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Les cellules souches dans les cosmétiques: qu'en penser?

L'utilisation de cellules souches dans les cosmétiques représente la première apparition des cellules souches dans la vie de tous les jours. C'est ici, dans le domaine des cosmétiques, que réside le premier marché de masse des cellules souches.
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SANTÉ - L'utilisation de cellules souches dans les cosmétiques représente la première apparition des cellules souches dans la vie de tous les jours. C'est ici, dans le domaine des cosmétiques, que réside le premier marché de masse des cellules souches.

Cette technologie s'est discrètement introduite dans nos quotidiens à l'heure où les promesses anti-âges vendues dans ces produits nous masquent des débats plus profonds que leur aspect superficiel apparent.

Mais les événements récents nous obligent à aborder la question: que penser des cellules souches dans les cosmétiques?

Ferris Jabr a récemment publié un article dans le journal Scientific American In the Flesh: The Embedded Dangers of Untested Stem Cell Cosmetics relatant l'histoire d'une sexagénaire de Los Angeles qui avait reçu des injections de cellules souches dans le visage, particulièrement autour des yeux. Trois mois plus tard, elle dut se présenter à nouveau devant un chirurgien cosmétique parce qu'elle ne pouvait plus ouvrir son œil droit: chaque tentative lui causait une douleur considérable, suivie d'un claquement étrange.

Dr. Wu, chirurgien à The Morrow Institute a immédiatement remarqué que quelque chose n'allait pas devant une paupière gonflée et un contour de l'œil affaissé. Apres six heures et demie de chirurgie, son équipe et lui ont retiré de petits fragments d'os de la paupière et du tissu qui entourait l'œil. Les claquements étaient provoqués par des os frottant l'un contre l'autre.

Lorsque cette femme avait opté pour une procédure cosmétique utilisant des cellules souches, celles-ci étaient censées rajeunir son visage, en régénérant les cellules de la peau aussi bien qu'en réparant les cellules endommagées. La procédure consistait à isoler des cellules souches adultes de gras abdominal extrait par liposuccion.

Les cellules souches adultes prélevées étaient des cellules souches mésenchymes, ayant le potentiel de se transformer en os, cartilage, gras ou autres tissus. Mais le fait que l'on ne puisse pas être absolument sûr de leur devenir pointe l'imprédictibilité de ces procédures. Dans le cas de cette femme, plutôt que de se différencier en cellules de peau, elles ont provoqué la régénération des os autour de l'œil. Paul Knoepfler, biologiste cellulaire à l'Université de Californie, nous averti:

"Ce ne sont pas des traitements typiques. Vous pouvez arrêter de prendre une pilule et les substances chimiques s'en vont. Mais si vous recevez des cellules souches, il est fort probable que vous en conserverez une part ou au moins leur effets pour le reste de votre vie. Et on ne peut simplement pas savoir tout ce qu'elles vont faire".

Ceci pourrait paraître un cas extrême d'utilisation de cellules souches dans les cosmétiques qu'on imaginerait tout droit surgi d'un cliché d'Hollywood, bien éloigné des préoccupations des femmes françaises. Pourtant, la France est un pays en tête dans la recherche cosmétique à base de cellules souches.

LVMH, qui possède des marques telles que Christian Dior, Guerlain, Givenchy, Fresh, Make Up For Ever, Benefit, Kenzo, etc... tient une division de recherche dont l'un des principaux objectifs est de lutter contre le vieillissement des cellules de la peau grâce aux propriétés des cellules souches. Dans un entretien donné au Journal des Grandes Ecoles LVMH Recherche: au service de la beauté, le président et directeur de LVMH Recherche explique que:

Le groupe "invite chaque année nos fournisseurs et sous-traitants à un symposium international pour réfléchir ensemble sur des pistes en résonance avec nos propres programmes de recherche comme la réjuvénation cutanée (technologies pour régénérer la peau), les cellules souches, la longévité. La peau est notre principale source d'inspiration et le champ d'investigation est large".

En 2007, au 7e symposium à Paris "Les cellules souches et la peau: présent & futur", le Dr. Laure Coulombel présentait un travail "Thérapie cellulaire: quel futur pour les cellules souches adultes?" expliquant que:

"Tous les tissus endommagés par l'âge [...] pourraient êtres réparés une fois que l'on aura bien compris le fonctionnement et le microenvironnement des cellules souches".

Le Dr. Jay Sharma y tenait par ailleurs un discours "Cellules épithéliales amniotiques humaines, une alternative aux cellules souches embryonnaires", décrivant comment les cellules souches provenant de fluide amniotique pourraient aider à régénérer les cellules de la peau. Il constatait:

"Les cellules souches amniotiques humaines (HAMSCs), obtenues après un accouchement à terme chez des mères consentantes, présentent les mêmes marqueurs de surface que les cellules souches embryonnaires et les cellules germinales".

