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Ces souverainistes... qui veulent un pays

Au lieu de pointer du doigt les militants d'Option nationale parce qu'ils ne croient plus au PQ, je préfère prendre acte de ce qui pousse une strate de militants à non seulement quitter le Parti québécois, mais même à fonder leur propre parti. Et je n'oserai jamais accuser des souverainistes pour l'élection de fédéralistes alors qu'ils n'ont pas voté pour eux.
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J'ai lu le billet de mon collègue David Doyon intitulé «Ces souverainistes purs...». L'ajout des trois petits points au titre dit tout: un petit dégoût, peut-être, voire même de l'écoeurement. Et c'est bien normal: quand on a un projet en tête et un pays au coeur, on veut que ça produise. Plus tôt que tard.

Involontairement, David a mis le doigt sur un gros bobo québécois avec ce billet. Il y parle de division du vote souverainiste. Il parle aussi - peut-être avec les sourcils en "V" - de Catherine Dorion avec qui il n'est clairement pas en amour. Soit, c'est à lui la tête. Il va même jusqu'à accuser les militants d'Option nationale d'alliés des victoires de Chrétien, Charest, Harper et autres.

Ce serait vrai s'ils avaient voté pour ces gens. Ce qui ne s'est pas produit. Alors pourquoi un vote pour un autre parti que le Parti québécois signifie la victoire d'un fédéraliste? Après tout, en démocratie, ne sommes-nous pas censés voter pour quelqu'un et non contre quelqu'un?

Vous l'avez deviné: je veux parler de notre mode de scrutin. Un vieux système fait pour les analphabètes de la politique qui dit que peu importe le nombre de candidats dans une circonscription donnée, celui qui amassera le plus de voix sera le gagnant. Même si une majorité de citoyens ne veulent rien savoir de lui ou de elle. Un système archaïque, désuet et anormal. Un vieux système qui pousse les partis à s'en remettre à la stratégie au détriment de la persuasion, de l'argumentaire et des idées. Le pire, c'est qu'avec ce système, David Doyon a raison: divisés, les souverainistes n'arriveront à rien d'autre que des déceptions qui s'empileront un par-dessus l'autre.

C'est d'ailleurs, ironiquement, ce vieux système que le PQ s'était promis de changer à sa fondation. Afin de donner une voix au péquiste de Westmount, une voix au libéral de Borduas, une voix au solidaire de Beauce-Sud, une voix au caquiste de Sainte-Marie-Saint-Jacques, une voix au vert de Lévis.

Changer de système parlementaire et de système de scrutin rendrait impossibles les malheureux détours intellectuels de la division du vote. Avec une composante de proportionnelle, chaque souverainiste pourrait voter pour le parti souverainiste qui lui convient. Même chose pour les fédéralistes, d'ailleurs! Ils le disent moins fort, mais plusieurs fédéralistes ont dû se ranger du côté du parti qui ne faisait pas leur affaire dans plusieurs comtés histoire d'éviter l'élection d'un député souverainiste.

La beauté de tout ça, c'est que le parlement deviendrait représentatif des votes de la population. Ce qui signifie qu'un référendum pourrait être déclenché, techniquement, sans même qu'un parti souverainiste soit au pouvoir. Pour autant qu'une majorité de députés votent en faveur d'un référendum (voir les exemples récents du Bundestag allemand).

Maintenant que cette question est réglée, il y a tout de même un problème avec ce qu'avance David dans son billet. Il oublie de parler des réelles raisons de la fondation d'Option nationale ou même de Québec solidaire. Comme il le dit lui-même, il n'est pas d'accord avec toutes les décisions prises par le Parti québécois. Pour une bonne strate de militants, les décisions qui ne faisaient pas leur affaire se sont succédé à tel point qu'être membre du Parti québécois jouait sur leur conscience. Et ces exemples de décisions sont récents: parlons du Conseil national du PQ de Drummondville, en février dernier. Une vaste majorité de militants avaient voté en faveur d'une résolution du Comité national des jeunes du PQ (CNJPQ) voulant le gel des frais de scolarité ou toutes autres mesures favorisant une diminution de l'endettement étudiant. Et pourtant, quelques minutes après le Conseil national, alors que les militants croyaient cette question réglée, Mme Marois a déclaré aux journalistes que «l'indexation, pour elle, c'est un gel».

Le billet se poursuit après la galerie

Les promesses du PQ

Bien sûr, la question des frais de scolarité n'a rien à voir (directement, dis-je) avec la question nationale. Mais pour plusieurs militants, il semble impensable qu'une telle mesure soit le tribut à payer pour la souveraineté du Québec.

Option nationale et Québec solidaire sont nés de ces nombreuses déceptions. Si le PQ a quelqu'un à blâmer pour la division du vote souverainiste, c'est lui-même. D'autant plus que la solution proposée plus haut, soit un scrutin avec une composante de proportionnelle, a non seulement été évacuée des décisions gouvernementales sous le PQ, mais elle a même été retirée de son programme.

Ne vous méprenez pas: je n'écris pas ce billet en tant que membre d'Option nationale. D'ailleurs, j'ai moi-même fait campagne, tout comme David, pour le Parti québécois au dernier scrutin général. Je faisais partie de l'équipe de campagne du candidat de Lévis, Stéphane Labrie, qui a obtenu le pire score de l'histoire du parti dans cette circonscription. Oui, nous-mêmes étions déçus de voir le vote souverainiste se diviser dans cette circonscription. Et comble de l'ironie: je faisais campagne contre l'actuelle chef intérimaire d'Option nationale, Nathaly Dufour, qui était candidate ONiste dans Lévis. Cette campagne a fait de moi et Nathaly de très bons amis, d'ailleurs.

[En passant, Nathaly, tu me dois encore deux pintes...]

Ça ne signifie pas pour autant que je ne comprends pas les raisons de la naissance d'ON. Mais au lieu de pointer du doigt un parti qui ne croit plus au PQ, je préfère prendre acte de ce qui pousse une strate de militants à non seulement quitter le Parti québécois, mais même à fonder leur propre parti.

Et je n'oserai jamais accuser des souverainistes pour l'élection de fédéralistes alors qu'ils n'ont pas voté pour eux. Comme diraient les Chinois: «Don't hate the player, hate the game». Et la «game», justement, favorise des disputes qui n'auraient jamais dû voir le jour. Si seulement le mode de scrutin avait été changé.

Après tout, la variété des idées dans le mouvement souverainiste ne devrait pas être vue comme un problème, mais bien un atout. Ça signifie simplement que plusieurs strates de la population en sont arrivées à la conclusion qu'une nation se doit d'avoir ses pleins pouvoirs afin d'en arriver à son plein potentiel, à son idéal. Que cet idéal soit péquiste, solidaire, ONiste ou autre est anecdotique. Ce sera à la population de décider ce que nous ferons du pays québécois au moment où on se donnera un pays. C'est ça, la liberté.

Parce qu'après tout, peu importe le parti, tous les souverainistes veulent un pays qui les rassemble, un pays qui leur ressemble. À bon entendeur...

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