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J'étais "l'autre femme"

Les hommes ne trompent pas qu'en raison d'une impulsion sexuelle ou pour faire du mal à leur partenaire, mais parce que quelque chose leur manque - une sorte d'attention - dans leur relation.
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a man have love affair with...
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On ne décide pas de devenir une femme adultère, du moins ce n'était pas mon cas. Et ce mot, "adultère" semble droit sorti d'un livre d'Hawthorn. Et pourtant, après la démission de la CIA de David Petraeus avant-hier, je me suis demandé si cela n'avait pas à voir avec Esther et ses persécuteurs puritains. Faisant allusion à une relation extraconjugale - avec une femme qui a été identifiée comme étant Paula Broadwell, la biographe du général pluri-décoré à la retraite - David Petraeus a déclaré dans une lettre au Président Obama que "un tel comportement était inacceptable, autant de la part d'un mari que d'un chef d'une organisation comme la nôtre." Sans doute, on espèrerait que notre gouvernement donne l'exemple d'une moralité sans faille, et d'une éthique d'honnêteté et de loyauté, et oui, j'ai défendu l'idée que la vie personnelle est politique, mais je suis aussi inquiète de la régression culturelle d'une démocratie qui juge les aptitudes professionnelles d'un homme (ou d'une femme) par ce qu'il ou elle fait à huis clos, dans l'intimité de sa chambre.

D'un autre côté, ayant mis moi-même un terme à une récente relation extraconjugale en raison de la honte que je ressentais, je suis en complète empathie avec la confession forcée de l'ancien général de ce "mauvais" comportement, qui plus est de façon si publique, comme je m'apprête à le faire moi-même.

Tout a commencé par un verre innocent. J'avais rendez-vous avec H. pour raisons professionnelles, car nous travaillons tous les deux pour les médias. Oui, je savais qu'il était marié. Et oui, je savais qu'il avait un enfant. Mais peu de temps après, je me suis retrouvée avec H. à une fête privée dans le Meatpacking District, aux côtés d'amateurs d'art et de mannequins. Pour un certain cercle à D.C., le pouvoir et l'influence se mesurent selon votre proximité avec la Maison-Blanche. Pour un certain cercle à Manhattan, le pouvoir et l'influence se mesurent selon votre proximité avec les people.

Et pour beaucoup de femmes qui ont endossé le rôle de "l'autre femme", bien qu'une relation monogame à la lumière du jour ne soit pas possible, il y a quand même certains avantages. Je ne suis cependant pas si naïve. J'avais pleinement conscience de ce qui m'était proposé et je n'ai ressenti aucune surprise quand H. m'a poussée sur le côté pour m'embrasser passionnément. Un million de pensées m'ont traversé l'esprit : mon père avait trompé ma mère : les gens naissent-ils infidèles ? Non. Cela n'a aucun sens. Mon ex m'avait trompé - était-ce ma façon de me venger, de reprendre la position de celle qui est désirée ? Est-ce que je me prostituais à cet homme marié pour ce qu'il pouvait m'offrir ? Mais je ne voulais pas réfléchir, je voulais juste l'embrasser. Et plus tard cette nuit-là, H. et moi sommes allés encore plus loin.

Au matin, je me suis réveillée en pensant que cela n'avait peut-être été qu'un rêve. Mais j'avais reçu des sms de H. "Est-ce que tu es bien rentrée chez toi ? Quelle merveilleuse nuit avons-nous passé ! Es-tu libre pour me revoir aujourd'hui ?" J'étais choquée. Aucun homme avec qui je sors habituellement n'est aussi démonstratif ; à New York, sortir avec quelqu'un est un jeu, une danse, et chacun garde ses sentiments pour lui. Ce qui m'a frappé ensuite, c'est que les règles de séduction d'une liaison sont différentes. Et je dois avouer qu'elles m'ont bien plu. Durant les semaines suivantes, H. et moi nous sommes retrouvés, parfois pour un déjeuner, juste pour parler. Il parlait et j'écoutais. Il me remerciait ensuite, comme si j'avais fait quelque chose d'extraordinaire. Cela m'a alors frappé : les hommes ne trompent pas qu'en raison d'une impulsion sexuelle ou pour faire du mal à leur partenaire, mais parce que quelque chose leur manque - une sorte d'attention - dans leur relation. Je dois aussi avouer que j'ai apprécié le côté détendu de ma relation avec H : j'avais quelqu'un qui me prodiguait de l'attention, m'appelait, me sortait, mais je n'avais aucune obligation de réfléchir à cette relation. Je pouvais me concentrer sur mon travail, mes amis, la vie en dehors de cette relation. Hélas, cette période "lune de miel" n'a pas duré.

