Normalement, je n'aime pas parler de moi, encore moins de mes sentiments. Pourtant je suis loin d'être gêné, je suis même extravertie. J'ai juste des réserves quand le sujet me concerne.
Puis une fille Théo Dupuis-Carbonneau, m'a «tagué» sur un groupe Facebook pour un recueil collectif de poèmes qui se mettait en branle. C'était en réponse aux attentats de Québec. Devant la laideur des événements et l'incompréhension de plusieurs, Elisabeth Massicoli, l'instigatrice du projet, a eu l'idée de rassembler des illustrations et des textes de poésie engagée, au féminin, inclusif et bilingue. Une manière de lutter contre l'intolérance, le racisme, la xénophobie et toutes ces peurs irrationnelles.
Comme je le disais, je n'aime pas parler de moi. J'aime parler aux gens, j'aime parler des gens, mais je n'aime pas parler en mon nom propre ou déblatérer sur ce qui me dérange et les inégalités sociales. Parce que je préfère agir, travailler deux fois plus fort, et non ce n'est pas un mythe, il faut souvent, pas tout le temps, mais souvent travailler deux fois plus fort pour faire tomber cette barrière si mince et à peine perceptible du biais humain quand on est comme moi une femme issue d'une minorité visible. On appelle ce concept la double minorité. J'ai expliqué ça à une amie un jour, toute contente que j'étais de partager ce que j'avais appris dans mes cours universitaires sur le féminisme, et tout heureuse que j'étais de voir qu'elle s'y intéressait.
Donc, travailler et créer, c'est plus mon truc. J'ai tout de suite été interpellé par le projet du recueil. L'urgence de le lancer très rapidement à réveiller en moi le désir d'agir rapidement. Puis j'ai attendu... presque qu'un mois, juste avant la date limite, pour soumettre un texte. Malgré la peur de partager un peu de moi-même ou le doute que mon poème soit même considéré pour faire partie du recueil je ne pouvais pas passer à côté d'une opportunité de faire partie d'un projet comme celui-là.
J'ai décidé de joindre ma voix à la leur, de laisser tomber la pudeur, pour cette fois.
Je n'ai pas regretté puisque depuis j'ai rencontré des femmes géniales, pleines d'énergie et d'optimisme qui mordent dans la vie! Une communauté qui ne se laisse pas définir par les standards qui prédominent notre société. J'ai décidé de joindre ma voix à la leur, de laisser tomber la pudeur, pour cette fois. Donc j'ai écrit ces mots:
Mon corps est invisible
Mon corps est invisible
On ne le voit qu'à travers le prisme fantasmé de l'érotisme
Mais ce corps-là n'est pas le mien
Mon corps est invisible
Il s'illumine sur les panneaux publicitaires des grandes enseignes
Toujours un peu pareille, quelques fois différent
Mon corps est invisible
Il te touche, il te frôle, te côtoie
Mais son reflet je ne le vois pas
Mon corps est une image préfabriquée
Soustrait à des standards de beauté qui emprunte leurs codes à des idées un peu fanées
Mon corps est noirci de ce silence bruyant
De cette révolte calme
Qui crie en moi
Mon corps est noir, mais on ne le voit pas
La plupart du temps
Absent de la place publique
Il joue parfois à la cachette
Dans quelques pages de magazines
La voix étouffée par la majorité
Il ne veut pourtant prendre la place de personne
Juste la sienne
Le livre a été lancé le 14 mai et tous les profits engendrés seront remis aux organismes suivants:
Pour ceux et celles qui se le demandent, vous pouvez vous le procurer en ligne : www.nosplumescommedesarmes.com
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