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Inconduites sexuelles, si on gérait les plaintes autrement?

Comme on se sent soulagé quand un abcès qui nous fait souffrir depuis toujours finit par crever.
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Beaucoup de gens en ont profité du mouvement #MoiAussi pour verbaliser une inconduite sexuelle qu'ils ont subie.

J'adore ça!

Comme on se sent soulagé quand un abcès qui nous fait souffrir depuis toujours finit par crever. Ouf!

Pour une fois, on a nommé le problème de telle façon que les personnes qui l'ont subi se reconnaissent. On parle «d'inconduites sexuelles». Bravo! Parce que dans tellement de cas, si on utilise le mot «agression», la victime ne se reconnaît pas. Parce qu'«agression», ça sonne violent, alors que la majorité des inconduites sexuelles sont commises sans violence autre que l'absence de consentement ou que sa position d'autorité.

Et comme les grossiers personnages utilisent toutes sortes de subterfuges pour invalider la perception de la victime, cette dernière a souvent l'impression d'avoir commis une faute, d'avoir mal perçu les événements et se sent délégitimée dans son désarroi.

Elle a honte, quoi!

Le mouvement actuel, par la voix de Léa Clermont-Dion, a étalé au grand jour un travers de notre société, qui entretient la honte des victimes, en pointant du doigt Lise Payette. En effet, la première ministre de la Condition féminine aurait fait pression sur elle, allant jusqu'à lui faire craindre d'être poursuivie.

La totale quoi!

Sauf que des Lise Payette qui font pression sur les victimes afin qu'elles se taisent, il y en a à la tonne.

On peut bien clouer Lise Payette au pilori. En tant que féministe de la première heure, ça semble spécialement hypocrite de sa part. Sauf que des Lise Payette qui font pression sur les victimes afin qu'elles se taisent, il y en a à la tonne.

On peut également diaboliser Salvail, Rozon, Parent, Apollo, et tous les autres. Ça fait partie de notre culture profonde. Démoniser les étrangers qui commettent des inconduites sexuelles, tout en protégeant un proche abuseur.

Mais il reste encore un tabou que le mouvement #MoiAussi n'a pas réussi à mettre en lumière : l'utilisation du système de justice par certaines personnes comme un levier pour nuire à quelqu'un. Les fausses plaintes, principalement pour agressions sexuelles.

Beaucoup d'hommes craignent d'être victime d'une «Alice Paquet» de ce monde, qui a détruit la carrière de Gerry Sklavounos en alléguant un faux viol qu'il aurait commis contre elle. Cette crainte n'est pas dénuée de fondement...

Il est temps de réaliser que notre système de justice est complètement inapproprié pour les inconduites de nature sexuelle.

Et si on envisageait de changer nos façons de faire?

Et si on se disait qu'on veut agir pour protéger les victimes tout en reconnaissant qu'on ne veut voir aucun innocent faussement accusé? Actuellement, soit tu accuses ton agresseur au criminel, que tu passes des années sur le dossier, qu'on attaque ta crédibilité et qu'on te victimise à nouveau pour qu'au mieux, il ait une tape sur les doigts.

Soit, tu coules l'info à un(e) journaliste et tu espères qu'il (elle) trouve d'autres présumées victimes qui acceptent de parler. Soit, tu dénonces ton présumé agresseur directement sur Facebook... Et ce n'est qu'une question de temps pour qu'il y ait une fausse accusation... Soit, tu fermes ta gueule.

Protéger et servir.

Pourquoi ne favoriserait-on pas une approche différente? Comme signaler à la police sans vouloir procéder au criminel. Et là, je réfère à une expérience personnelle qui, je crois, pourrait être élargie au dossier qui nous intéresse.

Il y a une vingtaine d'années, j'ai eu un copain violent qui avait entre autres menacé de poser une bombe sous ma voiture. J'étais terrorisée chaque fois que je mettais la clé dans le contact...

Il avait été condamné pour m'avoir proféré des menaces et le juge avait ordonné qu'il soit deux ans sans entrer en contact avec moi, même indirectement. Ordonnance qu'il a respectée à la lettre.

Une fois le délai écoulé, il s'amusait à marcher, aller-retour devant la station-service où je travaillais, en me lançant un regard insistant.

À aucun moment, il ne s'est adressé à moi, mais j'étais terrorisée... Surtout quand je travaillais seule le soir...

Je suis allée à la police de Trois-Rivières et je leur ai raconté mon histoire. Les policiers* ont été très gentils avec moi et me sont venus en aide. Pourtant, leur boulot était compliqué puisque l'interdiction de contact n'était plus en vigueur et qu'il n'était pas entré en contact directement avec moi.

Finalement, ils ont déposé une plainte pour harcèlement, sachant très bien qu'aucun procureur n'y donnerait suite. Puis un policier est allé rencontrer le type en lui faisant comprendre que cette fois-ci, il n'y aurait pas de conséquence, mais que si des faits similaires se reproduisaient, il s'exposait à des poursuites puisque le tout était documenté.

Bref, j'ai finalement eu la paix. Plusieurs années plus tard, il était à quelques tables de moi dans un restaurant. Quand on s'est vus, il a détourné le regard, fini son assiette et quitté le restaurant quelques minutes plus tard.

Le problème était réglé. F-i-fi, n-i-ni!

Pourquoi ne pas faire ce genre d'interventions pour des inconduites sexuelles?

Ça implique très peu de frais, puisqu'on ne passe pas par les tribunaux. C'est très efficace puisqu'une personne qui perçoit que son comportement peut avoir de lourdes conséquences risque fort de le modifier.

On ferait exploser la probabilité qu'une victime signale le comportement, puisqu'elle n'aura pas à subir un contre-interrogatoire. Elle n'aura même pas à raconter publiquement ce qu'elle a subi. Elle n'aura pas non plus la crainte qu'un juge déclare son agresseur non coupable. Et disons-le, aucune victime ne veut être seule à dénoncer.

Ça redonne un pouvoir à court terme à la personne qui subit les inconduites.

Ça diminue le risque d'une fausse accusation, puisque le tout est traité sans que ça ne soit rendu public.

Et finalement, les policiers peuvent documenter les inconduites sexuelles, et recontacter les victimes lorsque le type fait d'autres victimes. En cas de récidive, ça devient plus pertinent d'utiliser le système judiciaire, et aussi beaucoup plus facile de faire une preuve au-delà de tout doute raisonnable.

Mais plus que tout, ça permettrait de redonner du pouvoir aux victimes sans augmenter le risque de fausses accusations.

*Si vous vous reconnaissez, je ne vous remercierai jamais assez.

Avril 2018

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