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Révision des programmes: modulation des tarifs en garderie?

Si, en matière de politique familiale, la révision des programmes ne produit qu'une ennuyeuse modulation des tarifs de garderies, alors on conclura qu'il n'y a rien de rigoureux ni d'utile à long terme dans l'exercice mené par le comité Robillard et dirigé par le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux.
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Si, en matière de politique familiale, la révision des programmes ne produit qu'une ennuyeuse modulation des tarifs de garderies, alors on conclura qu'il n'y a rien de rigoureux ni d'utile à long terme dans l'exercice mené par le comité Robillard et dirigé par le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux. On doit donc espérer qu'il s'agit là d'une enflure médiatique créée par un ballon maladroitement lancé et gonflé par une déclaration du premier ministre.

En mai dernier, Philippe Couillard avait tort lorsqu'il émettait l'idée de la modulation des tarifs de garderies selon le revenu et ce, pour toutes sortes de raisons (lire ici mon texte de mai dernier). Aujourd'hui, le gouvernement aurait tort de n'opter que pour une patch, un changement cosmétique qui ne peut se qualifier de changement structurel dont le Québec a besoin.

Rappelons d'abord l'objectif: équilibrer les finances publiques du Québec en 2015-16. Pour y parvenir: dégager, de façon récurrente, entre 3 et 4 milliards $. Le modèle québécois s'effondre sous nos yeux. Luxueux, coûteux, inéquitable et inefficace, toutes les missions de l'État doivent être revues et toutes les pierres doivent être retournées, nous dit-on. Aux dires de Philippe Couillard lui-même, «la démonstration d'un besoin ne signifie pas automatiquement l'engagement de l'État», et «l'engagement de l'État n'a pas à être le plus coûteux et le plus généreux».

UNE VUE D'ENSEMBLE - COMBIEN ÇA COÛTE?

En matière de politique familiale, le Québec n'a plus les moyens d'être le plus coûteux et le plus généreux. Pour bien saisir l'importance de la générosité du contribuable, regardons ce qu'il paie en impôts, pour la politique familiale (qu'il ait des enfants ou pas). Selon les derniers documents budgétaires du gouvernement, c'est 5,1 milliards $ qui sont alloués aux 3 programmes que sont 1) le soutien aux enfants, 2) les subventions aux garderies et 3) les crédits d'impôt pour frais de garde.

Une illustration de ce que cela représente en moyenne, par enfant, est particulièrement révélatrice. En nous inspirant des dernières statistiques disponibles, regardons approximativement ce que cela peut représenter si on prenait ce 5,1 milliards $ et qu'on le répartissait également aux enfants appartenant à une certaine catégorie d'âge.

Vous avez bien lu. Si le gouvernement prenait le 5,1 milliards $ et qu'il envoyait un chèque directement à toutes les familles qui ont un enfant entre 0 et 10 ans (pas seulement celles qui font garder leur enfant), c'est un chèque de 5 230 $ par enfant qu'il leur enverrait.

Ce n'est pas ce qu'il fait. D'abord, le programme de soutien aux enfants est «modulé» en fonction du revenu. Tout le monde ne reçoit pas le montant maximum (2 431 $ en 2014). Je parierais même que certains avoueraient qu'ils n'en ont pas besoin. Pour ce qui est des crédits d'impôt pour frais de garde, ils sont eux aussi modulés en fonction du revenu. Bref, lorsqu'il s'agit de transferts directs aux parents, on module la prestation... contrairement à ce qui se passe lorsqu'on subventionne les garderies.

Là, aucune modulation. Mais qui ne fait pas de la subvention aux garderies à 7$ un programme universel pour autant! Rappelons, en effet, que seuls les parents qui bénéficient d'une place à contribution réduite (place à 7$) en bénéficient. Les parents qui font le choix de passer quelques années avec leurs enfants à la maison ne reçoivent rien. Ils la paient avec leurs impôts mais ne reçoivent rien. Équitable? Universel? Juste?

QUI PAIE QUOI? FAIRE PAYER LES RICHES? DONE!

Encore une fois, selon les dernières statistiques sur la fiscalité des particuliers, voici le portrait de la contribution des contribuables à ces 3 grandes composantes de la politique familiale québécoise. Voyons combien il vous en coûte, en impôts, dépendamment de votre revenu pour payer ce 5,1 milliards $.

Comme on le voit, le régime d'impôt progressif québécois est d'une extraordinaire efficacité pour «faire payer les riches». Non seulement les mieux nantis (on est riche très tôt au Québec!) contribuent davantage, mais les programmes sont ainsi bâtis que la redistribution est elle-même modulée en fonction du revenu.

Universel? Équitable? Efficace? Je vous laisse en juger. Coûteux? Absolument! Doit-on moduler les tarifs de garderie? Ou plutôt revoir tout ça? C'est la réflexion à laquelle je vous invite dans un 2e texte à suivre. En attendant, je parierais que si on y réfléchissait comme il faut, on arrivera à diminuer la facture de ces programmes d'au moins 20%, soit faire passer ces dépenses de 5,1 G $ à 4 G$. À suivre.

L'ASSURANCE PARENTALE

Rappelons-le. L'État n'a pas à être le plus généreux et le plus coûteux, disait le premier ministre Couillard dans son discours d'ouverture de la première session parlementaire de son gouvernement. Soit. Le programme d'assurance parentale l'est!

Il l'est tellement qu'il a dû emprunter ces dernières années pour verser les prestations aux assurés. Déficit cumulé selon le dernier rapport annuel du Conseil de gestion de l'assurance parentale: 447,8 millions $ (p. 93). Il l'est tellement que le taux de cotisation des employeurs est passé de 0,583% de la masse salariale en 2005 à 0,782 % cette année, une augmentation de 34%!

Il l'est aussi parce que le plafond de revenu assurable (69 000 $ en 2014) et le taux de remplacement de revenu sont plus élevés que ce qu'on observe ailleurs au Canada.

Énorme taxe sur la masse salariale des employeurs! Énorme dépense pour le gouvernement, lui-même employeur, qui pourrait y trouver là une autre opportunité de diminuer ses dépenses si le programme était moins luxueux.

CONCLUSION

Parler de la tarification des garderies est une chose, de la mécanique. Réviser l'ensemble des programmes sociaux en fonction de la capacité de payer des contribuables en est une autre. Le gouvernement se propose d'assurer la pérennité des programmes jugés essentiels.

D'accord. Mais n'escamotons pas la réflexion. Une vision d'ensemble s'impose. Et la réflexion ne part pas avec un tarif de garderie! Quel est le rôle de l'État, au juste, en matière de politique familiale? Pourquoi être si généreux quand on n'en a plus les moyens? Les programmes sont-ils inutilement universels et mal ciblés? Doit-on encourager des transferts directs plutôt que des programmes requérant une batterie de fonctionnaires qui les gèrent? Que fait le gouvernement dans la production des services de garde exactement?

Finalement, peut-on dégager une marge de manoeuvre en libérant l'État de choses qu'il n'est pas censé faire et en ramenant à l'essentiel tous ces programmes de soutien à l'enfance, de subventions, de crédits d'impôt et d'assurance parentale?

Il le faut. Espérons que le travail du comité de révision des programmes est plus rigoureux, sérieux et réfléchi qu'une simple «patch» qu'on tentera d'appliquer sur un patient déjà trop intoxiqué qui espère qu'on ne réduira pas sa prochaine dose.

À suivre: Révision des programmes - Politique familiale (2)

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