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Lucien Bouchard et la Nation: un film typiquement québécois

Le réalisateur Carl Leblanc a choisi de rester fidèle à la culture qui habite le camp souverainiste: celui du ton de la défaite, de la lassitude et de la quasi-dépression. Dommage.
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Si l'objectif du réalisateur était de connaître comment un homme sur qui les indépendantistes comptaient pour faire l'indépendance du Québec pouvait avoir un parcours aussi tortueux, Lucien Bouchard y répond très bien.

Lucien Bouchard n'a été fidèle qu'à lui-même, qu'à ses convictions. « Je peux pas être second violon; je joue faux quand je suis second violon. »

Être au parcours tortueux et au passé caractérisé par de fortes ruptures, Bouchard n'est toutefois pas un pur et dur de la cause indépendantiste.

« J'aurais peur de quelqu'un qui se dirait absolument indépendantiste, dit-il. C'est quelqu'un que je craindrais énormément. La souveraineté, peu importe les conséquences? Dans n'importe quelles conditions? Non. »

« On parle de moyens là », ajoute-t-il. De moyens. Et non pas d'une fin en soi. Traître à la nation? Fort probablement pour certains. Il est d'ailleurs assez significatif et révélateur que les toutes premières secondes du film débutent avec une question qui porte sur la haine que certains Québécois éprouvent envers Lucien Bouchard.

« Pour beaucoup de gens, vous aviez rejoint le camp ennemi », lui dit le réalisateur quelques minutes plus tard, lorsque Bouchard accompagne Brian Mulroney dans l'aventure du « beau risque » de Meech, approche antagoniste s'il en est une (celle du réalisateur).

Un autre des paradoxes qui habitent Lucien Bouchard est celui d'une personnalité qui héberge à la fois le paternel autoritaire que certains aiment bien voir dans leurs chefs d'État, et l'adolescent qui ne vit pas bien avec la critique et le regard des autres. Ajoutez à cela la peine qu'il transporte d'avoir coupé autant de liens (d'amitié notamment avec Brian Mulroney), on a le sentiment que l'homme se sent seul finalement. Cet homme qui dit ne pas avoir voulu faire de la politique (!), mais qui s'en ennuie visiblement et qui semble torturé par le souvenir que l'on gardera de lui.

« Je vais toujours vivre avec des allégations de traîtrise », reconnaît-il.

Vous êtes serein avec tout ça?, lui demande le réalisateur. « Relativement », répond-il, puis en s'éclatant de rire tellement il réalise la difficulté qu'on a d'acheter autant de sérénité...

Ce documentaire crée fort probablement une nostalgie chez les personnes qui ont participé activement aux épisodes référendaires. Mario Dumont racontait sur les ondes de LCN qu'il ne pouvait pas comparer cette époque à celle d'aujourd'hui qui semble pauvre et vide d'enjeux importants. À cela, je répondrais que notre époque est très loin d'être dénuée de grands enjeux. Peut-être aurait-on avantage à plutôt comparer les médias qui à mon sens, se sont appauvris et versent dans la facilité plus qu'autre chose.

Il demeure que ce documentaire est celui d'un nationaliste déçu. Pour celui-ci, c'est le Québec tout entier qui aurait « perdu » les referendums de 1980 et de 1995. Comme quoi pour ces gens-là, le Québec, c'est avant tout le Québec des indépendantistes.

Ce documentaire, trame musicale aidant, est aussi sur le ton de la défaite. Typiquement québécois, quoi.

« Si la vie est un livre, c'est la dernière page qui compte. C'est la dernière page qui va donner son sens à TOUTE votre vie », termine Lucien Bouchard sur le ton de la confession.

Quelle conception réductrice de la vie que celle-là!

Et peut-être la raison pour laquelle les Québécois, incluant ses fils, sont « rendus ailleurs ». Un pays de perdants et de plaignards, c'est pas très vendeur. Je parierais même qu'avec les mêmes entrevues réalisées, un portrait autrement plus batailleur et fonceur aurait pu être livré. On pourrait être pour ou contre « la cause », un parcours de combattant aurait été autrement plus inspirant pour un peuple qui en a fini de se percevoir comme colonisé, défait et déprimé « collectivement ».

Lucien Bouchard aimerait que ses fils se souviennent qu'il a au moins essayé. Voilà une trame intéressante. Le réalisateur a choisi de rester fidèle à la culture qui habite le camp souverainiste: celui du ton de la défaite, de la lassitude et de la quasi-dépression.

Dommage.

P.S. N'y a-t-il pas moyen de faire des documentaires au Québec avec une musique qui n'incite pas à la dépression?

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Avril 2018

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