tableaux. Souvent des petites filles. Elle fut l'une des premières femmes peintres à peindre des femmes nues et sans doute la première à faire des autoportraits d'elle-même, nue. Après des siècles de regard masculin sur la nudité des femmes, Paula peint des fillettes, des femmes, des vieillardes, nues.

Le soleil ne fait jamais d'ombre dans ses tableaux. Sa peinture est dépouillée, brute, crue, sans jugement, sans état d'âme, dépourvue d'érotisme. « Une autre sorte de volupté, immense, forte, l'air de dire : "Laissez-nous donc tranquilles avec l'innocence et la pureté perdue, avec la fausse pudeur et la réserve".»

Des femmes nues, dénudées du regard masculin. «Des femmes qui ne sont pas vues par le désir, la frustration, la possessivité, la domination, la contrariété des hommes ». Chez elle, pas de revanche, pas de discours. Elle montre ce qu'elle voit. Point.

Paula est morte à 31 ans, à sa première sortie du lit lors d'une petite fête organisée pour elle, 18 jours après avoir accouché de Mathilde. Elle venait de tresser ses cheveux, de garnir de roses sa robe d'intérieur. Elle fut foudroyée par une embolie pulmonaire. Ses proches racontent qu'elle eut conscience de mourir. Son dernier mot fut : «Schade.» Ce qui signifie, dommage.

Dommage, car la jeune femme était profondément habitée par l'idée «qu'être ici est une splendeur.»

C'est à cause de ce dernier mot, «dommage», que Marie Darrieussecq lui a consacré une biographie. Et c'est pour la même raison que j'ai besoin d'en parler. Parce que cette peintre peu connue manque au cénacle des grands, des très grands. Aussi, surtout, parce que cette femme que nous n'avons pas connue nous manque.

Si vous passez par Paris, l'exposition Paula Modersohn-Baker se poursuit jusqu'en août, courez-y. Sinon, découvrez-la comme vous le pouvez. Sur le web, ou en lisant le livre de Darrieussecq. Pour ma part, je rêve d'aller visiter sa maison, le petit musée qui lui est consacré à mon prochain saut en Europe.

On doit savoir et faire savoir que Paula Becker est passée ici sur Terre, qu'elle a été dans sa maison.

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Mai 2017

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