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Cinq angles d'action pour l'aide aux États fragiles

Notre travail consiste à cerner les facteurs à l'origine des conflits, à mettre en œuvre de manière rapide et souple des actions prioritaires, à obtenir rapidement des résultats tangibles, à créer des emplois et à contribuer à une action coordonnée de tous les acteurs du développement. Il y a moyen de sortir les États fragiles de leur situation précaire. Ils ne sont pas à considérer comme des cas désespérés. Le travail qui nous attend est considérable, mais le passé nous a appris comment procéder pour être efficaces. À nous maintenant de redoubler d'efforts et de venir en aide à ces pays.
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Helen (2nd L) and Diana Tutyanabo (L) with with their mother (R) and another unidentified relative pose at their home in the Kataanga slum of the Ugandan capital Kampala on December 4, 2012. Helen, 23, along with her younger sister Diana, 20, living in a trash ridden slum area, are two young women who stand out amongst their neighbours as they both are professional boxers, literally trying to fight their way out of poverty. After a man tried to rape Helen, the older of the two sisters, it inspired her to learn how to fight inorder defend herself, and despite recently winning a medal in an East African Regional Championship, Helen and Diana still have to collect garbage to sell to get money for food for themselves and nearly 20 other people, cramped into two rooms with no water or electricity. AFP PHOTO/Michele Sibiloni. (Photo credit should read MICHELE SIBILONI/AFP/Getty Images)
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Helen (2nd L) and Diana Tutyanabo (L) with with their mother (R) and another unidentified relative pose at their home in the Kataanga slum of the Ugandan capital Kampala on December 4, 2012. Helen, 23, along with her younger sister Diana, 20, living in a trash ridden slum area, are two young women who stand out amongst their neighbours as they both are professional boxers, literally trying to fight their way out of poverty. After a man tried to rape Helen, the older of the two sisters, it inspired her to learn how to fight inorder defend herself, and despite recently winning a medal in an East African Regional Championship, Helen and Diana still have to collect garbage to sell to get money for food for themselves and nearly 20 other people, cramped into two rooms with no water or electricity. AFP PHOTO/Michele Sibiloni. (Photo credit should read MICHELE SIBILONI/AFP/Getty Images)

Pour les pays, la ligne qui sépare une situation de stabilité et de fragilité peut être ténue. Le cas du Mali le montre bien aujourd'hui.

Il n'y a pas si longtemps, le Mali était cité comme une des démocraties les plus stables d'Afrique de l'Ouest. Après avoir rompu il y a une vingtaine d'années avec les régimes militaires et connu depuis un cycle ininterrompu d'élections démocratiques, il s'était taillé une réputation qui le classait parmi les réussites du développement.

Mais un coup d'État, en mars de l'année dernière, l'a fait basculer dans la crise alors même qu'il s'apprêtait à tenir de nouvelles élections.

Il n'est pas facile de rebâtir un pays qui a connu les affres d'un conflit, et les États fragiles ou touchés par un conflit que le monde compte, de l'Afrique au Pacifique, sont autant de défis redoutables pour le développement. On s'attend à ce que 10 % seulement des États fragiles aujourd'hui parviennent à réduire de moitié la pauvreté et la faim d'ici 2015, date limite fixée pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.

L'enjeu est de taille : plus de 1,5 milliard d'êtres humains, soit une personne sur quatre, vivent actuellement dans des États fragiles ou touchés par un conflit, ou qui connaissent des niveaux considérables de criminalité et de violence.

Et selon les estimations actuelles, la moitié de ceux qui subsistent aujourd'hui avec moins de 1,25 dollar par jour vivront dans des États fragiles en 2015. Il est clair qu'on ne parviendra pas à atteindre nos objectifs tendant à éliminer la pauvreté et stimuler la prospérité sans accroître considérablement notre effort dans ces pays.

Nous devons tous revoir totalement notre angle d'approche à l'égard des États fragiles ou touchés par un conflit. Tel est le message qui se dégage de nos propres travaux de recherche, mais qui ressort aussi des appels à une "nouvelle donne" lancés par le g7+, coalition d'un nouveau type mise en place par un groupe d'États fragiles des régions Afrique, Asie et Pacifique.

Qu'est-ce que cela implique donc?

Premièrement, cela implique que l'on comprenne les facteurs à l'origine des situations de conflit et de fragilisation des États. Est-on en présence de rapports de force pour le contrôle de richesses minérales ou de ressources naturelles en déclin, de problèmes d'abus de pouvoir de l'État, ou de facteurs touchant à la diversité des ethnies d'un pays ?

