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L’origine du mal-être dans notre riche société

Les années se succèdent, les frontières s'estompent entre le Québec et le monde, la technologie poursuit son ascension, mais le paradis terrestre se fait toujours attendre.
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Les plus âgés d'entre nous qui sont encore en mesure de puiser dans leurs mémoires peuvent témoigner du changement radical dont fût frappé le Québec depuis la Révolution tranquille (initiée au tournant des années 1960).

D'une société bercée par l'espoir lointain d'un Eden post-mortem et de la sévère rectitude catholique romaine, elle s'est lentement transformée en une communauté qui pouvait aspirer à un bonheur imminent et à une large liberté propulsée par le capitalisme libéral.

Malgré le frein posé par la marginalisation des Canadiens-français, d'abord, par les Canadiens-anglais et, ensuite, par les États-Uniens, une première génération pouvait espérer, avec raison, vivre significativement mieux que ceux et celles qui les avaient légués au monde.

Le paradis immatériel du petit Jésus pouvait initier son agonisante évaporation, les esprits commençaient à s'enticher des promesses de l'immédiat offertes par l'expansion de la révolution industrielle. La technologie devenait le nouveau sauveur. Après tout, c'est la seule qui arrive véritablement à transformer l'eau en vin!

La technologie provoqua un vent de «possibles», dont il était difficile de se détourner. Qui ne désire pas rester captif d'une si douce caresse? L'humain pouvant devenir l'artisan de la fin des misères de sa propre espèce, nul besoin de continuer à prier la venue d'un être qui semblait peu sensible à nos problèmes. Le glas de l'extinction de la faim, de la pauvreté, de la maladie sonnait dans les cœurs d'un écho qui résonne avec enthousiasme encore à ce jour.

Le nouveau tyran

Rapidement, il fut possible de vivre les bienfaits de cette nouvelle orientation. La réalité de nos prédécesseurs perdit en rudesse. Une grande partie de la population tira profit des avancées scientifiques largement financées par les succès commerciaux. L'alimentation, la salubrité, le traitement des maladies, les transports, tout devenait plus efficace, plus rapide, plus productif.

On se dirigeait vers le futur les mains pleines, mais l'âme vide.

Par la suite, la lourdeur de l'absence matérielle du quotidien cédait du terrain à l'abondance et à l'opulence. On ne rêvait plus de manger à sa faim, on rêvait de piscine, de voiture sport, de beau, de luxe. Rien d'étonnant, la technologie nous avait soulagés de tellement de maux, elle ne pouvait arrêter alors qu'elle commençait à nous émanciper de notre fardeau d'être vivant.

Les années se succédèrent, les frontières s'estompèrent entre le Québec et le reste du monde, la technologie poursuivit son ascension, mais le paradis terrestre se faisait toujours attendre. On se dirigeait vers le futur les mains pleines, mais l'âme vide. Lentement, les inégalités entre les hommes retrouvèrent leurs positions de l'avant Première Guerre, alors même que la monarchie maintenait sous son joug un nombre inquiétant d'États. L'espoir de traverser une expérience de vie plus heureuse et enrichissante que celle de ses parents est, aujourd'hui, solidement ébranlé.

Près de 60 ans plus tard, le mal-être est palpable partout dans notre société. La détresse matérielle est encore existante chez les plus pauvres (une strate qui ne cesse de s'élargir) et de nouveaux maux bousculent toujours plus violemment la qualité de vie de tous. L'anxiété, la dépression, les dépendances, le suicide. Le mal-être est devenu le nouveau tyran des sociétés riches comme la nôtre. Malgré le confort matériel, le bonheur ne s'est pas invité de façon permanente parmi nous.

Peu de temps avant le tournant majeur de la Révolution tranquille, Abraham Maslow publiant «A Theory of Human Motivation» dans Psychological Review en 1943. Le cœur de cette publication fait partie du savoir populaire. Il s'agit de la pyramide des besoins humains.

