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Les prochain(e)s

Je vois la bande d'Enbridge discuter indirectement de l'avenir de cette génération-là du haut de sa tour d'ivoire, pour une poignée de dollars, sans jamais lui demander son avis. Pire: le rabrouer et lui donner une tape sur la main s'il ose vouloir le dire haut et fort son avis.
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Il faisait beau, jeudi, à Québec. Mon quartier de Limoilou chéri, toujours très lumineux par ses gens chaleureux, l'est encore plus quand le soleil y brille et qu'un ou deux rayons peut nous chauffer la tronche un brin. C'est le genre de température qui te donne le goût de prendre ton «déjeuner des champions», soit le combo café-clope, à l'extérieur en regardant les gens et le temps passer.

Une dernière puff. La vie de ma cigarette s'éteint au moment où je la pichenotte dans la rue. Je remonte à l'étage pour les derniers préparatifs avant d'aller au bureau.

- «Monsieur!! Toi, monsieur!!»

Une très jeune voix. Je n'arrive pas à me faire à l'idée si le bambin qui semble m'interpeller est un garçon ou une petite fille.

Puis, arrivant à vive allure sur sa trottinette, un jeune garçon d'au plus 7 ou 8 ans apparaît derrière ma haie. Blond platine, les yeux noisette à la limite du noir et une sympathique tache de naissance bien apparente sur le menton.

- «Monsieur, vous êtes pas gentil!»

Ah bon? «Bon matin aussi, le jeune», me dis-je.

Voyons le point d'interrogation que j'avais d'accroché dans l'front, le gamin soupire puis me pointe mon mégot de cigarette, encore fumant.

- «Vous savez combien de temps ça prend pour qu'un mégot de cigarette soit biodé...bioda...que la nature le fasse disparaître?!»

Il n'était pas content après moi, le jeune. Vraiment pas. Je lui souris.

- «Entre 6 mois et 10 ans, dépendant de la température».

Il se fâche encore plus.

- «Vous le savez et vous le faites quand même?!»

Touché. Il a raison. Je lui dis qu'il a raison, d'ailleurs. Je retourne dans la rue et va chercher mon mégot.

- «Monsieur, c'est pas correct. Vous savez, tu vas probablement mourir avant moi. Mais moi, quand vous allez mourir, je vais rester. Vous, Monsieur, tu sais que la planète respire mal?»

Il est brillant, le jeune. Il me dit ça avec beaucoup de courage et de conviction. À ce moment, au lieu de l'écouter, je me demande combien de «vieux» comme moi il a accosté de cette manière. Puis je me reconcentre.

- «Tu veux faire quoi, dans la vie, toi?»

- «Je veux nettoyer la planète. Elle est trop sale. Juste nettoyer la planète, je devrais en avoir pour longtemps. Mais avec des gens comme vous, ça va me prendre encore plus longtemps».

Je ris un peu. Mais je m'entends rire et je me trouve ridicule. Parce qu'au fond, y'a rien de drôle dans ce qu'il vient de me dire.

- «T'as bien fait de me le dire, mon grand. C'est une bonne idée, ça, nettoyer la planète. Tu me promets qu'à chaque fois qu'un vieux comme moi ne fait pas attention, tu vas lui dire?»

- «Okay! Bonne journée quand même, Monsieur!»

Puis il repart.

Il faut dire qu'aussi «écolo» que je me crois, je suis assez peu assidu sur les mégots de cigarette. Le jeune a raison, je vais faire attention.

Je me suis alors demandé combien de temps ce jeune-là allait demeurer idéaliste. Combien de temps ou de barrières allait-il avoir besoin, dans la vie, pour laisser tomber. Parce que plus jeune, j'étais un p'tit crisse comme lui. Puis je me suis oublié.

«Et puis quoi encore?!», me suis-je dit. Après tout, ne serait-ce pas formidable d'encourager cette génération à être la première génération réellement idéaliste? Que l'idéalisme ne soit pas vu comme un «rêve» ou un genre de truc bizarre qui n'arrive qu'aux étranges?

Je l'aime bien, la nouvelle génération. Elle a un sens du bien commun que la nôtre a perdu dans le détour. Est-ce qu'on a oublié de nous le transmettre? Ou est-ce qu'on n'a pas reçu l'éducation qu'il fallait. Je sais, je sais pas.

Quoi qu'il en soit, je vois la bande d'Enbridge discuter indirectement de l'avenir de cette génération-là du haut de sa tour d'ivoire, pour une poignée de dollars, sans jamais lui demander son avis. Pire: le rabrouer et lui donner une tape sur la main s'il ose vouloir le dire haut et fort son avis.

Mais les jeunes, ils sont bons. Si c'est raté pour notre génération, on aura au moins une occasion en or de leur donner tous les outils dont ils ont besoin pour réussir où on a échoué.

Ça, c'est s'il n'est pas trop tard. Bien entendu.

On met l'idée sur la glace: Le Canadien se demande quel gardien de but jouera ce soir.

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