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Le système de santé, le spécialiste et le jeune Français

Ce que l'on entend aujourd'hui a été entendu il y a 40 ans, 30 ans, 20 ans, 10 ans. Après des milliards de nouveaux fonds publics, 50 % des dépenses de programmes, plus de médecins, plus d'infirmières, les gens continuent d'attendre et les patients atteints de cancer se font traiter ailleurs qu'au Québec.
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Pour l'esprit qui veut comprendre comment fonctionnent les choses et surtout comment imaginer des solutions prometteuses, le système de santé rend fou.

Il y a bien sûr, les projets de loi 10 et 20 du ministre Barrette qui choquent le milieu, ébranlent les structures, mettent au défi les médecins d'optimiser leur offre de service. Il y a les pharmaciens dont on a coupé de façon significative la rémunération, puis les infirmières qui se plaignent de ne pas pouvoir contribuer à la hauteur de leurs compétences.

Pour l'instant, la population regarde aller le docteur Barrette et souhaite qu'un jour, elle puisse lire à la Une de son quotidien un titre qui l'encouragera: « Diminution significative du temps d'attente dans les urgences »; « Des rendez-vous disponibles dans les 48 heures dans toutes les cliniques du Québec »; « Toutes les familles avec enfants ont maintenant accès à un médecin de famille »; « De nouveaux projets de coopératives pour les soins de longue durée et le suivi des maladies chroniques dispensés par des infirmières praticiennes sont maintenant encouragés par le ministre »; etc.

OK. Je rêve. Mais je ne rêve pas tant que ça. Je ne sais pas s'il le sait mais le docteur Barrette devra trouver le moyen de produire des résultats très bientôt. L'échec ici n'est pas possible. L'année prochaine, à pareille date, il devra démontrer, preuve à l'appui, que son nom ne s'ajoutera pas à la liste des nombreux ministres de la Santé qui se sont laissés abattre par la « machine ».

Toujours est-il que dimanche soir, nous étions reçus à souper chez un couple d'amis dont l'homme est un médecin spécialiste en pédiatrie âgé de 67 ans. Travaillant en cabinet quatre jours semaine depuis une couple de mois (il est en retraite progressive!), je lui demande combien de clients (il m'a spécifié qu'il fallait dire « clients » au lieu de « patients ») il réussissait à rencontrer dans ces quatre jours. « Entre 30 et 35 par jour », me dit-il.

QUOI? Entre 30 et 35 par jour? Oui, Madame. Alors voulez-vous bien m'expliquer le psychodrame que jouent les médecins qui s'opposent à un « quota » de 20 patients par jour, 5 jours par semaine, 40 semaines par année que propose le ministre Barrette? Oui, je le sais. On vous force à faire quelques heures par semaine d'AMP (activités médicales prioritaires) en centre hospitaliser ou autrement, ce qui vous éloigne de votre cabinet. Mais même à ça?

Autre épisode de vie. Dans le cadre d'un programme d'échange-étudiants, une de mes petites-filles (en secondaire II) recevait en fin de semaine un jeune Français. Autour de la table, on jase. Sa mère est médecin. Je l'interroge sur la pratique de sa mère qui, oh malheur, trouve déplorable qu'il arrive de plus en plus qu'elle ne puisse rencontrer un client la journée même.

Et puis, le plus sérieusement du monde, il me regarde et me dit avec un air déçu « Ah si si, il y a une pénurie de médecins chez-nous. Nous n'avons que 10 médecins pour une population de 10 000 habitants dans notre secteur. »

Si on calcule bien, c'est un médecin par 1000 habitants ça, non? Ça ne vous rappelle pas quelque chose?

Vous savez ce qui est épuisant quand on parle du système de santé? C'est que ce que l'on entend aujourd'hui a été entendu il y a 40 ans, 30 ans, 20 ans, 10 ans. Après des milliards de nouveaux fonds publics, 50 % des dépenses de programmes, plus de médecins, plus d'infirmières, les gens continuent d'attendre et les patients atteints de cancer se font traiter ailleurs qu'au Québec. Bordel...

Et pourtant. Il y a, oui au Québec, des cliniques de médecine de famille qui fonctionnent, où il n'y a pas d'attente. Qu'attendent donc les autres cliniques pour reproduire ces modèles de fonctionnement? Il y a des cliniques spécialisées privées qui peuvent offrir les soins de façon beaucoup plus efficiente, à moindre coût pour le public et avec un plus haut taux de satisfaction. Qu'attendent les administrations et les gestionnaires de CISSS pour faire participer ce genre de cliniques à l'offre de service? Qu'attend le ministre pour donner le OK à de telles ententes de partenariat?

On connaît la réponse. La résistance du milieu. Les corporatismes médicaux et infirmiers. Les syndicats qui ont une emprise sur l'organisation du travail et qui rendent impossible toute réflexion pouvant remettre en question leurs acquis.

Alors que tous ces gens tentent de nous vendre des « sommets », un nouveau cycle de « réflexion » et quoi encore, la vérité est peut-être plus simple que l'on croit.

Si si. C'est le spécialiste et ce jeune Français qui me l'ont dit. Et je les crois.

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