Chaque situation est unique, et on doit dans chaque cas procéder par déduction, en reprenant les méthodes éprouvées et les leçons de l'expérience des uns et des autres. Le Centre mondial sur les conflits, la sécurité et le développement que nous avons mis en place, avec ses bureaux à Nairobi et Washington, se donne ainsi de renforcer les liens de collaboration avec les institutions des Nations Unies et autres organismes, et de rassembler tous ceux qui agissent au niveau des États fragiles dans le monde entier.

Deuxièmement, il s'agit d'intervenir plus à temps, et d'une manière à la fois plus rapide et plus souple, lorsqu'on vient en aide aux États fragiles ou touchés par un conflit. Plus que jamais conscient de l'urgence de la tâche, le Groupe de la Banque mondiale a entrepris de mobiliser pour cela aussi bien l'Association internationale de développement, son fonds destiné aux pays les plus pauvres, que l'IFC, sa filiale consacrée au secteur privé, et la MIGA, son organe spécialisé dans l'assurance contre les risques politiques. La Banque a par ailleurs entrepris de réévaluer sa tolérance au risque et de renforcer son degré de flexibilité. Nous nous devons de primer la rapidité d'intervention, et de réduire les lourdeurs administratives. Nous voulons faire en sorte que les pays reçoivent de nous un appui de qualité optimale.

Dans le cas du Mali, nous avons déjà en préparation de nouveaux projets pour aider à rétablir les services de santé, d'éducation et de protection sociale à l'intention des populations pauvres et vulnérables du nord du pays, à mesure que les opérations militaires y prennent fin. Le personnel de la Banque en place dans la région du Sahel a en outre en préparation une stratégie de portée régionale qui doit servir de guide aux mesures primordiales qui seront prises en réponse aux besoins du Mali à court et à plus long terme.

Troisièmement, il s'agit de produire rapidement des résultats probants. Notre action doit bien entendu se situer dans une optique à long terme, mais la prise de mesures à effet rapide peut contribuer à gagner la confiance des populations dans le processus de rétablissement des institutions.

Quatrièmement, il s'agit de promouvoir toujours plus d'emplois, pour aider à mettre fin au cycle incessant de la pauvreté et de la violence. En Côte d'Ivoire, d'anciens combattants m'ont dit combien ils apprécient la possibilité de recevoir une formation professionnelle pour pouvoir tourner le dos à une vie de conflits, mais qu'ils se préoccupent aussi de leurs camarades qui ne sont pas enrôlés dans le programme.

En dernière analyse, la création d'emploi est tributaire de l'existence d'un secteur privé dynamique. Dans le cas du Myanmar, où 70 % de la population n'a pas accès à l'électricité, le Groupe de la Banque travaille au côté du gouvernement sur un programme associant le secteur privé et devant permettre une production supplémentaire de 120 mégawatts, de quoi alimenter en électricité 5 millions de personnes de plus. Les petites et moyennes entreprises ont en outre besoin d'avoir accès au crédit pour créer des emplois.

Cinquièmement et enfin, il s'agit d'enclencher un processus d'aide au développement qui opère de manière coordonnée plutôt que dispersée. J'ai moi-même vu comment les efforts bien intentionnés, mais fragmentés des donateurs peuvent submerger les capacités d'un pays qui émerge à peine des ruines d'un conflit. Nous devons également renforcer le processus de collaboration au sein même des pays, pour aider à enclencher des mouvements solidaires en faveur du changement, et veiller à ce que les femmes figurent au premier rang.

Autant de défis qui donnent à réfléchir, mais je n'en suis pas moins optimiste. On sait qu'il n'y a pas de solution toute faite. Notre travail consiste à cerner les facteurs à l'origine des conflits, à mettre en œuvre de manière rapide et souple des actions prioritaires, à obtenir rapidement des résultats tangibles, à créer des emplois et à contribuer à une action coordonnée de tous les acteurs du développement. Il y a moyen de sortir les États fragiles de leur situation précaire. Ils ne sont pas à considérer comme des cas désespérés. Le travail qui nous attend est considérable, mais le passé nous a appris comment procéder pour être efficaces. À nous maintenant de redoubler d'efforts et de venir en aide à ces pays.

Pour suivre Jim Yong Kim sur Twitter: www.twitter.com/banquemondiale

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