Bien que plusieurs chercheurs aient repensé la théorie de Maslow, elle reste, encore maintenant, l'un des paradigmes principaux expliquant ce qui pousse les humains à la poursuite du bonheur, à l'action. Cette théorie est une approche générale de la motivation. Elle tente donc de comprendre les motivations humaines globales sans s'intéresser à l'influence de la biologie, de la culture ou des situations précises. Pour les exigences de l'exposé, je vais faire un bref rappel des idées de Maslow.

Les besoins, selon Marslow

L'humain entretient cinq catégories de besoins différents. Ces besoins sont hiérarchiques, c'est-à-dire qu'on doit commencer par répondre aux besoins primaires avant de pouvoir investir des ressources sur d'autres besoins. Cependant, ils ne doivent pas être entièrement satisfaits, afin que les besoins suivants se fassent ressentir, mais ceux qui se rapprochent de la base doivent être remplis en partie pour que ceux qui occupent le haut deviennent importants. Les besoins se font donc ressentir simultanément avec des degrés d'importance différents et non à tour de rôle.

Les besoins humains situés à la base de la pyramide sont extrêmement liés à la technologie, alors que ceux plus hauts reposent sur l'intelligence émotionnelle.

L'humain doit d'abord répondre à des besoins physiques afin de rester en vie: s'hydrater, s'alimenter, dormir, conserver une certaine température, évacuer, etc. Ce premier palier comprend aussi les besoins sexuels qui sont orientés vers la reproduction de la vie.

Viennent ensuite les besoins secondaires de sécurité qui visent à assurer un environnement stable et confortable dans le temps. Le but est donc d'éliminer les dangers immédiats et futurs contre sa personne. Il faut aussi ajouter que ce type de besoin pousse les gens à adopter une vision du monde rassurante qui leur permet de ne pas vivre dans l'inconnu.

Le troisième palier est celui des besoins émotionnels. La présence nécessaire du sentiment d'appartenance, d'affection, d'amour dans la vie vient définir ce palier.

Le quatrième palier est lié à l'estime. Ces besoins de reconnaissance, comme un membre de valeur de la communauté, sont intrinsèques et extrinsèques. La reconnaissance doit autant venir de soi que de ses pairs. Le dernier palier est celui de l'accomplissement de soi. Ici, le but est de remplir un rôle qui colle parfaitement avec nos orientations et nos idéaux afin de s'épanouir pleinement.

Ce qui est limpide à la suite de cette lecture (qui date de 75 ans), c'est que les besoins humains situés à la base de la pyramide sont extrêmement liés à la technologie alors que ceux plus hauts reposent sur l'intelligence émotionnelle, la connaissance de soi, des autres et la sagesse.

Il est donc évident que les sociétés pauvres et désorganisées ont un besoin criant de technologie. Mais, plus l'on gravite vers le haut et moins elle a d'impact. Plus les sociétés ont résolu les besoins matériels de leurs membres et moins la production devient importante pour l'ensemble. Pourtant, on s'entête à voir la réussite des États par la production intérieure brute (PIB, donnée économique sacrée).

Dans notre logique existentielle actuelle, on utilise l'expérience des premiers résultats du progrès matériel en l'appliquant hors contexte. Ainsi, les besoins émotionnels peuvent être comblés en gagnant de l'argent, les besoins de reconnaissances biffés en gagnant beaucoup d'argent et le besoin d'accomplissement, lui, se conquirent en devenant riche.

La culture matérielle que l'on chérit tant ne peut guère nous offrir plus que ce qu'elle a déjà donné. Elle peut encore rendre nos vies plus confortables, mais elle ne pourra jamais remplir des besoins émotionnels, sociaux ou spirituels. Elle ne pourra jamais nous rendre plus heureux.

Et, tant que la société prétendra que le bonheur n'est qu'une histoire de travail acharné, de salaire et bâtira ses structures sur cette maxime, il nous sera impossible de devenir de meilleures personnes, un groupe plus harmonieux, une communauté qui aura sût vaincre son mal-être!!..

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