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Rapport Godbout: du bonbon pour la gauche d'Amir Khadir

Amir Khadir n'avait qu'une chose à dire lorsque le Rapport Godbout fut publié: «» Parler de couches? Vraiment, M. Khadir? À Québec solidaire, on aime notre monde pauvre, ignorant et petit.
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Amir Khadir, député de Québec solidaire, n'avait qu'une chose à dire lorsque le Rapport Godbout fut publié: « Est-on rendus assez pauvres au Québec pour taxer les couches pour bébés? » Le même Amir Khadir qui souhaite une suite au printemps 2012 n'avait certainement pas pris la peine de lire le rapport et d'y détecter le penchant nettement progressiste des recommandations. S'il l'avait fait, il s'en serait réjoui.

On retiendra sans doute du travail de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise que tous les modes d'imposition (impôts, taxes, tarifs) n'ont pas la même capacité de nuire à l'économie. Certains modes sont plus nocifs que d'autres. Cela dit, Luc Godbout a livré bien plus qu'une proposition de dosage des modes d'imposition.

Fidèle à lui-même, l'auteur principal de l'étude ne s'est pas contenté de mieux doser la perception des revenus de l'État, mais a, il me semble, saisi l'opportunité d'ajouter encore davantage à la progressivité des mesures fiscales québécoises en plus d'ajouter aux revenus de l'État en exploitant le concept "d'écofiscalité".

500 000 contribuables de plus qui ne paieraient pas d'impôt!

En rehaussant le montant personnel de base à 18 000 $ au lieu de l'actuel 14,281 $ (le montant à partir duquel le particulier paie des impôts), c'est 500 000 contribuables de plus qui n'auront pas à payer de l'impôt. Vous me direz, bien sûr, que ceci profitera également à tous les autres contribuables, mais il est intéressant de noter que le 225 millions de dollars que coûte ce rehaussement aurait pu être distribué autrement, soit à ceux qui portent un plus lourd fardeau fiscal.

Intéressant également de noter que le seuil de 18 000 $ sera celui qui sera le plus élevé au Canada, ce à quoi on pourrait riposter que le seuil en Alberta en 2014 est autour de 17800$. Bien sûr. L'Alberta est riche. Mais si on regarde ce qui se passe dans les autres provinces pour nous amuser un peu, le montant personnel de base est de 9 670 $ en Ontario, 9 470 $ au Nouveau Brunswick, etc.

Certains déplorent qu'il y ait, au Québec, une proportion trop importante de gens qui ne paient pas d'impôt. De toute évidence, les gens qui ne paient pas d'impôt ne sont pas trop préoccupés de la lourdeur de l'impôt du reste des contribuables qui assument la facture. Est-ce sain pour la démocratie d'encourager un accroissement de gens qui sont insensibles à la facture fiscale? Je ne le crois pas. Il n'en demeure pas moins que c'est le choix qu'a fait Luc Godbout et son équipe, celui d'accorder un préjugé favorable aux plus bas salariés.

Nouvelles redistributions et crédits d'impôt

Dans son "ménage" de dépenses fiscales et de crédits d'impôt, l'exercice aboutit à dégager 1,5 milliard $. Ce n'est pas rien, me direz-vous, sur le 15,3 milliards $ de dépenses fiscales liées à l'impôt des particuliers (à elle seule, en passant, l'abolition de la déduction pour les travailleurs "rapporte" 834 millions $).

Mais voyez comment l'équipe Godbout ne peut résister à introduire de nouvelles dépenses fiscales: un nouveau concept de bouclier fiscal (90 M$); une nouvelle prime aux travailleurs d'expérience (275 M$ nets); une bonification de la prime au travail (107 M$), une plus grande progressivité dans la modulation des crédits d'impôt qui remplacent les déductions, etc.

Ajoutons à cela un ajout de 310 millions $ au crédit d'impôt pour solidarité (qui coûte déjà 1,7 milliard $ !!!) tout en notant le sévère avertissement du Vérificateur général à l'effet que:

Le ministère des Finances du Québec n'a pas considéré tous les effets potentiels des changements apportés aux paramètres choisis. Ainsi, il n'a pas tenu compte des effets de ces changements sur le nombre de ménages se déclarant admissibles à la composante liée au logement. Ce nombre est passé de moins de 1,2 million à plus de 2 millions de ménages.

