Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Gestion de l'offre et productivité au Canada : un modèle à conserver

Les politiques canadiennes de gestion de l'offre dans le monde agricole sont au cœur de plusieurs débats, notamment dans le contexte des négociations de l'accord de libre-échange transpacifique.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Depuis plusieurs semaines, les politiques canadiennes de gestion de l'offre dans le monde agricole sont au cœur de plusieurs débats, notamment dans le contexte des négociations de l'accord de libre-échange transpacifique. L'Union des producteurs agricoles (UPA), a d'ailleurs lancé la campagne Forts et unis pour la gestion de l'offre, afin d'indiquer qu'elle tient à conserver cet instrument de maîtrise quantitative de la production dans plusieurs domaines agricoles, dont la production laitière.

Ce matin, j'ai pris connaissance d'un article publié par l'Institut économique de Montréal, intitulé Le Point - Les politiques néfastes de gestion de l'offre du Canada. Les deux auteurs, Youri Chassin et Mario Dumais, soutiennent que la gestion de l'offre aurait pour conséquence d'appauvrir les moins bien nantis. Ils citent une étude réalisée par des chercheurs de l'Université du Manitoba dont la conclusion est que le pourcentage des revenus consacrés au coût de la gestion de l'offre est cinq fois plus élevé chez les ménages pauvres que chez les ménages riches.

Si l'abolition de la gestion de l'offre donnerait un pouvoir d'achat supplémentaire de 339 dollars aux 20% des ménages les plus pauvres, il faut être conscient que ce montant serait lui aussi soumis aux lois des marchés. Il y aurait forcément une volatilité plus élevée au niveau du coût d'un panier d'épicerie, alors que dans le budget d'une famille à faible revenu, il y a peu de place pour la volatilité des marchés. Pour rétablir l'équilibre entre les riches et les pauvres, il existe déjà un mécanisme bien connu: l'impôt sur le revenu.

Les auteurs s'intéressent particulièrement à la production laitière, en faisant référence au cas de l'Australie, pays s'étant débarrassé des quotas laitiers il y a une quinzaine d'années. D'abord, entre 2000 et 2013, la production australienne annuelle de lait a diminué de plus de 12%, alors que celle du Canada a progressé d'environ 3% (référence). Ils ne mentionnent pas le cas de la Suisse, où les choses semblent moins bien aller.

Le cas de l'Australie est passablement différent de la situation canadienne. L'Australie est un pays insulaire, ce qui augmente passablement les coûts reliés au transport pour des producteurs étrangers qui désireraient y exporter du lait. Il en va autrement du Canada, qui a pour voisin immédiat le plus grand producteur mondial de lait. Certaines villes canadiennes ne sont qu'à quelques heures en camion du Wisconsin, un État où il se produit plus de lait que dans l'ensemble du Canada. Suggérer au gouvernement fédéral de s'inspirer de l'Australie sur la seule base que ça n'a pas été si mal dans ce pays me semble hasardeux.

D'autre part, les auteurs citent pour les appuyer l'ex-députée fédérale Martha Hall Findlay, qui, en 2012, a affirmé que la gestion de l'offre procurait peu d'incitations à innover et à devenir plus productifs. Ce passage m'a passablement irrité: je côtoie assez souvent des entrepreneurs agricoles qui ne cessent d'innover dans leurs pratiques, alors que la gestion de l'offre est bien établie au Canada.

J'ai alors pensé aux CUMA (Coopératives d'utilisation de matériel agricole) qui ont fait leur apparition au Québec il y a déjà plusieurs années. Elles permettent à un groupe de producteurs de faire l'acquisition d'équipements coûteux ne servant que quelques fois par année, mais qui sont néanmoins nécessaires pour faire fonctionner une entreprise agricole. En diminuant les coûts de production, j'y vois là une belle manière d'être plus productif. Ensuite, je pense à l'amélioration de la production laitière, que ce soit par le biais du génie génétique, ou encore en améliorant l'alimentation d'un troupeau. Aujourd'hui plus que jamais, les taureaux canadiens sont parmi les plus utilisés pour la reproduction à travers le monde. D'ailleurs, le célébrissime Starbuck n'était-il pas ontarien? Vraiment, je crois que les propos de cette ex-parlementaire devraient être dénoncés plutôt que cités favorablement.

Récemment, le ministre Pierre Paradis nous a entretenus sur la nécessité d'avoir une loi sur le bien-être animal. Je salue cette initiative, qui devrait être imitée par d'autres pays. Dans le domaine de la production laitière, le Canada a déjà choisi d'interdire l'utilisation d'une hormone de croissance, la somatotrophine bovine. Des méta-analyses ont montré que, bien qu'elle favorise la production de lait, l'utilisation de cette hormone a des conséquences désastreuses sur la santé animale, notamment en réduisant la fertilité, en augmentant les risques d'infections du pis, et en occasionnant la boiterie chez certaines vaches. Or, cette hormone est utilisée en toute légalité aux États-Unis, et je doute que les discussions dans le cadre de l'accord de libre-échange améliorent la santé des vaches américaines. Elle pourrait même se détériorer si on demandait à ces vaches de produire encore plus de lait à rabais pour les Canadiens. Franchement, le lait américain me laisse un goût amer.

Je conclus en réitérant que la gestion de l'offre par l'entremise des quotas de lait est non seulement une manière efficace de s'assurer que les producteurs laitiers soient payés décemment, mais aussi de préserver un produit de qualité conçu dans le respect de l'environnement et de l'animal. Je préfère entendre le ministre Paradis citer Ghandi que de lire messieurs Chassin et Dumais citer Martha Hall Findlay.

Le Canada, et plus particulièrement le Québec qui compte pour 49% des fermes laitières canadiennes, n'a rien à envier en matière de productivité aux producteurs des autres pays. D'ailleurs, si vous étiez à la World Dairy Expo de Madison au Wisconsin l'automne dernier, vous avez sans doute vu une vache de Notre-Dame-du-Bon-Conseil remporter le titre de championne de la race holstein, alors qu'une vache de Piopolis en Estrie remportait celui de championne dans la race ayrshire.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Avril 2018

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.