Les HAMSCs sont les travailleurs "miraculeux" du "Frozen in Time Stem Cell Facial" effectué au Nabi Medepa Spa à New York. Andrea Thompson décrit cette procédure dans un article A Barbaric Kind of Beautypublié dans The Daily Mail.

Celle-ci implique une exfoliation et de la vapeur, le visage est alors couvert d'une application hydratante composée de cellules récoltées dans le fluide embryonnaires de vaches enceintes. Cette technique, originaire de France est la promesse d'une "domination biologique sur l'âge".

Un autre institut de beauté au Texas, Austin Aestetics, utilise ce savoir-faire français en important des cellules souches issues d'un troupeau de bovins élevés en France sous des conditions strictement contrôlées. Dans un article Adult Stem Cell Banks and Clinics Marketing Stem Cell Procedures in Texaspublié dans le blog Health in the Global Village, Leigh Turner explique cette technique, en citant un porte-parole de l'institut:

"Les extractions de fluide amniotique sont soigneusement calculées afin d'atteindre le maximum de cellules souches, qui ne sont pas encore devenues spécifiques à la composition génétique bovine mais contiennent l'information ADN capable de se convertir à la composition génétique humaine, particulièrement celle de la peau humaine. La science sait déjà que les organes cultivés des animaux, telles que les valves de cœurs des cochons, ont marqué l'histoire médicale et fait des miracles en coexistant avec le corps humain une fois implantés. Cette compatibilité s'applique aussi à la peau humaine".

La question que l'on doit se poser est la suivante: jusqu'où aller dans notre quête du beau éternel? Quelles technologies explorerons-nous à la recherche de l'infini dans la peau?

Ce désir pour des soins capables d'arrêter le temps est ancien. Charles Baudelaire l'exprimait déjà dans son Éloge du Maquillage:

"La femme est bien dans son droit, et même elle accomplit une espèce de devoir en s'appliquant à paraître magique et surnaturelle. Il faut qu'elle étonne, qu'elle charme... Elle doit donc emprunter à tous les arts les moyens de s'élever au-dessus de la nature pour mieux subjuguer les cœurs et frapper les esprits".

Baudelaire parle du besoin de surpasser la nature et dresse l'éloge du eyeliner, en décrivant "ce cadre noir rend le regard plus profond et plus singulier, donne à l'œil apparence plus décidée de fenêtre ouverte sur l'infini". Que penserait-il aujourd'hui d'un maquillage non seulement capable de faire illusion en masquant la peau mais pouvant en changer la composition même?

Le Figaro Madame a récemment publié un article de Marion Louis On n'arrête pas le progrès qui se lit comme une apologie moderne des cosmétiques à base de cellules souches, commençant par ce résumé enthousiaste:

"Technologies issues des cellules souches, explorations génétiques, maquillages 100% high-tech... Ça bouge dans les labos, ça bouillonne dans les éprouvettes! Jamais nos chercheurs n'ont travaillé aussi vite pour nous rajeunir, nous amincir, nous embellir. Le point sur les dernières révolutions cosméto et celles à venir".

Et citant Steve Jobs: "La meilleure façon de prédire le futur, c'est de le créer", elle s'exclame "Voici comment débute le nouveau chapitre de la lutte anti-âge".

Ce n'est que le début, nous devons donc sérieusement penser au futur que nous souhaitons créer. En octobre 2012, le Figaro publiait un article de Pauline Fréour Des ovocytes crées a partir de cellules de la peau qui expliquait comment des chercheurs japonais ont reprogrammé des cellules de peau en les transformant en cellules souches pluripotentes induites (IPS) pour créer des ovocytes.

Le Professeur Samir Hamamah, chef du service de La Biologie de la Reproduction au CHU de Montpellier, dit à propos de cette technique:

"Compte tenu de la rareté des dons d'ovocytes, c'est un enjeu de taille pour les couples infertiles".

Ici, les recherches sur les cellules souches de peau vont déjà plus loin qu'une application dans les cosmétiques. Que nous réserve l'avenir?

En décembre 2012, le Sénat adoptait une proposition de loi autorisant la recherche sur l'embryon et les cellules souches. On attend actuellement le vote de l'Assemblée Nationale.

The Atlantic prédit que 2013 sera l'année de la cellule souche. C'est cette année qu'il nous faut réfléchir au point jusqu'auquel nous voulons introduire les cellules souches dans nos vies.

Les cosmétiques qui paraissent futiles au premier regard ont beaucoup à nous dire à propos des avancées dans la recherche sur les cellules souches. Baudelaire déclarait:

"Analysez tout ce qui est naturel, toutes les actions et les désirs du pur homme naturel, vous ne trouverez rien que d'affreux. Tout ce qui est beau et noble est le résultat de la raison et du calcul".

Si cela est juste et que nous souhaitons étendre son éloge du maquillage aux cosmétiques à base de cellules souches, il nous faudra assurer nos calculs afin de recréer cette fois l'infini dans la peau, et non pas dans les os.

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