Par exemple, selon les données de Revenu Québec, 34% des 807 784 bénéficiaires ayant déclaré vivre seuls partageaient leur logement durant le mois de mars 2013. Selon l'estimation du Vérificateur général, c'est environ 80 millions de dollars qui auraient été versés en trop pour une année. - Extrait du rapport Godbout - Vol. 1, p. 211

Les couches, M. Khadir? Sérieusement?

Préjugé favorable au monde syndical

Selon le Rapport portant sur les Dépenses fiscales du gouvernement du Québec, édition 2013, c'est 239 millions $ que "coûtent", les déductions pour cotisations syndicales et professionnelles. Alors que l'équipe Godbout choisit d'abolir le crédit d'impôt remboursable pour les détenteurs d'un permis de chauffeur ou de propriétaire de taxi, pourquoi diable demande-t-on aux contribuables de contribuer indirectement aux syndicats et corporations professionnelles, organismes qui bien souvent sont des lobbies organisés pour soutirer encore plus d'avantages des fonds publics? Comprends pas, surtout que ce type d'avantage n'existe plus dans les autres provinces et qu'il est sérieusement contesté par un ensemble d'analystes.

Pour ce qui est des Fonds de la FTQ, de la CSN et du Fonds Desjardins, le fiscaliste recommande également de préserver les crédits d'impôt, crédits d'impôt qui n'existent plus qu'au Québec, les autres provinces les ayant abolis. Coût? 210 millions $ si je me fie aux statistiques sur l'impôt des particuliers 2011 (dernière année disponible). Plus encore, aucun plafond d'émissions annuelles ne serait imposé aux fonds de travailleurs...

A contrario, l'exemption sur le gain en capital en prend pour son rhume. Bien qu'irréalisable à moins d'ententes avec nos concurrents fiscaux, le Rapport Godbout recommande d'abolir l'exemption de 50% du gain en capital dans le calcul de l'impôt (gain en capital = gain réalisé lorsqu'on vent des actions en Bourse, des fonds communs, des immeubles, des entreprises (PME), etc.).

Nette préférence pour les investissements privés via des fonds des travailleurs? Préjugé défavorable aux investissements privés provenant d'individus? Veut veut pas, ça ressemble à ça, non? En tout cas, on ne pourra pas se fier à l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS), organisme qui ne croit pas que le Québec a un problème d'endettement. Lisez ici le fabuleux texte de Francis Vailles de La Presse et jugez par vous-mêmes de la profondeur - et de l'honnêteté - de ce lobby de gauche.

Démagogie et populisme sur les tarifs de garderies

Amir Khadir n'a pas non plus pris la peine de regarder les tableaux 17 et 18 qui démontrent qu'une famille monoparentale ayant un enfant de 3 ans qui va à la garderie, et des revenus de 40 000 $ pourrait augmenter son revenu disponible de 1610 $ si le tarif de garde était de 35$/jr en retirant le plein avantage des crédits d'impôt du fédéral.

Mieux vaut parler de couches... Mieux vaut se dispenser de faire de l'éducation économique d'une clientèle déjà profondément confuse sur toute question reliée à l'économie, à la fiscalité. Mieux vaut continuer de mépriser une clientèle naïve, intimidée et portée sur une vision du monde où on est toujours victimes d'un plus grand que soi, d'un plus riche que soi, etc.

Parler de couches? Vraiment, M. Khadir? À Québec solidaire, on aime notre monde pauvre, ignorant et petit.

Du bonbon pour la gauche

Non. Le Rapport Godbout est véritablement du bonbon pour la gauche. Et je n'ai même pas énuméré les mesures qui ciblent spécifiquement les plus haut salariés (ex: nouvelle taxe sur les voitures de luxe, taxe supplémentaire sur l'HQ des grandes maisons, plafonnement du montant qu'un individu peut investir dans un CÉLI, etc.) On ne pouvait s'attendre à autre chose de la part du fiscaliste Luc Godbout qui, on le sait, est l'instigateur de nombreuses mesures fiscales et programmes sociaux du Québec. La redistribution de la richesse, le gars, il connaît ça.

Mais aujourd'hui, il y aura le premier véritable budget du gouvernement Couillard. On ne sait pas dans quelle mesure le Rapport Godbout aura influencé les décisions gouvernementales. Chose sûre, les mouvements de gauche et le Parti québécois dénonceront l'équilibre budgétaire, ne vous surprenez pas. Mais si c'est le cas, si le gouvernement réussit à équilibrer le budget, il y a une chose qu'il faudra faire, et c'est de les féliciter et de leur dire un gros bravo.

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