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Une extrême droite de gauche?

Une gauche qui ne possède plus du tout le monopole électoral de la communauté homosexuelle devrait se poser certaines questions.
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De profonds changements sont survenus en Europe dans les dernières années. En plus de connaitre d'importantes difficultés économiques, plusieurs pays européens voient des milliers de migrants s'installer impunément sur leur territoire, et l'Union européenne qui chapeaute très mal cette lourde opération est remise en question.

Plusieurs acteurs plaident pour le rétablissement des frontières : ils veulent retrouver la pleine souveraineté de leurs États, et ce, tant sur le plan économique que sur le plan politique.

D'autres insistent surtout sur le danger de l'islamisme radical; ils se méfient avec raison de ce fascisme venu d'Orient qui assassine la jeunesse avec un air de conquérant. Par exemple, des auteurs comme Laurent Bouvet parlent de «l'insécurité culturelle» des Français face aux transformations profondes emmenées par le multiculturalisme.

Cet état d'éprit s'accompagne d'un renversement inédit du clivage gauche-droite. Effectivement, on remarque que les anciens clivages partisans qui opposaient «progressistes» et «conservateurs» tendent de plus en plus à disparaître. Évidemment, c'est autour des questions relatives à l'identité, à l'immigration et à la gestion du religieux que le clivage s'articule aujourd'hui de plus en plus. Ce serait vrai pour le Québec, s'il n'était pas encore aux prises avec le débat sur l'indépendance.

Je veux dire que des partis de gauche défendent dorénavant des valeurs traditionnellement réservées à la droite, tandis que la droite, et même l'extrême droite, défendent désormais des valeurs traditionnellement réservées à la gauche. Si la gauche a perdu ses repères, la droite lui a volé quelques-uns de ses projets.

Par exemple, de plus en plus de féministes ne votent plus pour la gauche inclusive qui a laissé tomber l'émancipation des femmes dans les communautés culturelles.

De même, de plus en plus d'athées et d'agnostiques se tournent vers des partis de droite qu'ils jugent plus favorables à la préservation de la sécularisation.

C'est le monde à l'envers.

Une autre donnée est particulièrement représentative de ce changement de paradigme. La semaine dernière, Le Figaro publiait les résultats d'un sondage qui montrent qu'en France, un tiers des couples homosexuels mariés a voté pour le Front national aux dernières élections régionales. Des statistiques qui peuvent en surprendre plus d'un. De plus en plus d'homosexuel(le)s votent donc pour un parti considéré comme «fasciste».

Certains parlent d'une totale incohérence. Pourtant, ce geste paraît assez réfléchi à la lumière de l'actualité. Faut-il vraiment se surprendre que certains homosexuels craignent une transformation culturelle et religieuse de leur pays pouvant remettre en question certains de leurs acquis les plus fondamentaux ? Ne voient-ils pas quel sort est réservé aux gais et lesbiennes dans les pays dominés par la religion ?

Le Front national n'est pas le seul parti à attirer le vote de plusieurs homosexuels. Au Pays-Bas, le Parti pour la liberté de Geert Wilders prétend toujours que la protection des droits des minorités sexuelles passe par la réduction draconienne de l'immigration musulmane. D'ailleurs, le parti de Wilders se sert toujours de l'assassinat de Pim Fortuyn pour promouvoir son programme : en 2002, ce politicien ouvertement homosexuel était abattu en pleine rue par un écologiste radical qui l'accusa d'entretenir un discours haineux à l'endroit des musulmans du pays.

Le phénomène devient de plus en plus répandu : même le Français Renaud Camus, le controversé théoricien du «grand remplacement», est un ancien militant homosexuel de gauche qui est graduellement passé à l'extrême droite dans un élan de lassitude.

Quelque chose nous dit que l'extrême droite n'est plus ce qu'elle était. Cela ne veut pas nécessairement dire de ne plus s'en méfier.

En bref, une gauche qui ne possède plus du tout le monopole électoral de la communauté homosexuelle devrait se poser certaines questions. Est-elle encore vraiment progressiste ou n'est-elle pas en train d'adhérer à une idéologie réactionnaire mettant en péril les droits des minorités sexuelles ?

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