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L'Antarctique, le voyage d'une vie

Certes fouler le Continent blanc a un prix élevé, mais chaque année de plus en plus de visiteurs y vont. 50 000 sont attendus pour la saison qui s'ouvre : l'Antarctique menacée par le tourisme?
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Comme son nom l'indique: la baie Paradis ©photo Jérome Stern

C'est "LA" destination-fantasme dont rêvent de plus en plus de voyageurs: elle est désormais une réalité. Certes fouler le Continent blanc a un prix élevé, mais chaque année de plus en plus de visiteurs y vont. 50 000 sont attendus pour la saison qui s'ouvre : l'Antarctique menacée par le tourisme?

Les bateaux répondent à des normes d'environnement ©photo Jérome Stern

C'est un lieu magique: ici on est "ailleurs", pas seulement parce que l'Antarctique est éloignée de tout, pas seulement parce que c'est là qu'il y fait le plus froid (record à -89°2), le plus sec, le plus venteux, pas seulement parce que sa superficie ( dont 98% de glace d'une épaisseur moyenne de 1,6 km) y est plus grande que toute l'Europe réunie et qu'y vivent moins de 1 000 personnes en permanence (5 000 en haute saison scientifique durant l'été austral, de novembre à février), pas seulement parce que la faune y est fabuleuse (des millions de manchots), parce que l'on y rencontre des icebergs géants (de plusieurs kilomètres !), parce que les glaciers sont immenses et provoquent des chutes spectaculaires), parce que, parce que,.... Non, tout simplement parce que l'Antarctique est beau, magnifique, sublime. Inoubliable.

C'est pourquoi le Continent blanc est le fantasme absolu de tout grand (et petit) voyageur, un fantasme qu'entretiennent documentaires télévisés,ou reportages aventureux sans oublier les publicités sur papier glacé (tiens !) des rares croisiéristes qui proposent désormais cette destination.

Pas plus de 100 personnes à la fois ©photo Jérome Stern

Réchauffement climatique

Le premier bateau chargé d'une petite centaine de touristes très privilégiés et nantis à avoir abordé les cotes antarctiques est « l'Éclaireur » argentin en 1958. Puis ce ne sont que quelques milliers qui suivent, 4 000 en 1990, le cap des 10 000 est franchi en 2006, 36 875 en 2010 et pour cette saison plus de 50 000 sont attendus. Une saison encore courte, de mi-novembre à février du fait de moindre glace, donc plus navigable, mais qui pourrait bien se prolonger avec les effets, ici aussi accentués, du réchauffement climatique. Mais attention: ce n'est pas tout le continent, loin de là, à peine 1,5% de sa superficie, qui est concerné par le tourisme, essentiellement la péninsule, une longue bande de près de 1 000 km sur la façade nord-ouest.

Une péninsule que la cinquantaine de bateaux de croisière et la centaine de voiliers atteignent en partant d'Ushuaia (Argentine) voire de Punta Arenas (Chili), longeant le mémorable (que l'on peut visiter par rare beau temps) Cap Horn, via le passage du Drake, un bras de mer de 850 km particulièrement remuants (avec même en période calme souvent des creux de 6 à 8m), une des zones les plus sensibles aux vents et courants marins. Durée moyenne de la traversée pour les gros bateaux, deux jours (ou plutôt deux nuits) et le triple pour les petits voiliers. Généralement les navires débutent - toujours en fonction des conditions météorologiques - par les iles Orcades ou Shetland, histoire de montrer aux passagers quelques icebergs (qui a vu le premier gagne une bouteille de Champagne !) et surtout les premiers manchots (attention: on dit en français manchot, pas pingouin... qui est un autre oiseau d'Arctique, tout petit).

Exceptionnel: marcher sur la banquise ... qui bouge,©photo Jérome Stern

Un parcours trop rapide

Puis le tracé suit les côtes de la péninsule, plus ou moins profondément, très très rarement sous les 66° du cercle polaire (qui est lui aisément franchi en Arctique) d'autant que les voyages se font le plus souvent en 11 jours y compris la traversée contre six de plus dans le passé, succès commercial oblige. Et l'on passe ou s'arrête suivant la météo , la navigation, la durée de croisière dans la Baie de Charcot, le détroit de Gerlache, le canal Lemaire, la baie Paradis, le cap Neko, les iles Paulet, Peterman, Brabant, Locroy, (la seule boite aux lettres - britannique - du coin), Deception, Point Hannah, Roi Georges... Pour y voir des milliers de manchots (papou, à jugulaire, adélie,... mais pas empereurs qui nichent sur la glace du continent), des centaines de phoques (Weddell, crabier, à fourrure,..) des léopards et des éléphants de mer, à coup sûr et souvent, des orques et des baleines. Mieux que n'importe quel safari africain low cost.

