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Legault replonge la CAQ dans le débat constitutionnel

Au lieu de parler des «deux vieux partis», on en comptera maintenant trois.
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La Coalition avenir Québec (CAQ) tiendra son prochain conseil général les 7 et 8 novembre à Laval. On pourrait croire que le contexte est bon pour la CAQ. Les Québécois ont fait tomber le Bloc québécois sous la barre des 20% à l'élection fédérale du 19 octobre dernier. La semaine dernière, deux gros canons ont quitté les navires, Gllles Duceppe du Bloc et Stéphane Bédard du Parti québécois.

Vendredi prochain sera le 20e anniversaire du référendum de 1995, comme nous le rappelleront cette semaine les médias par leurs nombreux reportages et malgré l'agonie, pour ne pas dire l'acharnement thérapeutique électoral, que font subir les Québécois au mouvement souverainiste et au Parti québécois.

Vous pouvez également écouter ma chronique au FM 93,3 sur le sujet.

C'est donc dans ce contexte que le chef de la Coalition avenir Québec publiait une lettre de 7 pages intitulée Leçons des élections fédérales: Traçons la voie de l'avenir pour les nationalistes.

«Le refus de l'indépendance est sans appel», nous Legault. «Une nouvelle ère s'ouvre en politique fédérale et le Bloc n'en fait pas partie. Des problèmes importants sont mis de côté au profit de division stérile basée sur une position constitutionnelle.»

Criant de vérité. Mais là, que nous suggère Legault? Que la Coalition avenir Québec s'engage de plain-pied dans le débat sur la question nationale!

Pariant que les Québécois seront plus à l'écoute d'une option qui ne rompt pas avec le Canada, Legault se propose de reprendre le bâton du pèlerin de ce qu'il appelle le «nationalisme» (25 mentions du mot «nationaliste» dans le texte...) et de proposer une nouvelle entente Québec-Canada qui, au passage, portera sur les «sensibilités nationalistes» des Québécois telles la langue, l'identité et l'immigration. Le livrable du prochain conseil général de la CAQ? Sa nouvelle proposition constitutionnelle...

Les problèmes avec l'approche de Legault

Legault choisit de courtiser les péquistes

Tout l'argumentaire de François Legault repose, à mon avis, sur une fausseté: d'abord, qu'il existe un vote «nationaliste» et que ce vote est divisé entre le Parti québécois et la Coalition avenir Québec. Pour éventuellement arriver à battre le Parti libéral du Québec (qu'on présume être le parti des «non-nationalistes»), «il faut regrouper ces forces nationalistes», nous dit-il.

Ce faisant, Legault parle aux péquistes et fait le choix de courtiser les comtés du 450 davantage que ceux de la grande région de Québec, là où se trouvaient jadis les électeurs aux allégeances anciennement adéquistes. Toujours dans le paradigme et une logique fédéralistes vs souverainistes, on peut présumer que la CAQ mise sur les désillusionnés du Parti québécois qui, il l'espère, rejoindront son parti.

Seulement voilà, si on s'éloigne de la logique héritée des vieux partis, le problème avec une telle approche est que les gens qui votent CAQ sont bien plus proches du PLQ que du PQ. À l'élection de 2014, un sondage Léger (p. 9) démontrait que 43% des caquistes avaient comme deuxième choix le PLQ. Seulement 17% d'entre eux identifiaient le PQ comme leur deuxième choix.

Quant aux péquistes, seulement 16% d'entre eux auraient désigné la CAQ comme leur deuxième choix, lui préférant Québec solidaire, et de loin (à 40%!)

À moins que les électeurs de la CAQ aient beaucoup changé, ceux-ci seraient davantage fédéralistes, plus réformateurs et donc de plus en plus indifférents aux discours soi-disant «nationalistes». Chercher à élargir sa base en courtisant les péquistes sur une base d'intérêts historiquement associés au PQ? C'est certes le choix qu'un chef fondateur peut se permettre. Mais est-il vraiment celui de ses militants? Observe-t-on ici un chef en phase avec ses électeurs? Ou est-ce que Dominique Anglade, elle-même ex-présidente de la CAQ, ne disait pas vrai lorsqu'elle affirmait que «l'aile libérale a tranquillement disparu» du parti.

L'axe identitaire n'est pas le déterminant principal du vote

Un constat qu'aurait dû faire le chef de la CAQ est que les enjeux identitaires (langue, immigration, niqab, etc.) ne sont plus déterminants dans le vote des Québécois. Je prétendrais même que si la CAQ veut se donner des chances d'élargir son électorat, elle doit se proposer comme une alternative au PLQ plutôt que de se proposer comme un remplacement du Parti québécois (même si dans les faits, c'est peut-être ce qui arrivera). Prisonnier de la logique des camps constitutionnels, il semble que Legault en soit incapable et opte donc pour replonger la CAQ dans un débat au dernier rang des priorités des Québécois.

Quant à la polarisation, elle existe bien sûr, mais davantage dans les médias toujours friands de discours nationalistes; certainement pas dans la boîte de scrutin de l'électeur. Ainsi, est-il vraiment sage de se définir comme parti en fonction de ce qui plaît aux médias plutôt qu'aux électeurs?

Conclusion

Au final, la pertinence de la CAQ, à mon avis, n'est pas de revêtir les habits d'un Parti québécois en décrépitude mais bien, au contraire, d'être plus libéral que les libéraux du PLQ.

Si un troisième parti peut se rendre utile à l'Assemblée nationale, il le sera en talonnant le Parti libéral pour que se résolvent les problèmes qui préoccupent véritablement les gens. En effet, à voir aller les choses du côté gouvernemental, peut-on raisonnablement s'attendre à ce que d'ici 2018, on aura vu des résultats tangibles des réformes de structures en santé? Des nouvelles ententes-cadres avec les municipalités? Du Plan nord? Des résultats scolaires dans nos écoles publiques?

Oh, on ira à Paris. On réfléchira à une stratégie numérique québécoise... On se penchera dans un ixième forum libéral sur le revenu minimum garanti et le salaire minimum (priorité?) On aura également peut-être réussi à signer ou à imposer une nouvelle convention collective aux employés du secteur public. Atteindrons-nous l'équilibre budgétaire en cours d'exercice et, si oui, saurons-nous le maintenir? Ou serons-nous en mode d'austérité perpétuel parce qu'on n'aura pas su, encore une fois, remettre en question le fameux modèle québécois parce qu'on n'aura pas su innover?

Sérieusement, si un troisième parti voulait se rendre utile, je prétends que François Legault est peut-être encore trop dans une logique péquiste pour voir les réelles opportunités qui s'offrent à son parti en terme d'élargissement de son électorat. Choisir de replonger son parti et les Québécois dans le sempiternel débat constitutionnel ne fera qu'une chose: au lieu de parler des «deux vieux partis», on en comptera maintenant trois.

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