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Pour un autre modèle québécois d'intégration: la convergence culturelle

Depuis plusieurs mois, la Commission des relations avec les citoyens œuvre sur un projet de redéfinition des politiques d'intégration de l'immigration et de la diversité culturelle au sein de la société québécoise.
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Ce texte est co-rédigé par Me François Côté, avocat spécialisé en droit civil et droits fondamentaux et doctorant en droit, et par Jocelyn Beaudoin, candidat à la maîtrise en droit.

Depuis plusieurs mois, la Commission des relations avec les citoyens œuvre sur un projet de redéfinition des politiques d'intégration de l'immigration et de la diversité culturelle au sein de la société québécoise. Sans grande surprise, la commission semble s'inspirer de la doctrine de l'interculturalisme, fruit du sociologue Gérard Bouchard suite à ses travaux lors de la Commission Bouchard-Taylor.

Le 25 février dernier, Jack Jedwab publiait dans le Devoir une critique de l'interculturalisme, reprochant à Bouchard le côté théorique et flou de son modèle ainsi qu'un manque de preuves de son applicabilité sur le terrain. Selon M. Jedwab, l'interculturalisme ne serait qu'une version québécoise du multiculturalisme canadien. Le 5 mars, Micheline Labelle lui donnait la réplique en défendant la spécificité de l'interculturalisme.

Comment s'y retrouver dans cet échange de tirs théoriques ? Pour résumer les deux modèles à leurs plus simples expressions: le multiculturalisme affirme que toutes les cultures ont le droit de coexister au sein de la société sur un pied d'égalité, et l'interculturalisme suppose des échanges réciproques entre la culture de la majorité nationale et celles des différentes communautés vers un rapprochement. Si la différence entre ces deux doctrines existe en théorie, elle s'efface au niveau pratique. Sur le terrain, les deux doctrines se confondent en commandant toutes deux à la majorité nationale de procéder à des modifications dans ses lois et ses valeurs pour accommoder les communautés culturelles, plutôt que d'exiger à ces dernières de s'y conformer.

Ni l'un ni l'autre de ces modèles ne concorde avec la réalité québécoise. De nombreux auteurs constatent une différence nette entre l'opinion des Québécois par rapport à celle des Anglo-Canadiens quant à la place qui devrait être accordée aux accommodements raisonnables dans la société. Les Québécois ne sont pas, à tout le moins au plan sociologique, des Canadiens, et ils ont un rapport différent avec l'intégration de la diversité que celui qui prévaut à Ottawa. Ce rapport ne relève ni du multiculturalisme, ni de l'interculturalisme, mais bien de la convergence culturelle. Cette politique a été clairement définie politiquement pour la première fois à l'aube de la Charte de la langue française, puis plus amplement affirmée par le sociologue Fernand Dumont en 1995, puis récemment revisitée dans une étude de 2013 publiée à l'Institut de Recherche du Québec. Cette dernière a été réalisée par Me François Côté et par le professeur Guillaume Rousseau de la faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, avec l'aide de M. Jocelyn Beaudoin.

La convergence culturelle consiste à accueillir les communautés culturelles en leur demandant de s'adapter aux lois et aux valeurs de la société québécoise, tout en les invitant à contribuer à l'évolution de cette dernière en puisant dans leur bagage culturel d'origine. Elle propose que soit Québécois quiconque vit au Québec et en adopte les valeurs, les lois et les institutions. Loin de cultiver la division, l'identité québécoise devient alors accessible à tous. De plus, la convergence culturelle permet de rétablir le devoir d'intégration et considère déraisonnables les demandes d'accommodements fondées sur des pratiques culturelles qui auraient pour effet d'extraire certains groupes du référent national qui doit s'appliquer à tous.

En outre, dans les cas où il est appliqué, le modèle de la convergence culturelle fonctionne. Qu'on pense à Djemila Benhabib, auteure civique et immigrante de première génération, à Ricardo Trogi, cinéaste de renom et immigrant de seconde génération, ou à Tania Longpré, militante engagée en éducation et immigrante de troisième génération: trois exemples (parmi légions) d'intégration réussie d'individus et de familles ayant évolué dans le modèle de la convergence culturelle et se considérant aujourd'hui entièrement québécois.

Une des principales critiques que l'on peut adresser aux modèles de l'interculturalisme et du multiculturalisme est qu'ils semblent se focaliser uniquement sur les immigrants de première génération en tenant pour acquis que les générations suivantes s'intégreront spontanément à la culture de leur société d'accueil. Les données empiriques recueillies à ce jour font mentir ces présupposés. La réalité observable montre plutôt que ces deux modèles sont transmis d'une génération à l'autre. De nombreux immigrants de seconde et troisième génération accueillis suivant ces doctrines continuent ainsi d'exiger une mise en exception face à la majorité nationale, s'extrayant ainsi eux-mêmes du groupe cherchant à les accueillir. Peut-on encore parler d'intégration dans une telle situation ? Poser la question, c'est y répondre.

Il est temps de changer de modèle et la convergence culturelle pourrait être un modèle d'intégration efficace et bénéfique pour tous, où les immigrants de toutes générations, sans pour autant nier leurs origines, peuvent tous se considérer entièrement Québécois. Nous ne pouvons qu'enjoindre la Commission des relations avec les citoyens à en tenir compte et souligner qu'en matière d'intégration de la diversité, le Québec est, ici aussi, une société fondamentalement distincte du Canada.

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