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Il aura fallu qu'il meure pour que le Québec lui crie «je t'aime!»

Il dit lui-même dans l'excellent documentaire de Francine Pelletier : «Personne, aucun homme politique, n'a été insulté comme je l'ai été, toute ma vie politique durant».
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Samedi le 6 juin, la dépouille de Jacques Parizeau est exposée en chapelle ardente à Montréal. C'est le premier ministre Philippe Couillard, celui qui clamait encore récemment qu'il « détestait » les indépendantistes, qui eut le premier l'honneur de saluer le grand Parizeau.

Je me demande ce que dirait Monsieur Parizeau de ce concert d'éloges, de ce panégyrique de louanges, de toutes ces révérences dithyrambiques qui lui sont adressées maintenant qu'il est mort. Il dit lui-même dans l'excellent documentaire de Francine Pelletier : «Personne, aucun homme politique, n'a été insulté comme je l'ai été, toute ma vie politique durant».

Et cela est exact: aucun personnage politique n'a été autant injurié, offensé que le fut Jacques Parizeau. Son chef de cabinet, Jean Royer, de confirmer, la voix nouée d'émotion, combien c'était dur, combien son patron était constamment la cible de reproches, pas seulement de ses adversaires, mais aussi des membres de sa famille politique. On lui reprochait sa manière de s'habiller, sa manière de marcher, sa manière de rire, sa manière de se tenir, bref sa manière d'être qui il était.

Faut-il être assez aveugle et sourd pour avoir traité Jacques Parizeau d'intolérant alors qu'on qualifiait de «grand démocrate» Pierre-Elliot Trudeau, celui qui a fait emprisonner 500 personnes?

Ces ennemis le détestaient souverainement. Parce qu'ils avaient peur de sa force, de son talent, de sa stature, de son argumentaire indéfectible, de sa capacité et de sa détermination à la faire, cette maudite indépendance.

Cet homme, un vrai humaniste, un vrai féministe, est mort discrètement, dignement, loin de la lumière. Il aura fallu qu'il meure, humilié d'avoir raté son rendez-vous avec le Québec souverain, meurtri par la maltraitance collective qu'on lui a fait subir, pour qu'on reconnaisse son envergure, son incommensurable boulot pour le développement du Québec, son irréprochable intégrité.

Il aura fallu qu'il meure pour que tout le Québec se lève d'un bond et lui crie: ON VOUS AIME!!!

En supposant qu'il soit témoin de toutes ces soudaines déclarations d'amour, qu'en pense-t-il? Comment a-t-il envie de répliquer?

- Trop peu trop tard?

- Allez donc tous au diable... ?

Mais non, il a beaucoup trop d'élégance - qu'on a confondu avec du snobisme - pour réagir ainsi.

Je me plais à imaginer qu'il est perplexe puis éclate de son rire caractéristique avant de répliquer à notre concert d'éloges par la voix de Péloquin: «Vous êtes pas écoeurés de mourir bande de caves! C'EST ASSEZ!»

Je voudrais terminer en disant que Jacques Parizeau, chaque fois qu'il descendait de ses quartiers généraux du Vieux-Montréal, ne manquait jamais d'apporter une carotte au vieux cheval stationné en bas, en attente des touristes.

Jacques Parizeau exposé en chapelle ardente à Montréal

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