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Les indépendantistes cocus

Un changement de cycle, s'il est inévitable, n'est pas toujours celui qu'on aurait espéré. Peut-être faudra-t-il, en effet, s'enfoncer davantage pour réaliser que l'État est de plus en plus impuissant à combler tous nos désirs.
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Le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe avait beau vouloir minimiser les effets de la décision de la FTQ de larguer le Bloc, il n'en demeure pas moins que le signal qu'envoient les alliés naturels syndicaux aux souverainistes est percutant et révélateur.

Après le rejet par la population québécoise du Bloc québécois à la dernière élection de 2011 (leur nombre de sièges est passé de 49 obtenus en 2008 à 4!), voici maintenant que ce sont les syndicats qui choisissent d'aller "voir ailleurs" avec le NPD, suivis quelques jours plus tard de Québec solidaire qui prend ses distances.

Au grand désarroi des indépendantistes, rien n'y fait si on se fie aux derniers sondages de Léger et de CROP. Effet Duceppe? Estompé. Effet PKP? Nul. Des "bye-bye" de la promise Julie en route vers sa cérémonie de mariage en plein site évoquant l'histoire et le patrimoine du peuple canadien français? Bon simplement pour épater la galerie et les fans de politique-spectacle.

Résultat? Une chute de 5 points depuis juin pour le PQ, combinée avec une chute de 5 points également depuis que Pierre Karl Péladeau en est le chef selon le dernier sondage CROP. Pour ce qui est du Bloc québécois, le coup de sonde est dévastateur: seulement 21% selon Léger ou 16% selon CROP, alors que le parti récoltait tout de même 23% des voix lors de la dernière élection de 2011.

Conclusion?

Nous sommes bel et bien en train d'observer une fin de cycle caractérisée par l'instrumentalisation de la cause indépendantiste par les alliés traditionnels du Parti québécois.

Ne nous y trompons pas. C'est bien de cela qu'il s'agit. Tant que la défense de la cause pouvait servir les intérêts des FTQ, CSN et compagnie, tout était pour le mieux. Maintenant que la population veut passer à autre chose - peut-être a-t-elle finalement compris que l'adhésion de certains groupes corporatistes au projet de pays se résumait à augmenter leurs privilèges? - les "sauveurs" et la convergence extrême ne suffisent plus.

Est-ce ce qui attend le Parti québécois à la prochaine élection provinciale? Je vais m'aventurer et vous dire que je le crois sincèrement. La tendance est trop lourde pour qu'il en soit autrement. En fait, si j'étais militante d'un 3e parti à l'Assemblée nationale, je serais confiante que le scénario de fin de cycle se reproduise au Québec en 2018.

Paradoxes et "chum rebound"

Par ailleurs, comment expliquer que la population québécoise, si jalouse de ses juridictions et méfiante des chevauchements entre le fédéral et le provincial accepte de flirter avec un parti aussi centralisateur que celui du NPD? Comment être indifférent à la nature fondamentalement opportuniste du chef du NPD:

  • Un gars qui démissionne, en 2007, du Parti libéral du Québec pour courtiser le Parti conservateur du Canada (lire Mulcair's secret meeting with the Tories de Martin Patriquin)
  • Un ex-thatcheriste qui vante les mérites du libre marché et du non-interventionnisme étatique qui se présente pour le NPD réputé être le parti le plus à gauche au Canada (exception faite du Parti vert)
  • Un gars qui dénonçait jadis les pratiques électorales syndicales alors qu'aujourd'hui, il accepte allègrement l'appui de la FTQ
  • Et pour citer un tweet de Gérard Deltell: un gars qui "veut un BAPE provincial sur un territoire fédéral et veut un ministère des affaires municipales fédéral sur un enjeu provincial!!!"

Je vais m'aventurer à mon tour à tenter une explication. Elle n'est pas jolie, un brin cynique, mais très probable.

Si j'ai appris une chose en observant la politique, c'est qu'une période électorale n'a rien à voir avec la politique publique proprement dite. Les machines (des partis, des médias, des maisons de sondage, des lobbies, des tiers-partis) jouent leur jeu, misent, perdent une journée, en gagnent une autre et tentent de faire jouer l'opinion publique en leur faveur.

Plus précisément, je crois maintenant que les choix de la population ont de moins en moins à voir avec une quelconque philosophie politique des chefs et des partis. Les enjeux? Pas importants. Les incohérences des plateformes politiques? Pas le temps de regarder ça. La qualité de vie des citoyens s'est-elle améliorée ou détériorée durant le mandat de l'actuel gouvernement? Une question apparemment non pertinente. De toute façon, on en veut toujours plus.

Si l'économie, les emplois et la bonne gouvernance des finances publiques sont parmi les priorités des Canadiens et Québécois, comment expliquer que nous voulions coucher avec un parti aux racines dépensières, et particulièrement vulnérable aux pressions de leurs alliés syndicaux?

Le facteur-clé: le contexte

Tout est histoire de contexte, voilà ce avec quoi ont à jongler les stratèges politiques. La population jugera-t-elle que le temps est venu de privilégier l'alternance? Pour ce qui est du Québec, la pertinence du Bloc québécois est-elle périmée? En Ontario, par exemple, jugeront-ils sage de voter pour un parti fédéral accro aux impôts (NPD) alors qu'ils viennent de voter pour Kathleen Wynne qui augmentera les taxes sur la masse salariale des entreprises avec sa réforme des régimes de retraite, et qu'ils ont encore en souvenir le passage du NPD de Bob Rae (1990-1995)? Celui-là même qui était, lui aussi, très attaché à la cause environnementaliste, mais qui a presque triplé la dette de l'Ontario (de 35,4 G$ à 90,7 G$ en 5 ans)?

On dit que les électeurs ont toujours raison. Peut-être. Mais de la même façon qu'une femme qui vient de rompre avec son amoureux se choisira un "chum rebound", est-il imaginable qu'une population tout entière veuille se divertir avec un "parti rebound"? Curieux parallèle, non?

Certainement. Mais le problème avec ça, c'est que le "rebound" peut coller longtemps. La vie des partis se compte en décennies...

Bref, un changement de cycle, s'il est inévitable, n'est pas toujours celui qu'on aurait espéré. Peut-être faudra-t-il, en effet, s'enfoncer davantage pour réaliser que l'État est de plus en plus impuissant à combler tous nos désirs. Voyez ce qui se passe en Alberta (NPD), en Ontario (avec Kathleen Wynne) et puis au Québec (avec le NPD)...

Ce ne serait pas une bonne nouvelle.

Certains racontent que nous ne connaissons pas l'effet qu'aura une période électorale de 11 semaines. En effet. On verra bien. Ce que nous connaissons, par contre, là, maintenant, ce sont les risques pour le gouvernement en place, découlant d'une élection à date fixe. Pour cela, au moins, on a à féliciter Stephen Harper d'avoir respecté sa promesse. Une autre chose à mettre dans la colonne des "Il a dit ce qu'il ferait; il a fait ce qu'il a dit".

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