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La façon de produire les services publics, c'est secondaire pour Carlos Leitao

Si la Commission de révision des programmes fait bien son travail, on devrait évaluer la pertinence de l'État-syndiqué-producteur-quasi-unique dans certains secteurs, idéalement dans les secteurs les plus coûteux: la santé, l'éducation, et la famille.
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«Est-ce qu'il faut que ça soit l'État qui livre des services publics? Que ça soit l'État ou quelqu'un d'autre, je pense que c'est secondaire. C'est le service lui-même qui compte».

Voilà ce qu'a déclaré le ministre des Finances Carlos Leitao devant l'Association des économistes lundi. Selon La Presse canadienne, « le ministre Leitao a assuré que la Commission de révision permanente des programmes - qui doit dégager des économies de 3,2 milliards $ pour l'an prochain afin d'atteindre l'équilibre budgétaire - se penchera sur cette question. »

C'est une bonne nouvelle.

Par cette déclaration, le gouvernement répond à la question #5 de la démarche illustrée plus bas, celle qui porte sur le mode de production des services financés par l'État. (1)

En effet, dans l'éventualité où on aura répondu à toutes les questions qui la précèdent et qu'on aura décidé de financer des institutions plutôt que des individus (financer des programmes au lieu d'envoyer directement un chèque au citoyen), la question est pertinente. Non seulement elle est pertinente, mais elle envoie un signal que le gouvernement est ouvert à l'innovation et à un changement de moeurs dans la façon de « livrer » les services aux citoyens.

Si la Commission de révision des programmes fait bien son travail, on devrait évaluer la pertinence de l'État-syndiqué-producteur-quasi-unique dans certains secteurs, idéalement dans les secteurs les plus coûteux: la santé, l'éducation, et la famille. Rappelons qu'une analyse produite par la firme SECOR en 2010 répartissait comme suit le budget du gouvernement du Québec selon l'activité étatique. Voyez comme le rôle d'opérateur est important.

  • Rôle de régulateur (lois et règlements): 11% des dépenses de l'État
  • Rôle de redistributeur (mesures fiscales et filet de sécurité sociale): 15%
  • Rôle d'opérateur (producteur de services publics): 60%
  • Service de la dette: 14%

Bien sûr, cela s'explique par la forte proportion des salaires, sans compter les effets pervers d'environnements de travail extrêmement rigides, syndiqués et vieillissants. Urgence donc, de réévaluer tout ça avec une grille coûts/bénéfices indépendante des allégeances idéologiques des uns et des autres.

Mais urgence également de reconnaître là où la concurrence et la diversité des fournisseurs produit un bon rapport qualité/prix. Je pense par exemple au réseau des écoles privées, la grande majorité d'entre elles des institutions à but non lucratif.

Je pense également aux contributions des cliniques privées en santé, lesquelles seraient remises en question par le gouvernement Couillard, s'étonnait récemment Françoise Bertrand, présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Dans le cas qui unissait l'hôpital Sacré-Cœur à la clinique Rockland MD et celui de l'hôpital de Saint-Jérôme à l'Institut de l'œil des Laurentides, la fin de ces associations serait « aussi surprenante que déconcertante », selon Madame Bertrand (d'autant plus que c'est Philippe Couillard lui-même qui avait légiféré pour intégrer les cliniques médicales spécialisées dans le réseau de la santé du Québec).

Dans ces deux cas, l'incompréhension est totale : on remplace un système qui fonctionnait par un système qui est fortement sous pression. Les patients auront le choix entre de longues files d'attente au public ou des coûts plus élevés pour se faire soigner au privé. - Françoise Bertrand, présidente de la FCCQ.

Nous partons de loin. Au Québec, quand le « public » finance, le « public » doit produire. Si c'est « privé », alors « que les gens paient eux-mêmes »! Voilà ce qu'a engendré la culture syndicale. Combien de fois entendons-nous cela. Et pourtant...

Il ne devrait y avoir aucune obligation pour l'État de produire lui-même des services qu'il finance, particulièrement lorsqu'il se place ou qu'il encourage une situation de quasi-monopole d'État. Ouvrir à la concurrence n'est pas non plus synonyme de « méchant privé assoiffé de profits et dilapiteur du fameux bien commun ». Pensons à la santé et à ce que le monde coopératif pourrait y contribuer, par exemple. Pensons aux services sociaux trop souvent dispensés par des employés de l'État aux conditions de travail rigides, plutôt que par des organisations communautaires.

Le gouvernement du Québec veut innover. Bravo. En 2008, un groupe de travail sur l'investissement fait remarquer l'étroite relation entre la productivité, l'innovation et l'organisation du travail.

« Mais l'innovation en entreprise est très loin d'être un phénomène purement technologique: elle est aussi un phénomène social. Une découverte fondamentale de la recherche contemporaine est que l'innovation organisationnelle est une source importante de progrès de la productivité. On pense ici aux changements dans le modèle d'affaires, dans les pratiques managériales, dans l'organisation du travail, ... »

Je reprends ici des extraits d'un blogue écrit à l'époque : Est-ce trop « simpliste » ou encore « démagogique » que de faire le lien entre l'organisation déficiente dans nos écoles et nos hôpitaux, la rigidité des conventions collectives, le pouvoir syndical, et enfin le manque de productivité dans le secteur public? Je ne crois pas. Il n'est ni simpliste ni démagogique d'affirmer que les valeurs syndicales (ancienneté, l'égalité des conditions, protection des acquis, nivellement par le bas, monopoles syndicaux) nuisent à la qualité des environnements de travail, l'innovation et la création de richesse.

Enfin, réviser les programmes veut aussi dire saisir l'opportunité d'innover dans les modes de production des services financés par l'État. Si l'on en croit le ministre Leitao, le gouvernement est sur la bonne voie... parce qu'il a bien raison: Ce qui compte n'est pas la façon de produire les services ni le qui produit le service. Dans une société avancée, ces questions devraient être secondaires.

On a donc une réponse à la question #5 de la démarche illustrée plus bas. Il lui reste à répondre aux 5 autres questions pour chacune des missions « essentielles » de l'État, la plus importante étant la question #1.

(1) Attention: Cette démarche serait la mienne. Elle n'est pas celle du gouvernement.

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