Et aussi visites en Zodiac le long des icebergs, et parfois d'une base scientifique, d'un mémorial dédié aux explorateurs (Charcot notamment), d'anciennes stations baleinières (Deception) et quand le temps s'y prête, un petit tour sur la banquise qui continue, elle, de naviguer au gré des courants. Frissons garantis.

Des icebergs de plusieurs kilomètres ©photo Jérome Stern

Des règles strictes

Ce programme, trop bref, concerne la majorité des compagnies qui proposent ce voyage, la française Ponant (du groupe Pinault), Hurtigruten (Norvège), Quark ou Explorer (États unis). Ce n'est pas le cas des plus gros navires de Costa, Regent, Holland Lines ou Disney Cruise. Car depuis 1991, un groupement d'armateurs avisés et conscients du péril écologique (en 2007 un navire Explorer a coulé suite à un heurt avec un iceberg dans le détroit de Bransfield, en 2014 un navire russe a été bloqué dans les glaces orientales une bonne semaine sans pouvoir recevoir la moindre assistance, en 2015 le Boréal du Ponant a pris feu au large des Malouines) a instauré l'Iaato, un organisme chargé de promouvoir un tourisme respectueux du patrimoine austral. Aujourd'hui plus de cent membres composent ce mouvement volontaire qui, hélas, n'a pas d'équivalent dans l'Arctique où cette année le Crystal Serenity a traversé le passage du Nord Ouest (Alaska-Canada-Groenland) avec1 700 personnes à bord!

Les règles, respectées, de l'Iaato sont strictes: interdiction aux bateaux de plus de 500 passagers de débarquer. Et pour les autres navires (Ponant a des capacités de 132 cabines) des débarquements limités à 100 personnes à la fois, et pas plus de 3 heures, interdiction à un autre bâtiment de se trouver sur le même lieu, nettoyage des bottes dans des bacs de décontamination, ne pas approcher les animaux à moins de 10m, bateaux utilisant du fuel léger (pas de marée noire) et non lourd, pas de rejet des eaux sales, etc....

Les nuits sont brèves ©photo Jérome Stern

Prix élevés, forcément élevés

Autant de restrictions indispensables sur un territoire hors norme, car n'appartenant à aucune nation en particulier: les différents traités en effet qui interdisent toute armée ou toute recherche commerciale ont limité l'accès aux seuls scientifiques répartis dans une cinquantaine de bases. D'où pour les touristes des conditions particulières. Et surtout des tarifs élevés, voire exorbitants. Outre les vols transatlantiques, pour un tour dans la péninsule via le redoutable Drake, comptez entre 8 et 15 000 euros en moyenne, avec des réservations souvent un ou deux ans à l'avance tant la demande est grande. Ce n'est pas le tourisme de masse, car il s'agit de bateaux de grand confort avec repas gastronomiques et vin chaud au retour des sorties dans la neige, les organisateurs constatent que pour certains passagers dorlotés, il s'agit plus d'une croisière, que d'une vraie expédition.

Depuis peu, grâce à la piste d'aviation allongée sur l'ile Georges et la construction d'un hôtel, certains sujets au mal de mer évitent le fameux passage marin, même si un vol sur quatre est annulé du fait de la météo: comptez 20 à 25 000 euros. D'autres, mais ce n'est plus de la découverte sur place, se contentent d'un simple survol de quelques heures de la péninsule (3 à 5 000 euros tout de même) depuis le Chili, d'autres plus rares (1% des touristes) s'embarquent pour un mois sur un brise-glace russe (30 à 50 000 euros) ou partent de Nouvelle-Zélande dans des mers agitées (25 à 35 000 euros). Et comble du luxe, même en Antarctique, un hôtel 5 étoiles vient d'ouvrir ses six igloos chauffés sur la terre de la reine Maud au nord du continent: prix de six nuits dans ce palace le plus isolé in the world »: 65 000 euros. Plus le transport.

Un dernier mot: avant de partir (ou pas) de nombreux livres traitent du Continent blanc. Leur lecture est déjà un petit voyage...

Manchots (ici adélie) pas pingouins!!! © photo Jérome Stern

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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