Comme je l'ai dit plus haut, je ne suis pas totalement naïve. J'étais tout à fait consciente qu'un jour je deviendrai une maîtresse rejetée. H. ne faisait plus d'efforts pour cacher notre liaison, me flattant ouvertement dans des endroits fréquentés par des amis communs. Mais c'était incohérent. Quand je faisais la même chose, il se mettait très en colère. Puis est arrivée la possessivité : pourquoi est-ce que je parlais à ce type ? Quelle était exactement la nature de ma relation avec celui-là ? Il me disait que je devais lui montrer plus de respect. Bien sûr, je savais que ses crises étaient des symptômes de sa culpabilité, peut-être même une colère envers sa femme qui ressortait sur moi. J'ai accepté ces emportements un moment, me disant qu'en tant que femme adultère, j'avais mérité d'être humiliée, parce que j'étais une "méchante fille".

Une fois, alors que je prenais un verre avec des amis, ces derniers m'ont dit : "Jill, tout le monde sait que tu as une liaison avec H". J'ai quitté le bar et j'ai vomi dans la rue. La honte était tangible à ce point. Seule à la maison, alors que l'aube pointait derrière ma fenêtre, je me suis connectée sur Facebook et j'ai commencé à espionner la femme de H. Sa page était non seulement pleine de photos de son mari, l'homme que je lui avais volé pour quelques heures par-ci, par-là, mais de leur enfant. J'ai éclaté en sanglots. Qu'est-ce que j'étais en train de faire ? Je déchirais sa famille. J'ai appelé une amie mariée et je lui ai demandé de venir déjeuner avec moi pour enfin avouer toute l'histoire. Je me suis excusée auprès d'elle, comme si elle était le symbole du mariage : "un tel comportement est inacceptable...". Mais elle m'a assurée qu'elle n'était pas fâchée contre moi ; c'était H. qui était le "méchant" de l'histoire, et que si ça n'avait pas été moi, c'en aurait été une autre. Elle n'a cessé de me répéter que je méritais mieux. Je méritais un vrai homme, une véritable relation, pas une liaison clandestine qui me rendait parano et effacée.

Mais je ne me suis pas arrêtée. Toute ma vie, j'avais suivi les règles du jeu, j'avais été la "bonne fille" à l'école, à la maison, au travail, et même dans mes relations. Cette nouvelle personne que j'étais, bien qu'elle laisse des traces de culpabilité dans ma psyché, me donnait des sensations fortes pas cher payées. Certains hommes puissants qui trompent doivent ressentir la même chose. David Petreaus était un héros américain ; il a travaillé avec l'opposition, obtenant autant de louanges de la part des démocrates que des républicains. Est-ce que la pression était trop forte à supporter ? Je ne peux pas parler à sa place ; je peux seulement le faire en mon nom, et dire à quel point il est parfois bon d'agir "mal". C'est alors qu'est survenu le dernier acte.

Une nuit, H. m'a fait venir dans son appartement. Je l'ai vue : la maison qu'il partageait avec sa femme et son enfant. J'ai demandé au conducteur du taxi de s'arrêter sur le bas-côté. J'ai encore vomi dans la rue. J'ai encore pensé que les gens qui avaient des liaisons étaient égoïstes. Mais le principe de plaisir qui s'était emparé de moi lors de ma première nuit avec H. avait été vaincu depuis longtemps et je ne ressentais plus que de la honte et de la nausée, la nausée devant la tromperie et le fait d'avoir pris ce qui ne m'appartenait pas.

Comme me voilà puritaine de penser en ces termes - je sais que les gens ne se possèdent pas l'un l'autre, ni par les vœux, ni par la loi, ni par autre chose. Mais sans un semblant de possession, comment pouvons-nous nous attendre à vivre dans une société gouvernée par le respect mutuel ? Et je savais que H. lui-même était blessé. Une personne n'a pas de liaison si elle est comblée. De cela, je suis certaine.

Peut-être que la démission de David Peteaus était une manœuvre politique, une défense préventive avant d'être surpris le pantalon sur les chevilles. Peut-être qu'il a voulu épargner à sa femme et ses enfants cette humiliation. Ou peut-être qu'il avait sincèrement honte de lui-même, et qu'il sentait que cette honte l'empêcherait de travailler de son mieux à la CIA. Je ne peux pas parler de ses motivations. Je ne peux parler que des miennes.

J'ai écrit cet article en sachant que j'offenserai certaines personnes ; je risque ma réputation et je prête le flanc aux jugements. Mais je suis aussi reconnaissante d'avoir cette opportunité de m'excuser de faire du mal aux autres et à moi-même.

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